Par Imane Bouhrara |
Le Maroc a ratifié en 1956, la convention n°94 sur les clauses de travail (Contrats publics). Pourtant, la mise en conformité de la législation nationale avec ladite convention, traîne toujours. Un rappel a été fait dans ce sens par l’OIT dans le cadre du rapport 2022 de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, dont les travaux constituent la pierre angulaire du système de contrôle des normes internationales du travail de l’OIT, vient de publier son rapport 2022, qui mesure l’évolution de l’application des normes internationales du travail dans chaque pays.
Pour le Maroc, le rapport rappelle que le Royaume a ratifié en 1956 la Convention (n° 94) sur les clauses de travail (contrats publics), datant de 1949.
Dans son rapport de 2022 donc, la commission relève avoir pris note des observations formulées par l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), reçues le 29 août 2019, et de la réponse du gouvernement à ce sujet, reçue en 2019, concernant Article 2 de la convention sur l’insertion des clauses de travail dans les contrats publics.
Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de répondre aux observations formulées par l’Union marocaine du travail (UMT), et à celles de la Confédération démocratique du travail (CDT), reçues le 17 août 2017.
La commission avait prié aussi le gouvernement de prendre sans plus tarder toutes les mesures nécessaires pour mettre la législation nationale en conformité avec la convention.
Du côté de l’Etat marocain, le gouvernement a réitéré ses précédents commentaires sur la législation en vigueur, à savoir les deux décrets 2.12.349 du 20 mars 2013 et 2.14.394 du 13 mai 2016 relatifs aux contrats publics, ainsi que les dispositions de l’article 519 du Code du travail.
Cela dit, la commission note dans son rapport 2022 que ces textes ne font pas référence à l’insertion d’une clause de travail dans les contrats de marchés publics.
La commission note aussi que, tout en reconnaissant les efforts déployés par le gouvernement pour rendre les marchés publics plus transparents, l’UNTM constate que la loi sur les marchés publics n’offre pas de garanties suffisantes pour la protection des travailleurs, que ce soit pendant ou après l’exécution de la transaction, et ne comporte pas de dispositions relatives à l’insertion d’une clause sociale dans les contrats de marchés publics.
En outre, l’UNTM ajoute qu’il existe une incompatibilité entre les dispositions du Code du travail et la loi sur les marchés publics.
Le rapport révèle que le gouvernement marocain reconnaît qu’il y a une différence de perspective quant à l’interprétation des dispositions réglementaires nationales et à leur conformité avec la convention.
On apprend par ailleurs à ce sujet, que le Maroc a demandé l’assistance technique du Bureau International du Travail (BIT) afin de mettre la législation et la pratique en conformité avec les prescriptions de la convention.
Dans ce contexte, la commission a rappelé le paragraphe 176 de son Étude d’ensemble de 2008 sur les clauses de travail dans les marchés publics, qui indique que toutes les dispositions de la convention s’articulent autour d’une prescription fondamentale, à laquelle elles sont liées directement, à savoir l’obligation, prévue à l’article 2, paragraphe 1, d’insérer des clauses de travail garantissant des salaires et autres conditions de travail favorables pour les travailleurs participant à l’exécution de contrats publics.
En effet cet article dispose » Les contrats auxquels la présente convention s’applique contiendront des clauses garantissant aux travailleurs intéressés des salaires (y compris les allocations), une durée du travail et d’autres conditions de travail qui ne soient pas moins favorables que les conditions établies pour un travail de même nature dans la profession ou l’industrie intéressée de la même région (a) soit par voie de convention collective ou par une autre procédure agréée de négociations entre des organisations d’employeurs et de travailleurs représentant une proportion substantielle des employeurs et des travailleurs de la profession ou de l’industrie intéressée; (b) soit par voie de sentence arbitrale; (c) soit par voie de législation nationale ».
En outre, au paragraphe 117 de la même Étude d’ensemble, la commission observe qu’une clause de travail doit faire partie intégrante du contrat effectivement signé par l’entrepreneur choisi, et que l’insertion de clauses de travail dans les conditions générales ou les spécifications des documents d’appel d’offres, même si elle est requise conformément aux dispositions de l’article 2, paragraphe 4, de la convention, ne suffit pas à donner effet à la «prescription de base» de la convention prévue à l’article 2, paragraphe 1.
Dans l’attente que le BIT soit en mesure, dans un avenir proche, de fournir l’assistance technique demandée, la commission prie le gouvernement de prendre sans plus tarder toutes les mesures appropriées – législatives, administratives ou autres – afin d’assurer l’insertion dans tous les contrats publics auxquels la convention est applicable de clauses de travail conformes aux dispositions de l’article 2 de la convention et d’assurer l’application de ces clauses selon les modalités prescrites par les articles 4 et 5 de la convention.
Le gouvernement est également prié de fournir des informations actualisées sur les progrès réalisés à ce sujet. Faut-il rappeler dans ce sens qu’une fois qu’un État a ratifié une convention ou un protocole de l’OIT, il est tenu de présenter périodiquement un rapport sur les mesures prises pour lui donner effet.