Le secteur aérien traverse la plus grosse crise de son histoire. c’est indéniable. Nombreux sont les acteurs de l’aéronautique à se demander s’ils pourront se relever, et si oui : quand et comment. Au premier rang, on retrouve les compagnies aériennes.
Depuis quelques années, le secteur aéronautique a pris une importance dans notre tissu économique aussi bien en matière de production, d’emplois que d’exportations. L’aéronautique est un secteur important à l’échelle internationale dont la chaîne de valeur permet de s’intégrer à l’économie mondiale avec une forte valeur ajoutée. Toutefois, à l’instar d’autres secteurs, l’aéronautique n’échappe pas à la tornade causée par le Covid-19. La situation concerne tous les pays où l’activité est localisée quelle que soit la taille ou la richesse du pays. Par effet cascade, c’est toute la filière de la construction aéronautique mondiale qui est touchée, dans des proportions jamais vues. Alors qu’ils s’étaient préparés à répondre à l’accroissement des cadences, tous les niveaux de la chaîne de valeur vont être lourdement impactés, probablement pendant plusieurs années.
En vue de faire le focus sur le secteur dans ce contexte fort contraignant aussi bien à l’échelle mondiale que nationale, les scénarios de sortie de crise, le redéploiement stratégique impératif…, un panel composé de Larabi Jaidi & Alfredo Valladao – Senior Fellows à Policy Center et Pedro Da Motta Veiga, Directeur du think tank brésilien CINDES y a été consacré.
La chute libre
De prime abord, force est de constater que le Covid-19 a créé une crise sans précédent dans le secteur aéronautique essentiellement dans l’aviation commerciale civile. « Toutes les grandes compagnies mondiales se retrouvent avec des problèmes financiers importants qui ne sont pas exempts d’impact sur leurs commandes. La compagnie Air-France-KLM a accusé une perte nette de près de 2 milliards d’euros au 1er trimestre et menace de licenciements. Déjà les géants de l’aéronautique comme Boeing et Airbus ont, face à cette situation inédite, diminué la fabrication d’une certaine catégorie d’avions », annonce Alfredo Vallado, Senior Fellow.
Le deuxième problème dont souffre le secteur est qu’il y a de nouvelles contraintes dans le secteur de l’aviation et ce bien avant même la pandémie du Coronavirus. Il s’agit du réchauffement climatique et du problème des avions qui sont qualifiés comme étant très polluants. « L’enjeu aujourd’hui est justement d’avoir des avions plus propres, à moindre émission de carbone, à faible coût… ce qui se traduit par un changement dans les chaînes de valeurs », enchaîne Valladao.
Bien entendu, le Maroc ne sera pas épargné de ce changement qui va exiger une digitalisation et une numérisation de la fabrication de tous types d’appareils. Les écosystèmes marocains vont devoir s’adapter et s’intégrer à cette numérisation des processus de production afin que le Maroc puisse être un acteur actif à même de proposer des solutions. Si cette mutation allait prendre un peu plus de temps, aujourd’hui avec le coronavirus, les choses s’accélèrent.
Dans son intervention Larbi Jaidi, en passant en revue les défis auxquels est confronté le Maroc, n’y va pas du dos de la cuillère. Le Maroc est un pays très jeune dans l’industrie aéronautique. Partant de là, il assimile le choc de la crise sanitaire frappant l’aéronautique à un choc psychologique parce qu’il s’agit d’un secteur jeune et qui jusqu’à aujourd’hui était dans une logique florissante. Il subit actuellement une crise différente de par son ampleur, son intensité et sa gestion très compliquée.
Le constat est sans appel : la grande majorité des avions sont cloués au sol, confinement, fermeture des frontières à un horizon inconnu… c’est pour dire que toute la dynamique est quasiment à l’arrêt. Le Covid-19 a mis à genoux tous les avionneurs en remettant en cause leurs projections et prévisions.
Les scénarios de sortie de crise ?
La chaîne de valeur est complexe, on y retrouve les avionneurs, les intégrateurs, les équipementiers, les sous-traitants… comment dans cet écosystème tellement imbriqué, imaginer des pistes de sortie de crise pour un pays comme le Maroc ?
« Le Maroc dispose d’un secteur en croissance à deux chiffres, avec 150 entreprises, un secteur avec une multitude de métiers, une stratégie qui repose sur les initiatives de capital étranger avec peu de PME marocaines », rappelle à juste titre L. Jaïdi. Toutefois, le Maroc dépendant de donneurs d’ordre étrangers n’a pas une autonomie de réaction mais il ne doit pas non plus être dans l’attente et dans l’expectative. C’est le principal défi aujourd’hui.
Un défi à relever tout en prenant en considération un certain nombre d’hypothèses :
- Même si l’activité touristique reprend, elle ne peut se faire avec le même élan parce que nombreuses sont les personnes qui seraient sceptiques à prendre un avion. La pandémie étant toujours présente à l’esprit ;
- La santé financière des avionneurs même dans les pays les plus puissants va dépendre soit de l’Etat soit de la commande militaire.
Partant de ces hypothèses, nous ne pouvons imaginer un schéma de sortie de crise qu’avec l’appui de l’Etat et l’internalisation de certaines activités. D’où l’enjeu d’envisager la consolidation et le regroupement des équipementiers pour qu’ils puissent sortir de la crise avec le moins de faillites.
Cette crise va profondément changer le système : elle constitue un vrai challenge pour les pouvoirs publics qui ne doivent plus fonctionner comme durant les années de croissance et d’expansion. Ils doivent s’adapter à la situation avec un nouveau mode de formation, de mesures de facilitation… voire de réglementation.
Les pouvoirs publics doivent être capables de bien analyser les problèmes et proposer des solutions. Dans cette crise, il y aura certes des relocalisations mais d’autres équipementiers vont rester. Le maître mot est que dans cette incertitude, il faut être plus agile que dans le passé.
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