Covid-19 n’a pas encore révélé ses secrets mais ne trouve aucune gêne à dévoiler au grand jour les nôtres. Il dément les chiffres sur la pauvreté au Maroc et démasque les opportunistes.
Une bonne guerre
De temps à autre, les nations ont besoin d’une bonne guerre. Une guerre qui ne fait passer l’arme à gauche ni à l’armée de terre, ni à l’armée de l’air ni à aucun autre corps de l’armée. On entend par bonne guerre, une cause commune qui fédère toutes les composantes du pays. Elle permet de réactiver les liens de solidarité et d’unité entre les gouverneurs et les gouvernés. La guerre contre le Covid-19 en constitue une. Dès l’apparition des premiers cas sur le territoire national, les pouvoirs publics se sont précipités pour jouer le rôle de l’assureur du pays.
L’objectif est d’éviter que le maudit virus qui décime des vies ne répande une peur panique et universelle parmi la population. L’État, dans un rôle d’altruiste, et en mobilisant des ressources financières, a couvert de son amour maternel toutes les couches sociales jugées démunies.
La réponse éclair : le pourquoi
L’intervention rapide comme l’éclair de L’État à la rescousse trouve sa réponse en premier lieu dans des considérations économiques. Sur ce plan, l’État est convaincu que nombreux sont les ménages qui vivent au jour le jour et ne disposent pas de ce fait de réserves pour faire face aux effets calamiteux de la crise associée au Covid-19. En effet, le taux d’épargne nationale est limité à 27,60% du PIB au terme de l’année 2018, contre 29,10% du PIB un an au paravent. Le taux d’épargne des ménages quant à lui est fixé à 11,40% du PIB.
Ces chiffres, bien qu’ils paraissent rentrer dans les normes internationales, sont à prendre avec des pincettes. Et pour cause, ils sont fortement impactés par les transferts des MRE. D’ailleurs, et selon les derniers chiffres du HCP, 82,9% des ménages marocains n’envisagent pas d’épargner.
Les premiers chiffres rendus publics par le CVE montrent que 2,3 Millions de ménages relevant du RAMED, 2 Millions de ménages exerçant dans l’économie informelle et 900.000 salariés immatriculés à la CNSS et donc Ceteris paribus 900.000 ménages ont bénéficié du concours financier de l’État. Les chiffres du HCP font état de 8.251.000 ménages au Maroc au terme de l’année 2019. Il en découle donc que 64% des ménages ont sollicité l’appui financier des pouvoirs publics. Ces chiffres si accablants semblent contredire les chiffres sur la pauvreté dans toutes ses formes publiés par le HCP. Ainsi ce dernier, fixe la pauvreté globale à 11,70% composée de la pauvreté monétaire établie à 4,90% et de la pauvreté multidimensionnelle fixée à 8,2%.
La nature ne fait rien sans vain ou pour des fins peu considérables. Ainsi le Covid-19 permet de lever le voile sur une réalité que les pouvoirs publics essaient à tout prix de maquiller. La question qui se pose, comment ce fléau continue à ronger notre société comme un cancer ? Comment continuer à accepter cette opprobre alors que les pouvoirs publics, depuis plusieurs berges, mènent avec courage et célérité une guerre contre ce fléau.
Lutte inefficace contre la pauvreté
Outre les crédits ouverts dans les différentes lois de finances, le Maroc dispose, à fin 2018, de 12 comptes d’affectation spéciale centrés sur le développement humain et social. Rien que sur la période allant de 2010 à 2018, les recettes de ces différents comptes ont été de l’ordre de 223,51 Mds DH, alors que les dépenses ont été limitées à 86,10 Mds DH, soit un taux de réalisation de 38,52%. Parmi ces fonds et d’ailleurs c’est le plus populaire, on note celui dédié à l’Initiative Nationale pour le Développement Humain. Ce fonds qui s’apprête à entamer son Act III, fait de l’accompagnement des personnes en situation précaire, de l’amélioration des revenus et l’inclusion économique son intérêt central.
Il parait que les moyens pour sortir de la pauvreté sont mis en œuvre. Ce sont alors, les idées pour en sortir qui font défaut.
Il est vrai que beaucoup de crédits ont été engagés pour se passer de cette bouteille à l’encre mais on réalise que les choix pour y parvenir se sont soldés par un échec humiliant. La preuve est le nombre de ménages qui ont fait, Dieu merci, la file en ligne pour demander l’aide financière de l’État. Le Covid-19 semble effectuer un audit des performances, en attendant celui de l’IGF, des programmes dits sociaux de L’État. Mais il semble infliger un démenti aux déclarations gouvernementales en matière d’éradication de la pauvreté.
L’opportunisme de l’informel
Covid-19 n’a pas encore révélé ses secrets mais ne trouve aucune gêne à dévoiler au grand jour les nôtres. Il s’avère que nous partageons la patrie avec des individualistes et des opportunistes. Ils sont nombreux et relèvent de catégories socioprofessionnelles multiples. Mais dans ce papier, nous nous concentrerons sur ceux exerçant dans l’informel. A l’égard de cette catégorie, les pouvoirs publics ont multiplié les actions pour les encourager à migrer de l’informalité vers la formalité. Des carottes fiscales, des facilités juridiques, l’ouverture aux commandes publiques n’ont pas pu charmer ces professionnels.
Ce refus d’intégrer la sphère économique est synonyme de refus de contribuer aux dépenses de l’État en fonction des revenus et ce comme le veut la Constitution. Le clou du spectacle, c’est que ceux qui refusent de contribuer sont les premiers à vouloir tirer profit de l’argent du contribuable. L’État, chevaleresque, n’a pas tourné le dos, en cette période du Covid-19, à cette catégorie et ne veut se la mettre à dos. Que chacun retienne la leçon.
Pauvreté et informalité font bon ménage. L’État doit doubler d’efforts pour amadouer davantage les exerçants dans l’informalité sachant que la crise permet leur prolifération. Les professionnels doivent intégrer l’économie formelle et arrêter de constituer une friture.
2 Commentaires
Merci pour cette analyse.
Parmi les précieuses aubaines dévoilées par COVID19 c’est qu’il y a ici, dans ce beau pays le Maroc, d’excellents journalistes Houssifi El Houssaine comme exemple … je sens qu’il ne va pas aimer ce commentaire préférant poursuivre son bonhomme de chemin journalistique en toute humilité !
Je vais lui piquer cette phrase « Covid-19 n’a pas encore révélé ses secrets mais ne trouve aucune gêne à dévoiler au grand jour les nôtres. Il s’avère que nous partageons la patrie avec des individualistes et des opportunistes. » pour la partager avec des amis qui échangent des idées et des expériences au sein d’un Thing Thank très bien encadré.
Vive le journalisme d’éthique.
Merci et bonne journée