Entre 10 et 11 millions de travailleurs indépendants et de professionnels libéraux sont toujours hors système de protection sociale. Cette population n’a pas accès à un droit constitutionnel et fondamental, en l’occurrence l’accès à la santé. Une réalité dont sont conscients les pouvoirs publics qui ont décidé d’ériger cette question en priorité. Parmi la population cible, les commerçants qui représentent 1,5 million de familles soit environ 6 millions de personnes.
Interpellé en marge du Forum marocain du Commerce, Réda Benamar, Directeur des Etudes, Communication et Développement à la CNSS nous éclaire sur les raisons du retard qu’accuse la mise en place effective d’une couverture sociale en faveur des commerçants.
En effet, lors du Forum, la couverture sociale a été au cœur de toutes les discussions. Les commerçants déplorent le fait qu’ils n’accèdent toujours pas aux services sociaux en cas de maladie, de vieillesse ou d’invalidité. Face au désarroi, ils contestent la réforme engagée par le gouvernement pour intégrer cette population non couverte par la loi 65.00 portant code de la couverture médicale de base.
A ce sujet, ils critiquent l’approche adoptée par le gouvernement pour l’élaboration des textes de loi les régissant. Les professionnels regrettent d’une part le fait qu’ils n’aient pas été associés à l’élaboration des lois et d’autre part les taux de cotisation imposés aux commerçants.
Pour la CNSS, après la publication des deux lois en 2017 et des décrets associés en janvier 2019, le processus de mise en place d’une couverture dédiée aux commerçants est dans sa phase finale. Ce qui reste à faire c’est, l’intégration des populations. En d’autres termes, il manque la phase de l’identification du commerçant et la structure à laquelle il devra s’intégrer pour faciliter la relation CNSS-adhérent. Et c’est là où le bât blesse. Cette étape s’avère rude en raison de la complexité et les spécificités du secteur. D’où le retard qu’accuse ce dossier qui traîne depuis plusieurs années.
Parmi les difficultés d’instauration de ce système on cite :
- La majorité des commerçants indépendants exercent dans le secteur informel (les déclarations sur les revenus ne sont pas fiables) ;
- Hétérogénéité de la population des commerçants selon les activités et les territoires ;
- Inorganisation de nombreuses filières ;
- Disparité géographique et économique ;
- Absence de bases de données des commerçants indépendants.
Certes les concertations entre la CNSS et les commerçants n’ont pas encore démarré, cependant le Forum a été l’occasion d’entamer ce processus. Une rencontre entre la Caisse et les commerçants a été organisée lors de cette messe du commerce pour jeter les premiers jalons d’une étape importante celle de la concertation qui va démarrer incessamment. Une chose est sûr, cette étape ne sera pas une mince affaire. Il va falloir définir la base à adopter pour la segmentation des commerçants en catégories homogènes (activité, chiffre d’affaires…) ; déterminer les revenus forfaitaires pour chaque catégorie et sous-catégorie des commerçants tenant compte des disparités entre les activités et les régions et définir comment pondérer la cotisation par revenu.
Aussi sera-t-il question d’identifier l’organisme de liaison entre les commerçants et la CNSS ; les moyens pour pérenniser le système, motiver et intéresser les commerçants à adhérer au secteur formel pour bénéficier de la couverture sociale.
Reste à voir si les recommandations formulées par les commerçants lors des Assises seront-elles prises en compte dans la Stratégie nationale du Commerce.