La piqûre de rappel par le Pr Khalid Aït Taleb du caractère illégal de l’exigence des chèques de garantie et des sanctions pouvant être encourues apporte certes du baume au cœur des citoyens mais sans plus.
L’intervention des cliniques privées pour prendre en charge les malades atteints du Covid19 s’est faite dans la demi-mesure. Avant l’hospitalisation même des malades, le staff administratif des cliniques privées exige des familles des chèques de garantie d’au moins 60.000 DH sous prétexte que cette pathologie est très consommatrice en oxygène et du coup coûteuse. Bien que cette pratique des chèques de garantie ne soit pas étrangère aux cliniques privées et qu’elle soit très ancrée dans leurs habitudes, la situation d’aujourd’hui révolte les familles en détresse sanitaire et dépassées par la crise sanitaire les ayant opprimées sur tous les plans.
Les citoyens ont ainsi fait entendre leur voix dans l’enceinte parlementaire mais surtout via les réseaux sociaux. Chaque jour qui passe, on voit défiler des vidéos mettant à nu les défaillances, la cupidité… du corps soignant des cliniques. Des vidéos qui ne font qu’altérer et pourrir davantage la confiance envers le système sanitaire privé.
Interpelé par les parlementaires sur cette pratique condamnable, le ministre de la santé Khalid Aït Taleb explique que l’exigence d’un chèque de garantie avant l’hospitalisation est illégale.
Juridiquement parlant, les cliniques n’ont pas le droit, en cas de tiers payant, de demander aux personnes assurées ou à leurs ayants droit une garantie en espèces, par chèque ou par tout autre moyen de paiement en dehors de la part restant à leur charge.
Voilà qui est clair et utile à rappeler à qui veut l’entendre.
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Nous remercions d’ailleurs le Pr Khalid Ait Taleb de nous le rappeler au sein de l’enceinte parlementaire, bien qu’il ne nous apprenne rien de nouveau.
Il sied de rappeler que dans le code du commerce il est écrit noir sur blanc que le chèque est un instrument de paiement et non pas de crédit ou de garantie. Autrement dit le chèque est censé être payable dans toute transaction et sans délai.
Mais cela n’empêche nullement les donneurs de soins privés d’appliquer leur propre loi et d’enfreindre le code du commerce.
Cette piqûre de rappel par la tutelle du caractère illégal de l’opération et des sanctions pouvant être encourues apporte certes du baume au cœur des citoyens mais sans plus. Les vieilles habitudes … surtout celles à caractère pécuniaire ont la peau dure.
Et ce n’est pas ce qui est attendu par l’opinion publique qui sait déjà être bafouée dans plusieurs de ses droits.
Depuis belle lurette, les cliniques privées exigent des patients un chèque de garantie et personne n’ose bouger le petit doigt. Mais en période de pandémie, c’en est de trop !
Face au lobby puissant des cliniques privées, le citoyen tout en étant conscient de leurs manigances et arnaques se plie à leurs desiderata, car il en va de sa vie.
La question qui se pose et qui paraît légitime est : pourquoi les cliniques privées appliquent-elles leurs règles en toute sérénité et impunité ?
La première réponse qui vient à l’esprit est tout simplement liée au fait que le Maroc ne dispose pas d’hôpitaux publics de qualité à même de concurrencer les cliniques privées. Autrement dit, les autorités publiques ont les mains liées !
Le jour où le Marocain même le nanti ou le mutualiste pourra faire confiance et acceptera de se faire soigner dans l’hôpital public, ce jour-là les cliniques privées respecteront la loi et n’exigeront plus des patients des chèques de garantie avant l’hospitalisation. Elles seront obligées d’être à niveau et compétitives au risque de disparaître. Mais autant rêver pour le moment !
Deuxio en ce qui concerne les honoraires qui coûtent les yeux de la tête sous prétexte que la nomenclature actuelle devrait être revue et actualisée pour une adaptation au prix du matériel, des médicaments… bref au coût de la vie… on n’en disconvient pas.
Mais il faut également que la responsabilité des médecins soit mise en jeu et que les malades aient les moyens pour prouver l’erreur médicale en cas de sinistre, les moyens de s’assurer de la concordance des actes réalisés et ceux facturés pour s’assurer qu’ils méritent leur pécule.
Autrement dit, il faut réactualiser la loi réglementant la profession des médecins qui aujourd’hui soufflent le chaud et le froid. Il est temps de bien définir leurs droits mais aussi leurs responsabilités. Pour les cliniques, il faudrait rappeler qu’à ce prix, l’obligation de résultat est un minimum. Là encore, autant rêver !
Aussi, le patient doit-il être bien informé et bien renseigné des R, B, D, K… voire des écritures faisant l’objet de nomenclature pour s’assurer de la sincérité des actes. Et pourquoi pas ne pas avoir la possibilité d’être assisté par une personne neutre lui décortiquant les actes faits par le corps soignant.
Il serait par ailleurs plus judicieux d’interdire aux cliniques privées la commercialisation des médicaments facturés au PPM faisant fi de la marge qu’elles ont déjà encaissées dans la transaction réalisée avec les distributeurs.
Si toutes ces mesures sont mises en place, les cliniques privées feront preuve de discipline. Sinon des milliers de familles ne sauront jamais de quoi leur proche est décédé, des milliers ne pourront se procurer une copie du dossier de leur malade, continueront vaille que vaille à payer indûment des actes … et des milliers déposeront un chèque de garantie avant même l’hospitalisation.
Dans cette équation à plusieurs variables, le rôle de l’Etat, qui ne cesse de céder de ses prérogatives au privé, est plus que jamais nécessaire car il lui incombe en premier de garantir aux citoyens l’accès aux soins, un droit inscrit noir sur blanc dans la constitution. Là encore, nous sommes en droit de rêver !
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