Précisions de la CNOPS et des gynécologues au sujet de la polémique au tour de la prise en charge des césariennes.
Après la polémique créée par les cliniques privées qui avaient annoncé en février de ne plus prendre en charge les assurés de l’AMO, c’est au tour des gynécologues de monter au créneau et d’annoncer ne plus prendre en charge, à partir du 1er mai, les assurés de la CNOPS.
Une fois encore le citoyen est pris dans l’étau d’un système de santé où le malade est loin d’être la principale priorité. La guerre qui s’est déclenchée récemment entre les gynécologues et la CNOPS suite à l’annonce de cette dernière de nouvelles mesures pour la prise en charge des césariennes en dit long sur ce qu’endurent les malades dans notre pays. Une guerre qui intervient à la veille de la discussion de la révision des tarifs de référence après 13 ans de retard.
Retour sur les faits
En se basant sur les recommandations de l’OMS qui préconise un taux maximum de 15% de césarienne alors que le Maroc est à 61% (chiffres 2017), la CNOPS a annoncé qu’à partir du 1er mai toute césarienne non médicalement justifiée ne sera pas remboursée. Elle a ainsi appelé les producteurs de soins (cliniques, hôpitaux publics…) à joindre avec le dossier de facturation un compte-rendu médical du recours à la césarienne programmée ou d’urgence qui doit comprendre la raison motivant le recours à cet acte, le rapport bénéfices-risques de l’intervention et les conditions de sa réalisation.
Une précision qui semble normale de premier abord mais qui a aussitôt provoqué l’ire des obstétriciens qui ont annoncé dans un communiqué diffusé par la Coordination nationale des médecins du privé que « pour des raisons indépendantes de leur volonté, sont contraints de ne plus accepter les prises en charges de la Cnops ».
Autrement dit, les patientes devront payer la totalité des frais en cas de césarienne et par la suite se faire rembourser auprès de la CNOPS.
Et pourtant d’après la CNOPS, cette mesure n’est qu’une application de l’article 26 de la loi 65-00 portant code de la couverture médicale de base. Ledit article stipule que « Les organismes gestionnaires sont tenus d’organiser un contrôle médical ayant pour objet, notamment, de vérifier la conformité des prescriptions et de la dispensation des soins médicalement requis, de vérifier la validité des prestations au plan technique et médical et de constater, le cas échéant, les abus et fraudes en matière de prescription, de soins et de facturation ».
Ce que refuse de payer aujourd’hui la CNOPS ce ne sont pas les césariennes avec une indication médicale mais celles effectuées à la demande des femmes pour des raisons de confort.
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La question qui s’impose d’elle-même : pourquoi ce bras de fer pour une mesure qui est appliquée à tous les autres actes médicaux ?
C’est même un garde-fou pour couper court à certaines pratiques que subissent les femmes enceintes. Si certaines choisissent une césarienne de confort ou de complaisance pour une raison ou une autre, d’autres en revanche se voient obligées de se plier aux instructions de leurs médecins traitants.
Il est monnaie courante que certains gynécologues procèdent au déclenchement artificiel du travail d’accouchement pour des raisons de commodité même lorsque le déclenchement n’est pas justifié cliniquement. En d’autres termes même lorsqu’il n’y a pas de risque pour la maman ou l’enfant. Et pourtant un déclenchement est associé à un risque important de césarienne en cas de non-ouverture du col.
Pour en savoir davantage sur les raisons de cette décision des gynécologues EcoActu.ma a contacté Dr. Chenfouri Abdelilah, gynécologue obstétricien ancien président de l’Association de gynécologue privé du Maroc et Fondateur du collège syndical des médecins spécialistes privés du Maroc. « Cette décision de la CNOPS intervient en pleine discussion sur la révision des tarifs de référence. Le compte-rendu médical et opératoire avec indication de la césarienne est versé à tous les dossiers médicaux que ça soit ceux de la CNSS, de la CMIM que des autres compagnies d’assurance. Ce qui n’est pas le cas pour la CNOPS qui ne demandait dans le dossier de remboursement qu’un compte-rendu opératoire. Donc nous nous n’opposons pas à la justification de l’acte mais au fait qu’un fonctionnaire s’émisse dans l’indication médicale d’un médecin » a-t-il précisé.
Et d’ajouter que les obstétriciens ne sont pas contre le fait d’apporter ce rapport. Toutefois ils contestent le fait que la CNOPS juge les indications de la césarienne, qui selon Chenfouri Abdelilah, relève du ressort de l’ANAM. « L’article 26 de la loi 65-00 précise que l’organisme gestionnaire est tenu de vérifier l’identité et la réalisation de l’acte pas plus » tient-il à préciser.
L’augmentation du taux de césariennes selon ce dernier est un phénomène mondial et non spécifique au Maroc. Il rajoute que l’étude sur laquelle s’est basée la CNOPS ne reflète pas la réalité étant donné que sur les 30.000 accouchements réalisés par les adhérents de l’ANAM alors qu’au Maroc 600.000 accouchements sont effectués chaque année.
A la question pourquoi ne pas saisir les autorités de tutelle à savoir le ministère de la Santé et l’ANAM pour dénoncer une mesure jugée infondée par les gynécologues au lieu de mettre le patient au centre d’un conflit dont il n’est pas responsable, Chenfouri Abdelilah rétorque : « Nous avons déjà saisi les autorités de tutelle aussi bien le ministère, l’ANAM que la CNOPS sur cette situation. En attendant, nous appelons les adhérents à défendre leur intérêt auprès de leurs organismes gestionnaires ».
Cela dit, en attendant la réaction des autorités, le citoyen reste le maillon faible du système et finit par en payer le prix !