Ecrit par S. Es-Siari |
LiĂ©s par le destin, les compagnies dâassurance, les agents et courtiers nâarrivent toujours pas Ă trouver un terrain dâentente pour prĂ©server les intĂ©rĂȘts des uns et des autres. Depuis des lustres, un vrai dialogue de sourds s’est installĂ© entre les deux partenaires Ă telle enseigne que lâon se demande si ce statuquo ne risque-t-il pas de durer et de perdurer dans le temps. En attendant le dĂ©nouement, les deux partenaires se tiennent par la barbichette.
Compagnies d’assurance et intermĂ©diaires : David contre Goliath
Endosser la responsabilitĂ© Ă lâune ou lâautre des deux camps serait hasardeux tellement la situation est complexe. Si les intermĂ©diaires, bras armĂ©s des compagnies, se considĂšrent comme lĂ©sĂ©s parce quâils ne trouvent pas une oreille attentive Ă leurs dolĂ©ances, les compagnies dâassurance, bien quâen position de force, craignent pour leur matelas financier.
Lors de la 5e rencontre annuelle organisĂ©e par la FNACAM mercredi dernier, les compagnies dâassurances et les agents et courtiers ont vraiment lavĂ© leur linge sale en famille.
Les intermĂ©diaires en assurance souffrent du commissionnement qui reste faible Ă leurs yeux eu Ă©gard aux mutations Ă©conomiques que nous connaissons. « Il ne faut pas que le courtier ou lâagent brade la qualitĂ© du service par manque de moyens », alerte Farid Bensaid, prĂ©sident de la FNACAM qui rappelle que durant la crise sanitaire plusieurs cabinets ont mis la clĂ© sous le paillasson Ă cause des difficultĂ©s financiĂšres. DâoĂč la pertinence pour les intermĂ©diaires en assurance dâaller sur des rĂ©munĂ©rations en fonction des performances. Pour ce faire, et pour quâils vendent plus, il faut leur donner les outils et moyens. Et dâenchaĂźner sur un ton grave : « Aujourdâhui, nous avons besoin de choses concrĂštes, les dĂ©clarations dâintention ne nous nourrissent pas ».
Les bureaux directs, câest 13% de la vente
Autre point de discorde entre les compagnies dâassurances et les intermĂ©diaires, câest la crĂ©ation des bureaux directs Ă laquelle recourent les compagnies dâassurance pour Ă©largir davantage leurs rĂ©seaux de distribution. Cette situation met Ă mal les intermĂ©diaires en assurance parce que selon leurs dires, il sâagit dâune concurrence dĂ©loyale dans la mesure oĂč les bureaux directs contrairement Ă eux ne paient pas de TVA sur commission. A rappeler qu’en matiĂšre de TVA, les intermĂ©diaires en assurance subissent une injustice fiscale qu’ils dĂ©plorent Ă l’occasion de l’Ă©laboration de chaque projet de Loi de Finances. Celui de 2022 ne fait pas exception.
Bien quâil soit conscient de la situation, Bachir Baddou Directeur GĂ©nĂ©ral de la FMSAR rappelle quâil ne faut pas omettre que la crĂ©ation de bureaux directs se traduit pour les compagnies dâassurances par des charges supplĂ©mentaires. Si la compagnie y recourt câest tout simplement parce quâelle ne peut pas non plus attendre pour Ă©largir son rĂ©seau cinq annĂ©es le temps nĂ©cessaire pour que les agents passent lâexamen professionnel. Pis encore, sur les 10 ou 15 agents ayant passĂ© l’examen, la compagnie se retrouve avec deux ou trois agents capables de commercialiser des produits d’assurance parce que le mĂ©tier d’agent ou de courtier ne s’improvise pas. « Encore faut-il ne pas exiger des compagnies dâassurances lâadoption du monocanal pour la commercialisation de leurs produits », rĂ©pond sĂšchement Bachir Baddou. Une anomalie du livre IV du code des assurances Ă laquelle il faut impĂ©rativement y remĂ©dier. A ce sujet, les assureurs plaident pour la suppression de lâexamen professionnel. Un appel lancĂ© au rĂ©gulateur.
