Si la commande publique a permis au Maroc d’atteindre un bon niveau d’équipement, il n’en demeure pas moins que la gouvernance de cette commande au Maroc souffre de plusieurs faiblesses qui entachent sa performance et limitent son rôle en tant que levier de développement.
La commande publique, englobant les dépenses engagées par l’État, les Collectivités Territoriales et les Entreprises et Établissements Publics (EEP), joue un rôle fondamental dans l’économie nationale. Elle fait appel à divers mécanismes tels que les marchés publics, les délégations de services publics ou encore les contrats de partenariat public-privé.
Atteignant près de 18% du PIB ces dernières années, elle couvre l’essentiel des dépenses en infrastructures du pays et représente un marché important pour les entreprises et les fournisseurs marocains de plusieurs secteurs.
« A l’heure où de profondes mutations socio-économiques s’avèrent incontournables, du fait des conséquences de la pandémie Covid-19, il parait légitime, voire nécessaire, d’engager une réflexion sur une meilleure gouvernance de cette commande publique pour en faire un véritable levier d’accompagnement de ces mutations », rappelle l’association AMAEENA dans son livre blanc relatif à la nécessaire transformation de l’administration. En cause : l’État et les Collectivités territoriales sont et seront confrontés dans les prochaines années à une baisse significative de leurs recettes attendues alors qu’ils seront appelés à investir davantage dans certains secteurs.
Si la commande publique a permis au Maroc d’atteindre un bon niveau d’équipement, il n’en demeure pas moins que la gouvernance de cette commande au Maroc souffre de plusieurs faiblesses qui entachent sa performance et limitent son rôle en tant que levier de développement.
Sans être exhaustif, l’association cite certaines de ces principales faiblesses et en particulier celles qui entachent l’efficience de la commande publique et qui doivent être traitées afin que celle-ci réponde aux nouvelles attentes des citoyens nées ou exacerbées par la pandémie Covid-19, de dégager plus de ressources et d’attirer des investissements privés.
Tout d’abord la définition des besoins n’est pas toujours approfondie et concertée, du fait que certains secteurs ne disposent pas de stratégies de développement pluriannuelles pertinentes et comme conséquence du manque de concertation entre départements ministériels (préparation cloisonnée des budgets ministériels).
Ensuite l’arsenal législatif et règlementaire régissant la commande publique est dominé par les règles de procédure et n’accorde que peu de place aux aspects relatifs à l’efficience des projets retenus et à leur impact socio-économique et environnemental.
De manière générale, les investissements publics ne font pas toujours l’objet d’études préalables suffisamment détaillées et de bonne qualité, conduisant à des difficultés au stade de leur réalisation (dépassements des coûts et/ou des délais de réalisation).
Les cahiers de charge peuvent être imprécis, voire comportant des clauses contradictoires, générant des blocages et des litiges entre donneurs d’ordre et prestataires/fournisseurs qui se traduisent par des retards et des surcoûts lors de la réalisation des contrats correspondants.
Du point de vue de l’analyse économique des projets, les coûts d’exploitation et d’entretien dans le choix des types d’infrastructures et de fournitures, ne sont pas finement appréhendés avec le risque d’opter pour des solutions qui peuvent se révéler onéreuses dans les phases d’exploitation et de maintenance.
Tel est le cas également de la planification qui n’est pas maitrisée dans ces investissements car ne prenant pas systématiquement en compte tous les paramètres tels que le respect du phasage des études, la mise en place des financements, l’obtention des autorisations ou encore la libération des assiettes foncières.
Au niveau intersectoriel ou même au sein d’un seul et même département, il y a un manque de standardisation des projets à caractère commun et répétitif qui aurait permis un gain important en termes de coûts et de délais d’étude et de réalisation. Ceci ajouté à l’absence de mutualisation des commandes courantes entre plusieurs donneurs d’ordres publics qui serait à même de générer des économies d’échelle substantielles. Cela induit des surcoûts qui ne peuvent malheureusement pas être réinvestis dans d’autres projets.
Du point de vue des entrepreneurs privés, les délais de paiement des titulaires des marchés publics restent trop longs malgré les améliorations récemment constatées au niveau de certaines administrations. Les nombreuses entraves rencontrées par les PME-TPE au niveau de l’accès à la commande publique mais également dans la réalisation des contrats décrochés les éliminent des marchés. Enfin la solution du partenariat public-privé, considérée comme potentiellement créative et résolvant pour nombre des défauts évoqués dans la conception initiale des projets, est technique.
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La gouvernance de la commande publique devra non seulement pallier les insuffisances évoquées ci-avant, mais également intégrer de nouveaux défis imposés par les mutations socio-économiques de l’après-covid.
En effet certaines missions de l’État (État investisseur, État protecteur) devront nécessairement être renforcées alors que les recettes publiques connaitront un possible recul et que la capacité d’endettement des investisseurs publics sera réduite. Il s’agira par conséquent de faire plus et mieux avec moins de ressources publiques et de promouvoir l’implication des investisseurs privés à travers les partenariats public-privé.
La commande publique devra donc privilégier « l’approche efficience » plutôt que l’approche procédurale actuellement adoptée tout en ciblant les besoins prioritaires (ou devenus prioritaires) des citoyens et en prenant en compte les mutations socio-économiques.
L’approche participative pour la définition des besoins avec l’État, les collectivités territoriales, le secteur privé mais aussi la société civile est vitale pour une meilleure définition des besoins. De ce point de vue la commande publique devra être en ligne avec les stratégies sectorielles et les plans de développement régionaux. La transparence doit être faite dans la priorisation des projets à couvrir par la commande publique, maitrisant les influences des lobbies publics et privés.
Une réforme des textes régissant les contrats de gestion déléguée des services publics pour favoriser une plus grande transparence dans le choix des délégataires et une réelle maîtrise dans le suivi de ces contrats de la part des parties délégantes sont absolument nécessaires.
Le recours au partenariat public-privé pour multiplier et programmes et des projets publics (à ne pas confondre avec les audits axés sur le respect de la réglementation) pour mesurer les résultats obtenus et les confronter aux objectifs initiaux accélérer les investissements dans les secteurs à forts besoins est une option à envisager très sérieusement.
Cette technique de montage de projets doit être assimilée dans les différents départements de l’Équipement mais aussi au niveau des départements « sociaux ».