Le boom technologique qu’a connu le Royaume du Maroc le prédispose-t-il à devenir la future « Digital Nation » africaine ?
C’est l’objectif de la note stratégique réalisée par La Tribune Afrique en partenariat avec Mazars sur les défis qui s’interposent entre le Maroc et la réalisation de cette ambition.
La note stratégique a été dévoilée en avant-première à la presse nationale, ce lundi 1er juillet, en présence de Abdou Diop, Managing Partner de Mazars Maroc et Aziz Saïdi, le Rédacteur en chef de La Tribune Afrique.
Un diagnostic sans fard et sans concession dans ce document de 36 pages, qui commence par dresser le premier défi qui s’oppose au Maroc mais également à tout pays désirant se hisser au rang de Digital Nation : C’est l’alignement de ce que la note stratégique qualifie de « temps réglementaire » avec le « temps technologique ». Un défi inextricable lorsqu’on sait le temps que prend une loi pour entrer en vigueur en face d’un monde technologique en perpétuelle évolution. L’Etat se retrouve ainsi, et toujours, aux premières loges pour jouer un rôle moteur dans la réalisation des objectifs d’évolution numérique avec toutes les retombées aussi bien sur le plan économique que social (sans oublier environnemental). Dans ce sens, Abdou Diop insiste sur le rôle crucial de l’Etat en tant que régulateur, mais également en tant qu’acteur et client dans cet élan vers une société « contemporaine ».
La responsabilité est d’autant plus grande que c’est l’Etat qui élabore la stratégie dédiée à ce secteur, donc la bonne gouvernance de ce chantier est largement tributaire de la volonté des acteurs du public. Mais le secteur privé et les autres acteurs de cet écosystème ont également un grand rôle à jouer pour porter cette stratégie pourvu qu’elle soit cohérente.
Dans ce sens, la note stratégique a identifié deux leviers sur lesquels doit travailler le pays : Le premier concerne le rythme de progression qui doit être impérativement accéléré et le deuxième concerne le modèle opérationnel qui impacte négativement la prise de décision rapide. En fait le souci des auteurs de cette note est d’éviter de reproduire les mêmes erreurs ayant conduit à l’échec du Plan Maroc Numérique 2013. « Après une progression historique de 38 places en 2014, le Maroc perd 25 places en 2018 dans l’indice de développement de l’e-government (EDGI) publié tous les deux ans par l’ONU, ce qui le place au 110e rang sur les 193 pays analysés ». La note stratégique rejoint d’ailleurs la cour des comptes qui dans un récent rapport met en exergue les failles et dresse le bilan des avancées réalisées par la stratégie numérique nationale 2020.
« Aussi, le pays peut-il tirer profit de benchmark avec des pays qui ont su s’ériger en Digital nation », insiste Aziz Saïdi. D’ailleurs, la note stratégique réalisée par La Tribune Afrique en partenariat avec Mazars propose la trajectoire empruntée par trois pays dont le Maroc peut tirer des enseignements importants en termes de choix réglementaires, technologiques… notamment Singapour, l’Estonie et le Rwanda. Aussi, la coopération, les synergies et les partenariats entre pays sont de nature à apporter une valeur ajoutée certaine en matière de transformation digitale.
« Au cours des 20 dernières années, le Maroc s’est imposé graduellement comme le hub africain en Afrique : multiplication des liaisons aériennes à travers le continent ; développement de la zone portuaire Tanger Med ; développement de Casablanca Finance City ; expansion africaine des grands groupes et de certaines PME… Une opportunité historique d’ancrer davantage ce positionnement s’offre au Royaume : utiliser à bon escient le levier technologique pour devenir une Digital Nation de référence sur le continent. Quels prérequis le Maroc doit-il respecter pour entamer sa mue digitale ? Quels chantiers mettre en œuvre ? Comment et avec qui ? », des questions auxquelles la note stratégique répond point par point.
Et elle rappelle surtout qu’au cœur de ce chantier figure l’humain dans ce sens où la technologie n’est pas une fin mais un moyen mis au profit de la population. A cet effet, la note stratégique évoque le lancement d’un plan national pour dresser l’état des lieux des services offerts aux citoyens et usagers. « Puis d’identifier les solutions technologiques à ces enjeux (existantes, à développer) pour enfin prioriser les chantiers à lancer afin de digitaliser for good les services offerts aux Marocaines et aux Marocains », précise-t-on.
Le risque aussi est de creuser davantage la fracture numérique. Dans ce sens, Abdou Diop met l’Etat devant ses responsabilités en réduisant les coûts d’accès à ces technologies, malgré le coût important d’investissement initié, pour permettre un accès plus large à l’ensemble de la population : « On gagne moins tout de suite mais on gagne plus sur le long terme », insiste-t-il.
Aziz Saïdi, pour sa part, évoque la possibilité d’actionner le partenariat public-privé pour qu’aucune frange de la société ne soit laissée en marge du développement technologique et de ses retombées sur le quotidien de chaque citoyen.
Concernant l’organe de mise en œuvre de la stratégie de l’État en matière de développement du digital, de promotion des outils numériques et du développement de leur usage auprès de l’administration, des entreprises et des citoyens, qu’est l’Agence du Développement Digital, créée fin 2017, le travail d’analyse a énuméré les chantiers à mener – certains de ces chantiers étant déjà identifiés, voire en cours. Ce qui enrichit davantage la réflexion et surtout la concrétisation sur certaines actions prioritaires telles que le Smart Gouvrenment, Safe city…
La note stratégique conclut sur les acteurs qui doivent œuvrer de concert et la gouvernance nécessaire pour faire aboutir cette ambition de devenir la future « Digital Nation » africaine.