La reprise économique attendue pour 2022 n’aura pas lieu. C’est ce qu’augurent les caractéristiques actuelles de la conjoncture. « Le taux de 4,1% de croissance pronostiqué en juillet dernier sous des hypothèses passablement optimistes ne pourrait aucunement se concrétiser », annoncent les analystes de CMC révisant au passage le taux de croissance.
Dans la présente révision, l’évolution ajustée du Produit Intérieur Brut aux prix de 2014 est seulement de 1,8% présentant ainsi un écart important d’environ 2,3 points par rapport à la prévision du premier scénario exploratoire.
En effet, juste après l’établissement du scénario du mois de juillet 2021 qui tablait sur un dénouement rapide de la crise sanitaire et sur une campagne agricole moyenne, l’apparition du nouveau variant du Coronavirus Omicron, avec les facteurs de forte nuisance pour la santé publique qui le caractérise, a brouillé les cartes, a détourné la bonne orientation abordée en 2021 et a contrarié les anticipations concernant une éventuelle reprise.
Outre les séquelles de la crise sanitaire marquées par des restrictions sanitaires ayant provoqué des dégâts économiques et sociaux préjudiciables, la guerre en Ukraine est venue accentuer l’affaissement du potentiel de la production nationale à travers les principaux canaux de transmission des effets du choc qui sont les prix et l’approvisionnement en produits.
Tel qu’actualisé et réévalué par les récentes enquêtes et sources statistiques dans la nouvelle série des comptes, le PIB n’évoluerait que modestement de 1,8% pour atteindre le niveau de 1.335 milliards de dirhams aux prix courants correspondant à 4.050 dollars environ par tête.
« Le ralentissement de la cadence de croissance en prévision pour l’année en cours serait dû pour l’essentiel à la baisse prononcée de la valeur ajoutée agricole qui se chiffrerait à environ -14%, le retard des pluies automnales et les fortes chaleurs qui ont marqué le début de l’exercice en serraient la cause. Quant aux secteurs secondaire et tertiaire, ils devraient retrouver progressivement leur tendance historique mais resteraient fragilisés par les effets récessifs de la crise sanitaire et du conflit en Ukraine », expliquent les conjoncturistes.
Sur la foi des indices prémonitoires enregistrés ces premiers mois de l’année, les secteurs secondaire et tertiaire contribueraient respectivement par environ 3,2 % et 3,6% à la croissance du PIB en volume.
Face à ce retrait de l’offre et ses impacts sur les revenus des agents économiques, les composantes de la demande devraient s’y adapter et présenter des rythmes d’évolution moins vigoureux que ceux avancés il y a quelques mois.
La consommation des ménages, qui continue à pâtir des irrégularités de la croissance, devrait subir les effets de la baisse des revenus dans le monde rural conséquemment à la chute de la production agricole et serait foncièrement affectée par la recrudescence des prix.
Dans cette configuration globale de la demande, la Formation Brute de Capital Fixe ne connaîtrait pas non plus une bonne performance durant la présente année. En dehors des investissements publics déjà programmés et des projets privés suscitant un intérêt à l’international, les incertitudes qui gangrènent le climat des affaires rendent les investisseurs frileux et accentuent leur méfiance. À rebours des autres variables de la demande, les exportations de biens et services connaîtraient une évolution plus vigoureuse.
Au niveau des échanges avec le reste du monde, ce raffermissement important constaté les premiers mois de 2022 est contrebalancé par une hausse des importations de 37% provoquée par le renchérissement des produits pétroliers et dans une moindre mesure par un accroissement des acquisitions de biens d’équipements.
Dans le cadre de ce scénario prévisionnel, les perspectives de croissance de l’économie nationale devraient s’accompagner d’une flambée de l’inflation estimée à 4% sur toute l’année. La rupture avec le calme des prix s’est déclarée déjà en 2021 et compte se poursuivre avec plus de ténacité. L’indice des prix à la consommation relevé au mois de mars 2022 a affiché une hausse notable de l’ordre de 5,3% par rapport au niveau du mois de mars de l’année écoulée.
Cette bosse de l’inflation est la conséquence de l’envolée des cours des produits énergétiques et de l’augmentation subite et spectaculaire des prix des autres matières premières et des produits alimentaires enregistrées à la suite de déclenchement de la crise Ukrainienne. Les tensions devraient porter l’inflation mondiale à un niveau jamais atteint depuis le début des années 90. Son taux pourrait même culminer à 12,2% pour le continent africain.
Sur le front de l’emploi, le marché du travail ne réagirait pas à l’acquis de croissance de l’économie nationale tant il est peu convaincant. Ainsi en dépit des recrutements du secteur public et des efforts engagés pour réduire les effets de la décrue de la production sur l’emploi rural, le marché resterait sous tensions. Le taux de chômage au niveau national se stabiliserait autour de 12%.