Résolument, l’Etat ne joint pas l’action à la parole en matière de promotion de nouveaux modes d’investissement, de leviers d’épargne notamment institutionnelle et de vecteur d’amélioration de la contribution fiscale de nature à renflouer les caisses de l’Etat en ces temps de dèche.
Et c’est le cas de le dire pour le capital investissement qui a fait ses preuves aussi bien en termes de cooptation d’investisseurs étrangers, d’amélioration de la gouvernance et de la transparence fiscale des entreprises accompagnées et de contribution au transfert générationnel des entreprises, véritable défi pour le tissu économique marqué par la prédominance des entreprises familiales.
En effet, malgré le cadre contraignant et peu attractif de cette activité par rapport à d’autres places dans le monde, son impact socio-économique et fiscal est en nette amélioration.
Sur la base des résultats préliminaires à octobre 2019 de l’étude annuelle réalisée par l’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC), on constate que les entreprises accompagnées, au nombre de 230, ont réalisé d’importantes progressions notamment en chiffres d’affaires. En effet, entre l’année d’entrée et l’année de sortie (2017 prise en année de référence), le chiffre d’affaires réalisé est passé de plus de 38 Mds de DH à plus de 73 Mds de DH soit multiplié par 1,7 fois.
Idem pour l’export dont la valeur passe de 5.251 MDH à 7.318 MDH. Faut-il rappeler par ailleurs que les entreprises notamment exportatrices ont occupé une place de choix dans le discours royal à l’ouverture de la session d’automne au Parlement.
Par ailleurs, et toujours selon l’étude de l’AMIC, l’EBE des entreprises accompagnées évolue à près de 12 Mds de DH au lieu de 4,62 Mds de DH.
La valeur ajoutée progresse également de 28 % passant de 1.918 MDH à 3.024 MDH.
Le capital investissement confirme également sa vocation de créateur d’emplois qui évoluent de 24.129 à 33.607, soit une progression de 22 %. Cette évolution favorise également l’emploi des femmes qui passe de 24% à 27%. D’ailleurs, à la demande des investisseurs sensibles à l’approche genre, l’idée d’un fonds dédié à l’entrepreneuriat et l’emploi des femmes fait son chemin au sein de l’AMIC.
Ces évolutions en croissance se sont traduites également par une évolution de la contribution fiscale des entreprises accompagnée, qui passe de près de 639 MDH à 1.822 MDH en terme d’IS (+ 27%), de 192 MDH à 360 MDH (+32%) pour divers impôts et taxes, de 242 MDH à 1.108 MDH (+20%) en termes de TVA et de 198 MDH à près de 310 MDH (+28%) en termes d’IR.
Malgré les performances de l’activité et le travail remarquable des opérateurs, cette classe d’actifs n’est pas réellement valorisée et ses doléances pour améliorer l’attractivité du secteur sont demeurées lettre morte. Pourtant certaines mesures auraient un effet multiplicateur certain, notamment pour les caisses de l’Etat.
Des propositions à prendre en considération !
Cela n’a pas empêché l’AMIC de revenir à la charge pour faire entendre ses propositions dans le cadre du PLF 2020, après avoir contribué par ses propositions aux 3èmes Assises sur la fiscalité.
Huit familles de mesures sont ainsi proposées. En premier chef, l’exonération de la TVA sur les frais de gestion. Actuellement, les fonds en activité au Maroc paient la TVA sur les frais de gestion sans pouvoir la récupérer, contrairement à d’autres pays où les fonds sont exonérés ou bien peuvent récupérer la TVA.
La deuxième proposition concerne la mise en place de la consolidation fiscale et des avantages fiscaux liés au régime mère-fille, qui favoriseraient en autres avantages, la fiscalisation des intérêts de la dette et le développement de ce segment du capital investissement.
Dans son cahier revendicatif, l’AMIC qui vise le développement de l’épargne institutionnelle, appelle à une fiscalité qui inciterait les investisseurs institutionnels à placer leur argent dans les fonds d’investissement.
Dans ce sillage, l’AMIC plaide en faveur de réintroduire la distinction entre les titres de participation et les titres de placement, distinction qui existait dans l’ancienne version du Code général des impôts et qui est essentielle dans le système d’avantages accordés aux véhicules de placement et aux investisseurs.
Aussi, l’AMIC souligne tout l’intérêt pour le développement de l’activité d’autoriser les compagnies d’assurance à investir une part de leurs provisions techniques dans les fonds d’investissement.
En ce qui concerne la promotion de l’épargne privée, un traitement fiscal plus favorable pour les investisseurs individuels ne serait pas de trop, à l’instar de ce qui se fait sous d’autres cieux où cette catégorie d’investisseurs bénéficie d’une réduction de l’IF ou de l’ISF en contrepartie du risque lié à la composition d’actifs de ce type de véhicules.
Sur un tout autre registre, l’AMIC appelle de ses vœux une évolution du régime des SAS et un accès aux valeurs mobilières composées (l’exemple des bons de souscription d’actions).
Dans sa version actuelle, la Société par Actions Simplifiée présente quelques inconvénients selon l’AMIC, notamment avoir au moins deux associés, qui doivent nécessairement être des personnes morales et un capital social d’au moins 2 MDH. Des dispositions à revoir et à compléter notamment par l’octroi à une SAS de la faculté d’émettre des valeurs mobilières.
La sixième proposition de l’AMIC est relative à l’application du régime fiscal des plus-values au Carried Interest et Management Package. En effet, il n’existe aucune disposition fiscale spécifique pour les systèmes de rémunérations des dirigeants et des salariés des entreprises cibles encore moins pour les membres des sociétés de gestion des fonds d’investissement. La mise en place d’un système de rémunération auquel serait appliqué le régime fiscal des plus-values est souhaitable.
A l’heure où le financement des entreprises demeure une problématique permanente au Maroc, le recours au capital investissement est une bonne alternative. Toujours est-il que le recours à ce genre de véhicules est peu attractif. Dans ce sens, ces incitations fiscales en faveur des entreprises cibles peuvent encourager le recours à cette classe d’actifs. Dans ce sens l’AMIC propose un abattement de 25 % de l’IS pendant toute la période de présence du capital investisseur dans le capital de l’entreprise.
Last but not least, l’AMIC appelle à une adaptation de la fiscalité des startups. Ces entreprises qui représentent 100 % du futur de l’économie marocaine captent toute l’attention de l’AMIC qui plaide ainsi pour une adaptation de la réglementation des changes et de l’export pour l’internationalisation des startups, une adaptation du système fiscal aussi bien pour la startup, son fondateur et pour tous les investisseurs et des incitations fiscales prestataires de services qui adressent ces startups.
Pour conclure, il faudrait peut-être rappeler qu’en vue de mobiliser l’épargne, booster le développement du secteur financier et surtout diversifier les placements dans le capital investissement, le Maroc a institué les Organismes de Placement Collectif en Capital (OPCC), remplaçant ainsi les organismes de placement en capital risque. Mais la besogne n’est pas pour autant finie pour l’Etat, bien au contraire. Il est temps d’accompagner la croissance de l’activité, la pérenniser et surtout la rendre plus attractive aussi bien pour les investisseurs nationaux qu’internationaux (Actuellement l’activité est portée à 80% de investisseurs étrangers et 20 % des investisseurs nationaux, une tendance inversée à la courbe normale de ce genre d’activité). A bon entendeur…
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