Ecrit par Imane Bouhrara |
Voilà pratiquement six mois depuis le discours royal à l’occasion de la Fête du Trône en juillet dernier, appelant à l’opérationnalisation de l’autorité de parité et à la réforme du Code de la Famille. Pourtant les prémices du changement ne se profilent pas à l’horizon. Il faut reconnaître que c’est avancer en terrain miné. Qui va donc enclencher la réforme ?
Près de 20 ans depuis la réforme de la Moudawana et l’avènement du Code de la famille, l’heure est à la réforme de ce texte jugé révolutionnaire mais qui nécessite de s’aligner sur les évolutions de la société mais aussi au regard du bilan que chacun peut en tirer.
Plus facile à dire qu’à faire puisque la question de la famille, qui sous-tend la question de la femme, crée un véritable clivage dans la société. Certes, les positions ont bien évolué depuis le plan d’intégration de la femme au développement, qui avait créé un véritable mouvement contestataire, mais le clivage droit positif et droit religieux demeure entier.
A cet exercice, le Roi Mohammed VI, Commandeur des Croyants, a réussi en 2004 à mobiliser autour d’un consensus général toutes les composantes de la société marocaine. En procédant à la mise en place d’une commission royale consultative présidée par feu M’hamed Boucetta, laquelle commission avait la lourde tâche d’opérer de grands changements dans le statut de la femme au Maroc.
Il y a lieu ici de rappeler surtout le discours historique du Souverain à l’ouverture de la session d’automne du Parlement en octobre 2003 : « Je ne peux, en Ma qualité d’Amir Al Mouminine, autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé. Il est nécessaire de s’inspirer des desseins de l’Islam tolérant qui honore l’Homme et prône la justice, l’égalité et la cohabitation harmonieuse, et de s’appuyer sur l’homogénéité du rite malékite, ainsi que sur l’Ijtihad qui fait de l’Islam une religion adaptée à tous les lieux et toutes les époques, en vue d’élaborer un Code moderne de la Famille, en parfaite adéquation avec l’esprit de notre religion tolérante ».
C’est ainsi que le Code de la famille, jugé avant-gardiste, avait vu le jour en 2004.
2023, vers un printemps des femmes ?
Actuellement, c’est le discours royal du 30 juillet 2022 qui lance la question de la réforme du Code de la famille partant du constat sans appel d’obstacles qui empêchent de parfaire la réforme initiée depuis plus de 20 ans et d’atteindre les objectifs escomptés.
« Au nombre de ces écueils, figure l’application incorrecte du Code en raison de divers facteurs sociologiques. L’un d’eux tient notamment à la propension tenace d’une catégorie de fonctionnaires et d’hommes de justice à considérer que le Code est réservé aux femmes », extrait du Discours du 30 juillet 2022.
Autrement dit, la réforme doit aller bien au-delà des interprétations personnelles mais modernes de la loi vers un idéal commun et concerté cadré par la loi.
« A cet égard, Nous nous attachons à ce que cet élan réformateur soit mené en parfaite concordance avec les desseins ultimes de la Loi islamique (Charia) et les spécificités de la société marocaine. Nous veillons aussi à ce qu’il soit empreint de modération, d’ouverture d’esprit dans l’interprétation des textes, de volonté de concertation et de dialogue, et qu’il puisse compter sur le concours de l’ensemble des institutions et des acteurs concernés ».
C’est ce qui laisse supposer que cette réforme n’est nullement de l’unique ressort du ministère de la Justice, qui peut certes avancer sur tout ce qui a trait au droit positif, mais ne peut s’avancer de ce qui relève de la commanderie des croyants, du périmètre du Conseil des Ouléma ou encore anticiper sur les aspirations de la société civile.
Cette dernière arrive avec un cahier revendicatif qui va de la liberté de disposer de son corps à l’égalité dans l’héritage, ce qui ne facilite pas la tâche au ministère de la Justice et calme toute velléité de se lancer en premier.
En effet, selon une source informée, toutes les données et les études relatives au Code de la famille sont disponibles mais pour être support d’un débat au sein de la société ou au sein d’une commission qui peut être mise en place à cette fin.
Le Chef du gouvernement alors ? Pas si sûr, à la lumière de l’épisode qu’avait eu à vivre Abderrahamne El Youssoufi en 1998, alors premier ministre du Maroc.
Pourtant la tâche est moins ingrate qu’autrefois puisqu’entre temps, une nouvelle constitution a vu le jour au Maroc et dont le préambule dispose « réaffirme son attachement aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus», tout en rappelant bien évidemment les constantes de la nation : le Maroc étant un Etat musulman… attaché aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde.
Mieux, l’article 19 dispose que « l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent Titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Maroc et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes du Royaume et de ses lois. L’Etat œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination » (bien qu’elle n’ait pas encore vu le jour).
Voilà donc une nouvelle trame ou schéma de travail en perspective d’une réforme du Code de la famille, pour consacrer l’égalité et la parité homme/femme.
Particulièrement en matière de tutelle, de mariage de mineure, de polygamie, de garde des enfants, de partage de bien, de pensions alimentaires…. autant d’écueils qui entachent le texte actuellement et impliquent des conséquences désastreuses non pas seulement pour la femme, mais les enfants et la famille.
Peut-on s’attendre à un printemps féminin en 2023 ? L’espoir est permis, comme cela fut le cas il y a 20 ans lorsque le Roi avait avec le Code de la famille et bien d’autres lois non moins importantes, marqué son règne du sceau de l’équité.
Car depuis son accession au Trône, il a veillé à la promotion de la condition de la femme, en lui offrant toutes les possibilités d’épanouissement et en lui accordant la place qui lui revient de droit. Le discours du 30 juillet 2022 réitère l’attachement à la réalisation de ce noble objectif.
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Bonjour ,
On peut avoir une date de mise en place de cette nouvelle moudawana .