Les encaissements : un caillou dans la chaussure des compagnies
MalgrĂ© les circulaires dâavril 2016 et de janvier 2019, le problĂšme de lâencaissement des primes collectĂ©es par les intermĂ©diaires se pose avec acuitĂ© pour les compagnies dâassurance. En 2016, un certain nombre de crĂ©ances Ă©taient protocolisĂ©es mĂȘme celles avant 2016. Mais vainement. Ajoutons Ă cela, les arriĂ©rĂ©s qui se cumulent au fil de l’eau et que les compagnies dâassurance continuent Ă provisionner. Le fractionnement des paiements par lâintermĂ©diaire aux assurĂ©s est la source de tous les maux, faut-il croire mais peut-il en ĂȘtre autrement ?
Farid Bensaid exhorte que lâon apure les arriĂ©rĂ©s au moins des agents et courtiers qui nâont pas encaissĂ© pour une raison ou pour une autre. Pour cela, la solution idoine est de trouver un systĂšme qui informe de la date rĂ©elle de lâencaissement de la prime par lâintermĂ©diaire. Une solution qui pourrait ĂȘtre possible et rĂ©aliste face au dĂ©veloppement des nouvelles technologies de l’information. Encore faut-il que les banques jouent rĂ©ellement le jeu par le mĂ©canisme des dates de valeur.
LâACAPS confiante quâil y a une solution pour le futur
Le reprĂ©sentant de lâACAPS a tenu Ă souligner que lâencaissement des primes constitue un vrai sujet pour les compagnies dâassurance, pour les intermĂ©diaires et Ă©galement pour lâACAPS. Et pour cause, dans ses missions de contrĂŽles auprĂšs des intermĂ©diaires, lâACAPS au lieu de sâoccuper de la protection des assurĂ©s, elle se concentre Ă 50% sur la problĂ©matique des soldes et des crĂ©ances. Le benchmark avec un rĂ©gulateur europĂ©en montre que ce dernier est Ă 100% sur la protection des assurĂ©s.
« Il faut que ce problĂšme sâarrĂȘte et trouver des solutions Ă lâavenir. Ces solutions sont d’ailleurs lâobjet dâun chantier que nous allons ouvrir avec nos partenaires (compagnies et intermĂ©diaires) pour trouver des solutions dĂ©finitives Ă cette problĂ©matique. Il faudrait donc sâassurer de la faisabilitĂ© des solutions et laisser une fois pour toutes ce problĂšme derriĂšre nous », annonce Moumni Directeur de la protection des assurĂ©s au sein de l’ACAPS. Et dâenchaĂźner : « Nous allons pouvoir ainsi libĂ©rer les ressources y compris pour lâintermĂ©diaire pour vendre, apporter de la valeur⊠». TrĂšs prochainement, le rĂ©gulateur prĂ©parera un plan de travail au sein dâune commission oĂč seront prĂ©sents les compagnies dâassurances et les intermĂ©diaires.
Concernant le stock des crĂ©ances, lâACAPS dispose dâun certain nombre dâinstruments et elle a initiĂ© une opĂ©ration avec le secteur oĂč ont Ă©tĂ© priorisĂ©es les grandes masses de crĂ©ances. Un effort ayant permis de rĂ©duire la crĂ©ance de 40% soit de 5 Mds de DH Ă 3 Mds de DH. Mais cela va encore repartir Ă la hausse parce que la solution nâest pas dĂ©finitive. Donc le chantier n°1 est lâapurement des crĂ©ances et le chantier n°2 est liĂ© aux solutions pour lâavenir.
La facilitĂ© de paiement est un vrai problĂšme qui est directement liĂ© Ă la problĂ©matique de la crĂ©ance. « Cette facilitĂ© de paiement a des solutions notamment lâarrĂȘt via la technologie de lâattestation d’assurance chaque fois quâil nây a pas de paiement ou de provision. Il y a aussi la possibilitĂ© de souscrire des assurances pour des pĂ©riodes infĂ©rieurs Ă une annĂ©e », informe le directeur de la protection des assurĂ©s.
En attendant le dĂ©nouement de la problĂ©matique des impayĂ©s, les compagnies d’assurance et les intermĂ©diaires en assurance (agents & courtiers) se tiennent par la barbichette.
Voir également : Assurances/ La digitalisation menace ou opportunité ? : Les explications de Meryem Chami