Ecrit par Imane Bouhrara |
La crise Covid-19 est-elle derrière nous ? Le virus n’ayant pas dit son dernier mot, la vigilance est de mise. Pour un pays comme le Maroc, le triptyque Santé-sécurité alimentaire et énergie est plus que jamais d’actualité face aux différentes menaces futures.
Vous n’avez pas une impression de déjà vu ? Janvier 2020, on commence à évoquer un étrange virus propagé en Chine depuis fin 2019. A l’époque le Covid-19 inquiétait seulement quelques pays et on était loin de se douter du scénario catastrophique qui suivra quelques semaines plus tard : un lockdown mondial ! La réalité a dépassé la fiction !
Et voilà qu’on boucle l’année 2022 sur des records de contamination suite à la levée des restrictions « Zéro covid » en Chine et on entame 2023 avec l’arrivée de nouveaux variants. XBB.1.5 dernier né de la famille Omicron Outre-Atlantique. Mazal Tov, nous voilà donc entre le marteau et l’enclume !
Ce qui inquiète n’est plus tant la pandémie avec ses conséquences désastreuses sur le plan humain, mais aussi et surtout cet effet matriochkas ou poupées russes propre au Covid : chaque niveau de crise dévoile une autre crise à l’infini.
Nous l’avons bien expérimenté tout au long des trois dernières années avec la crise sanitaire qui n’a pas évolué en silo puisqu’elle enclenche une crise énergétique, une crise alimentaire, une crise d’inflation… et même une crise de valeur de par le monde.
Nous avons assisté à l’éclosion de plusieurs crises, une sorte d’effet domino qui renforce le sentiment d’inquiétude et d’insécurité permanent de l’inconnu, de ce que nous réserve l’avenir.
La seule digue face à tant d’incertitudes et d’imprévisibilité, est la capacité des autorités publiques à agir face aux imprévus et qui, à la lumière des crises successives que nous avons vécues et dont nous subissons toujours les effets repose sur un triptyque, pour le cas du Maroc, à même de rompre l’effet domino tant redouté.
Sécurités sanitaire, alimentaire et énergétiques.
La réforme du système de la santé une urgence
S’il y a une leçon à retenir de l’épisode Covid-19 c’est bien l’importance d’un système de santé fort avec une infrastructure étoffée, d’importantes ressources humaines qualifiées et une industrie du médicament forte et indépendante.
Fin 2022 a été marquée par l’adoption de la loi-cadre portant réforme du système de la santé. L’enjeu aujourd’hui est de donner vie aux projets de lois adoptés en conseil du gouvernement portant création de la Haute Autorité de la santé, création des groupements sanitaires territoriaux, garanties essentielles accordées aux ressources humaines des métiers de la santé, création de l’Agence nationale du médicament et des produits de santé et création de l’Agence marocaine du sang et de ses dérivés.
Sécurité alimentaire, un défi face aux aléas climatiques
La sécurité alimentaire figure parmi les priorités stratégiques du Maroc et cela a été souligné dans le discours royal lors de l’ouverture de la 1ère session de la 1ère année législative de la 11ème législature.
Il s’agit là d’un défi face aussi bien aux menaces externes qu’internes, notamment le stress hydrique qui pèse sur la campagne agricole actuelle et qui questionne les choix de la stratégie sectorielle agricole.
Et pas seulement. En effet, la commission de travail thématique sur la sécurité alimentaire relevant de la première chambre avait dressé un peu le topo relevant plusieurs lacunes et dysfonctionnements, particulièrement sur le plan législatif pour cadrer les modalités d’organisation et de gestion des stocks.
Sans oublier les capacités de stockage et de constitution de stocks stratégiques, largement dominées par des pratiques plutôt traditionnelles en l’absence d’une véritable chaîne de valeur.
La commission avait formulé une série de recommandations avec en priorité la création d’une institution nationale indépendante pour la souveraineté et la sécurité alimentaires pour mettre un peu l’ordre et gérer la question pour toutes les filières de production concernées. Et surtout assurer un contrôle permanent du respect de cette notion de stock stratégique, encore faut-il l’instaurer par la force de la loi.
Sur un autre registre, il serait opportun à la lumière du Covid-19 et des importations massives de denrées alimentaires, ainsi que du stress hydrique devenu endémique de revoir les objectifs du plan Génération Green 2030 vers une réponse aux besoins des populations d’abord (il ne faut pas oublier la variable démographique) tout en ciblant l’export et les marchés clients.
Sécurité énergétique, il est temps de mettre de l’ordre
En matière d’approvisionnement en énergies fossiles, le Maroc a bien tiré son épingle du jeu après la fin du contrat du Gazoduc Maghreb-Europe, en accédant directement au marché mondial. Mais à quel prix ? En l’absence du respect des obligations de stockage et face à l’envolée des tarifs du raffinage, les prix à la pompe se sont envolés. Et comme on va de crise en crise, c’est le spectre d’un renchérissement total qui planait sur les Marocains en raison du risque d’envolée des prix du transport tous segment confondus.
Certes, la fin des énergies fossiles n’est pas pour demain, mais cette dépense très onéreuse du Maroc interroge ses ambitions d’augmentation des énergies renouvelables dans le mix énergétique (+52% du mix énergie électrique à l’horizon 2030).
Cette stratégie est au menu d’une réunion de travail présidée par le Roi en novembre dernier. Le message est clair, il faut accélérer le développement des énergies renouvelables, notamment les énergies solaire et éolienne. En construisant sur ses avancées, le Maroc devrait accélérer le déploiement des énergies renouvelables afin de renforcer sa souveraineté énergétique, réduire les coûts de l’énergie et se positionner dans l’économie décarbonée et compétitive dans les décennies à venir.
Car il ne faut pas perdre de vue que de telles crises que le Covid opèrent de grande ruptures qui sont autant d’opportunités pour l’économie nationale, pourvu qu’elle parvienne à les saisir.
Tout pour sauver le soldat « budget de l’Etat »
Pourquoi ce triptyque est aussi primordial pour le Maroc ? Parce que tout simplement il est en première ligne du front à la survenance de tout choc comme celui du Covid ou encore une tension géopolitique comme la guerre en Ukraine qui a pris tout le monde de court.
Et parce que face à l’urgence, ce sont ces trois priorités qui saignent le budget de l’Etat ce qui menace de mettre en veilleuse tous les autres chantiers qui ne sauraient plus attendre. D’autant que l’Etat veut recouvrer ses marges de manœuvre budgétaires, autant arrêter de colmater les brèches et édifier de vraies digues. C’est en quelque sorte notre parachute pour se « projeter » en l’avenir.
Le Covid n’est ni le premier ni le dernier épisode de ces grands changements que vit et vivra le monde et les plus chanceux sont ceux qui comprennent les enjeux futurs et s’y préparent. Il ne faut certainement pas prendre l’œil du cyclone pour une accalmie car comme ces petites poupées russes, où chaque crise débouche sur une autre.
Comme dirait Stromae quand il y en a plus, y en a encore !