Covid-19, en s’attaquant farouchement aux finances publiques, touts les moyens sont légitimes pour les sauver. Repenser le système de la compensation parait une voie à ne pas ignorer. Il est temps de parer aux dysfonctionnements et à l’injustice qui marquent le modèle actuel.
Covid-19 : le maudit
Sauf miracle, d’ailleurs les voies du Seigneur sont impénétrables, Covid-19 risque de creuser une brèche voire un gouffre dans le Budget général de l’État. Les pouvoirs publics n’épargneront aucun effort pour explorer les débouchés à même de limiter les dommages. Parmi les postes devant à juste titre être examinés, figurent les crédits alloués à la compensation.
Conçu depuis les années 40 pour porter soutien aux nécessiteux, ce mécanisme a été à plusieurs reprises revisité souvent avec une main de fer dans un gant de velours. Seulement, les pouvoirs publics n’ont pas creusé leur sillon tantôt pour ne pas chercher des noises, tantôt pour ne pas accentuer l’impopularité.
Dès que les institutions de Breton Woods ont mis le doigt entre l’arbre et l’écorce, la compensation a été dans la ligne de mire. Ainsi L’État, sous prétexte de répondre à l’impératif de l’équilibre macroéconomique et la nécessité d’embarquer le train de la libéralisation, a laissé filer du panier couvert par la compensation plusieurs produits. Le dernier des sortants n’est autre que « les produits pétroliers ». Les rescapés de ce mouvement irréversible sont le gaz de ville et le sucre.
Sacrifier le soutien pour apaiser le déficit
Les coupes de crédit effectuées sur la compensation n’ont été réinjectées ni dans le fonctionnement ni dans l’investissement, mais elles ont servi à apaiser le déficit budgétaire. En effet, sur la période allant de 2006 à 2020, le coefficient de corrélation entre les crédits de la compensation et ceux du fonctionnement est de -0,13. Celui entre les crédits de la compensation et ceux de l’investissement se chiffre à 0,01. Le coefficient de corrélation entre les crédits de la compensation et le déficit budgétaire quant à lui est de l’ordre de 0,68. La Caisse de compensation qui devrait coûter à L’État, 14,74 Mds de DH en 2020 contre 18,37 Mds de DH un an auparavant constitue une niche et un réservoir à exploiter.
Montants en MDH
Covid-19 risque de gazer le budget
Ainsi, et selon les chiffres de la Caisse de compensation, la consommation du gaz butane rapportée au nombre de ménages, découlant des statistiques du HCP donnent le tournis.
Source : EcoActu.ma
La consommation théorique découlant de ces statistiques paraît très loin de la consommation empirique des ménages marocains. Et pour cause, plusieurs ménages se contentent de la bonbonne de gaz à 3 Kg et le taux d’équipement en fours à gaz n’est pas généralisé. Il s’avère qu’une partie de la consommation du gaz butane n’est pas effectuée par les ménages. La mission de la compensation se trouve alors vidée de sa substance en présence d’opérateurs qui consomment des bonbonnes de gaz qui coûtent bonbons au Budget général. Ainsi, ce dernier se trouve gazé.
Parmi ces opérateurs, on liste les agriculteurs notamment les grands qui utilisent massivement cette énergie pour le pompage de l’eau. L’alternative en l’occurrence l’énergie solaire a été proposée avec concours financier conséquent de L’État mais l’afflux n’est pas au rendez-vous. On ne change pas une énergie qui gagne.
Pour ce qui est du sucre, le rapport de la consommation du sucre communiqué par la Caisse de compensation à la population communiqué par le HCP, permet d’expliquer clairement pourquoi les endocrinologues ne chôment pas dans notre pays.
Source : EcoActu.ma
L’État non seulement subventionne le sucre, mais le soumet au plus à taux de TVA réduit de 7%. Outre le coût direct sur le budget, la facture est encore salée sur le plan de la santé publique.
Il est donc d’une extrême urgence de modifier radicalement les habitudes de consommation de cette denrée. Néanmoins, améliorer les habitudes alimentaires ne relèvent pas du seul individu, c’est aussi un problème sociétal qui requiert une approche pluridisciplinaire, multisectorielle et culturellement adaptée.
Covid-19 : le moment ou jamais
La subvention du sucre devant profiter aux nécessiteux, ce sont les riches qui en font leur miel. Ainsi, L’État doit outre sensibiliser sur le danger que présente la consommation non modérée du sucre sur la santé, généraliser le principe de la restitution de la subvention à tous les opérateurs, soumettre le sucre au taux de TVA de droit commun et rationaliser la consommation en adoptant un mode de soutien ciblé.
Le mode actuel de soutien au gaz butane et au sucre est entaché de plusieurs maux qui ponctionnent le Budget général, renforcent les inégalités et altèrent une meilleure répartition de richesses. Il est hors question de sucrer ces subventions mais d’en rationaliser le mode d’allocations. Il n’est pas commode d’attendre le Registre Social Unique pour entreprendre la réforme. Le système de distribution des aides financières dans le cadre de la lutte contre les effets du Covid-19 constituent, sous quelques réglages, une sérieuse inspiration.