L’effet Coronavirus commence à s’estomper. Les députés se sont lâchés durant la séance plénière consacrée ce 20 mai à la discussion de la déclaration du chef de gouvernement concernant « les développements de la gestion du confinement pour l’après 20 Mai ». Ils n’y sont pas allés de main morte.
Reprise des hostilités entre majorité et opposition. C’est ce qui a marqué la séance de débat public au sein de la Chambre des représentants. Après l’intervention d’Abdelaziz El Omari, député du PJD, dans laquelle il a tressé des lauriers à son chef de parti ; c’est un Abdellatif Ouahbi, secrétaire national du PAM, gonflé à bloc qui a été le premier à ouvrir le feu sur Saad Eddine El Otmani.
Avocat de formation, il a également relevé l’impasse constitutionnelle liée au fait que les articles 246 et 247 du règlement interne de la Chambre des représentants ne stipulent pas le cas de figure d’une telle discussion, ce qui implique le recours à l’article 68 de la Constitution.
Abdellatif Ouahbi qualifiant la présentation du chef de gouvernement le 18 mai devant les deux chambres de discours politique, généraliste, vague, manquant de précision et contradictoire par rapport à la présentation du ministre de l’Economie et des Finances le 19 mai. Pour le député, il y a besoin de données précises, sur les hypothèses de la LFR, et surtout de la visibilité sur un plan global et non pas uniquement sur la gestion de la crise. Pour la LFR, il y a besoin d’une future approche globale. Le député a interpellé le chef de gouvernement sur la situation dans le monde rural qui subit le double coup de la sécheresse et de la pandémie.
Le loupé de la riposte marocaine au Covid-19 qu’est la question des Marocains bloqués à l’étranger a également été évoquée surtout l’absence à ce jour d’une réponse concrète aux doléances de ces 32.000 de nos concitoyens. Ouahbi passera également un savon à certains ministres sur la gestion de la crise.
Belassal Chaoui de l’Union constitutionnelle déplore quant à lui le mutisme de l’Exécutif sur la situation économique actuelle du pays avant d’explorer les voies de la relance, notamment le secteur agricole, le tissu entrepreneurial… le député a souligné que les mesures prises notamment les aides financières en faveur des personnes impactées directement par la pandémie, ont quelque peu été ternies par la difficulté des populations cibles d’y accéder en raison de la multiplicité et la dualité entre les différentes parties prenantes. Pour le député, il est important et impératif de créer une passerelle entre tout plan de relance ou futur avec le nouveau modèle de développement.
Du coté de l’Istiqlal, Lahcen Haddad s’est interrogé sur la contradiction entre les propos tenus par le chef de gouvernement et le ministre des Finances sur les activités qui reprendront après l’Aïd. Mais plus important encore, qu’a préparé le gouvernement pour l’après 10 juin 2020, soulignant si des secteurs pourront redémarrer rapidement, les acteurs d’autres secteurs comme le transport ou le tourisme se posent des questions d’avenir et ont besoin de visibilité.
La visibilité, justement, Lahcen Haddad y insiste en mettant le gouvernement devant la responsabilité d’informer les citoyens des scénarios préparés selon l’évolution de la situation épidémiologique. Y compris nos concitoyens bloqués à l’étranger. Aussi, a-t-il interpellé le chef de gouvernement sur les dernières données relatives à la gestion du Fonds spécial, en proposant que la commission des finances du parlement soit associée au contrôle de gestion de ce fonds.
La voix du Mouvement populaire portée par le député Mohamed Ouzzine, s’est concentrée sur la portée des mesures prises aussi bien dans le monde rural, dans le secteur informel et les personnalités vulnérables en soulignant que la deuxième phase d’aide ne peut se faire sans apurer la première phase et y inclure une large partie de la population qui ne rentre pas dans les critères du CVE. Allusion fait aux agriculteurs et éleveurs qui continuent à fournir le marché des fois à pertes. Ouzzine est également revenu sur les Marocains bloqués à l’étranger, la relance du tourisme et tant d’autres questions qui ne trouvent pas de réponses claires.
S’exprimant au nom de l’équipe socialiste, Chekrane Amam, a insisté sur le renforcement des opérations de contrôle du respect des mesures sanitaires notamment en milieu professionnel surtout face à la persistance de foyers de contamination, ce qui menace la reprise économique. Aussi, s’interroge-t-il sur le scénario envisagé en cas de persistance de l’apparition de foyers de contamination ?
Rachid Hammouni pour le PPS a pour sa part interpelé le chef de gouvernement sur ce que doivent ressentir les enfants de familles pauvres privées de l’aide financière du Fonds spécial ? L’agriculteur qui peine à joindre les deux bouts juste parce qu’il est en activité quelques soient ses conditions de travail et de vie sachant que les marchés hebdomadaires sont fermés ? Ou encore les petits éleveurs ? Pour le député, tous les Ramedistes doivent bénéficier de l’aide financière du Fonds car à la base ils appartiennent à une population vulnérable. Très virulent, le député a déploré ce qu’il appelle une déperdition de l’élan national en raison du débat stérile qu’a causé la loi bavette. Il ne ménage pas son propos pour dénoncer un gouvernement et un autre parallèle en la personne du CVE… Il déplore des calculs politiciens qui révèlent d’un élan électoraliste précoce alors que la conjoncture ne s’y prête pas…
Pour la FGD, Omar Balafrej estime que si le confinement est la seule réponse possible à la pandémie lorsqu’elle a éclaté, il faut trouver des solutions car cela a des conséquences psychologiques, sociales, économiques très lourdes… d’autant que le monde est appelé à cohabiter avec ce virus. Il a appelé le chef de gouvernement à donner des données précises, d’expliquer les mesures difficiles qui seront prises… Le député estime que la décision de la prolongation une deuxième fois de l’état d’urgence sanitaire plonge les Marocains dans le flou.
Contrarié, le Chef de gouvernement n’a pas caché sa déception, qualifiant certains propos d’injustes et manquant de crédibilité tout en tentant de donner quelques éléments d’informations à l’assistance. Il a également estimé que le discours nihiliste n’a pas lieu d’être d’autant dans une conjoncture pareille.
La séance a duré ainsi plus de deux heures où les interventions posaient des interrogations qui laissent augurer que l’heure du bilan a sonné pour l’Exécutif après deux mois où la priorité était de répondre coûte que coûte au coup de massue qu’a porté ce virus à notre pays.