Jusqu’au 1 juin 2020, on peut démontrer qu’au Maroc, l’évolution du nombre de nouveaux cas de contamination a pratiquement suivi une loi Gaussienne. Si le déconfinement ne venait pas modifier pas fondamentalement cette évolution des choses, le Maroc devrait théoriquement se retrouver dans l’état initial du 2 mars, soit un nouveau cas décelé par jour, autour du 17 juin 2020.
L’évolution du nombre de nouveaux cas de contamination comporte une « anomalie » qui s’est produite exactement au moment du pic de l’infection, qui coïncide avec une baisse du nombre de tests quotidiens autour du 28 avril et qui a duré près d’une semaine : « relâchement » du système de traque des « cas suspects » ou insuffisance locale ou nationale des kits de tests, seul l’avenir le dira.
Toutes les données ont été quotidiennement mises à jour auprès du site du Ministère de la Santé du Maroc[1].
Il semble maintenant acquis que le Maroc n’a testé que les personnes « fortement suspectes » d’être porteuses du COVID-19, pour des raisons de symptomatiques ou, plus simplement, pour avoir côtoyé assidûment une personne récemment testée positive. Des personnes testées parlent même d’un questionnaire que les médecins utiliseraient directement sur leur smartphone. Par ailleurs, il semble aussi que les critères définissant les cas « fortement suspects » aient été révisés depuis le 22 mai, date à laquelle le rythme du nombre de tests quotidiens a été rapidement démultiplié à près de 10’000 par jour au point que le pourcentage de la population marocaine testée devrait atteindre 1% autour du 9 juin pour, à terme, atteindre 5% si l’on gardait l’objectif fixé à 1,8 millions de tests.
Si cette augmentation brutale du nombre de tests quotidiens a certes permis de mieux détecter les porteurs du virus depuis le 22 mai, elle ne semble pas pour autant avoir changé le comportement moyen du nombre de nouveaux cas décelés quotidiennement qui, lui, semble toujours décrit par la même évolution Gaussienne depuis le début, comme montré dans la Figure 1.
L’ajustement par une moyenne Gaussienne (en rouge) est d’autant mieux validé que les données brutes (rond noirs dans la Figure 1) sont lissées sur des périodes plus longues (dans la Figure 1, les lissages sur 7 et 13 jours sont respectivement représentés par des triangles bleus et des carrés verts). Le comportement moyen Gaussien est aussi mieux validé durant les périodes d’infection (montée) et de convalescence (descente) que pendant le pic de l’infection. Nous reviendrons plus loin à cette anomalie (entourée de rouge et tramée de gris dans la Figure 1) avec une ébauche d’explication.
L’ajustement par une moyenne Gaussienne (en rouge) a trouvé son maximum à 170 nouveaux cas par jour autour du 28 avril (date autour de laquelle est centré le graphique de la Figure 1). La valeur initiale du 02 mars (une nouveau cas par jour) devrait théoriquement se retrouver le 17 juin 2020, soit une semaine après le prochain rendez-vous avec le Chef du Gouvernement (10 juin) pour lequel le rythme moyen devrait, hors fluctuations, encore se situer autour de 13 nouveaux cas par jour.
La Figure 2 montre l’évolution du nombre de personnes testées quotidiennement en utilisant le même cadrage d’abscisse que la Figure 1 (du 03/03 au 16/06) et en dilatant l’ordonnée afin de mieux voir les détails de la période où l’on pratiquait encore moins de 4’500 tests par jour. Les données correspondant à la zone entourée de rouge et tramée de gris dans la Figure 1 sont mises en évidence de la même manière dans la Figure 2.
A bien observer la Figure 2, on voit bien que la zone entourée de rouge et tramée de gris est la seule pour laquelle le nombre de tests quotidiens est resté pendant sept jours d’affilée (du 26 avril au 2 mai) en-dessous de l’évolution moyenne (courbe rouge). Une telle coïncidence étant hautement improbable, il ne reste qu’à penser qu’on aurait moins découvert de nouveaux cas parce qu’on aurait simplement moins testé : « relâchement » du système de traque des « cas suspects » ou insuffisance locale ou nationale du stock des tests, seul les responsables seraient à même de l’expliquer.
J’ai bien rêvé d’annoncer que le Maroc retrouverait son état initial dès le 17 juin mais, comme pour les autres pays, les dégâts créés au secteur économique seront, hélas, bien plus longs à soigner, preuve que détruire est bien plus facile que de construire.
Mais, entre laisser faire l’épidémie et accepter d’en payer le coût en décès et prendre des mesures visant à limiter le coût en vies humaines, le Maroc a, dès le début, revendiqué le deuxième choix à l’inverse des pays qui avaient emprunté d’autres voies avant de se raviser de décisions aussi politiquement insoutenables. Malgré l’apparente rapidité des événements du début, il semble bien que la décision du Maroc ait eu le temps de mûrir quelque peu puisque dès la semaine du 24 février, soit 10 jours avant la détection du premier cas, on interdisait déjà à des ministres de participer à des salons, à des conférences ou à des réunions publiques…
Par Amin BENNOUNA sindibad@uca.ac.ma
[1] Ministère de la Santé, Portail Officiel du Coronavirus au Maroc, http://www.covidmaroc.ma/Pages/AccueilAR.aspx