Les citoyens peuvent être excédés par la prolongation de l’état d’urgence sanitaire et des mesures y afférentes, surtout les 39 % de la population de la zone 2. Mais un document du ministère de la Santé en date du 8 juin, décrit la complexité et les étapes du déconfinement.
Le 9 juin, il a été décidé de prolonger l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet 2020 avec un allègement des restrictions ou déconfinement territorialisé en fonction de la situation épidémiologique de chaque région, préfecture et province. C’est ainsi qu’il faut distinguer enter deux régions : la première zone qui représente 61 % de la population (59 préfectures et provinces) avec un allègement des restrictions et la deuxième zone qui représente 39 % de la population (16 préfectures et provinces).
Étant donné que l’épisode épidémique n’a pas permis d’atteindre l’immunité de groupe (estimé pour le COVID-19 entre 50 et 66% de la population) pour faire barrière à une nouvelle dissémination du virus, le Maroc, comme les autres pays, restera théoriquement vulnérable à la circulation du virus à la sortie du confinement, avec des niveaux différents selon les régions et les différents groupes de population.
De ce fait, la levée du confinement doit tenir compte de plusieurs paramètres à la fois chronologiques, géographiques, démographiques et épidémiologiques, avec comme objectifs :
- Limiter l’apparition de nouvelles infections et de nouveaux foyers ;
- Eviter la diffusion communautaire du virus dans les régions avec des cas sporadiques et/ou de petits foyers ;
- Eviter la réintroduction du virus dans les régions sans cas actif.
La finalité étant de permettre à la société une reprise des activités, tout en limitant au maximum les risques liés à une résurgence de l’épidémie, dans un contexte marqué par de nombreuses incertitudes se rapportant à la transmissibilité du virus ; la qualité et la durabilité de l’immunité acquise ; la proportion inconnue des formes asymptomatiques ; la logistique de surveillance et de prise en charge ; et l’hétérogénéité de l’adhésion de la population aux mesures instaurées.
Forcément, c’est au ministère de la Santé qu’a incombe le travail d’élaboration d’un un plan de levée progressive du confinement au cours des quatre semaines suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire, au lieu du scénario initialement proposé, préconisant 3 phases s’étalant sur 3 mois.
Le premier prérequis à un déconfinement est un système de santé capable de faire face à une éventuelle nouvelle vague épidémique, tout en répondant aux autres besoins et aux problèmes de santé liés aux conséquences du confinement.
Par ailleurs, le système d’identification et de prise en charge des cas doit être rapide et la traçabilité de leurs contacts doit être efficace.
Pour sa part, le système de surveillance épidémiologique doit être capable de détecter tout changement de tendance et de déceler une reprise de l’épidémie.
Aussi, est-il primordial de disposer de stocks suffisants en équipements de protection individuelle et collective (Masques, désinfectants, gels hydro-alcooliques etc.).
Enfin, la mise en place d’une gouvernance en charge de la sortie de confinement aux échelons central et déconcentré est incontournable.
Mais avec tous ces prérequis réunis, la levée du confinement se fera dans une logique d’évaluation de risque de résurgence de l’épidémie qui prend en considération des critères épidémiologiques et l’offre de soins.
D’un côté, les indicateurs de vitesse de diffusion de l’épidémie (au moment de la décision), à savoir un taux de reproduction (Rt) doit être inférieur à 0,8 (idéalement < 0,7) et sa stabilité ou sa baisse continue sur une période suffisante (deux semaines au moins avant la levée du confinement) ET/OU incidence hebdomadaire des cas inférieure à 5 personnes pour 100.000 habitants. Il faut également une prévalence des cas actifs inférieure de 10/100 000 habitants et une fréquence des cas graves inférieure à 5% des cas actifs.
De l’autre côté, les indicateurs de capacité à faire face à l’épidémie (au moment de la décision) notamment un taux d’occupation des lits hospitaliers dédiés COVID-19 inférieur à 65% et un taux d’occupation des lits de réanimation dédiés COVID-19 inférieur à 65%.
Le ministère de la Santé estime que le passage d’une phase à l’autre nécessitera 2 semaines au minimum, avec une stabilité ou une tendance vers la diminution des indicateurs précités.
Une gouvernance rigoureuse
Bien évidement, cette tâche de procéder au déconfinement est très complexe face à l’évolution contrastée de la situation épidémiologique selon les régions. Ce qui implique une gouvernance rigoureuse de cette nouvelle étape pour éviter une deuxième vague.
Dans ce sens, selon la proposition du ministère de la Santé datant du 8 juin, au niveau central, la coordination entre différents secteurs est assurée par le Comité de pilotage Interministériel et le Poste Central de Coordination (PCC), dont les principales missions devront être centrées sur la définition de mesures générales selon le niveau de risque évalué ; la validation des critères de passage d’une phase à une autre et la validation des procédures élaborées par les départements ministériels pour les différents secteurs.
Le niveau décentralisé (Postes de coordination régionaux et provinciaux) assure la mise en œuvre du plan et définit les mécanismes de suivi/contrôle de la mise en œuvre du plan du déconfinement.
Bien évidemment, il incombera au ministère de la Santé de procéder à l’évaluation des risques et de produire les indicateurs épidémiologiques qui permettent aux autorités de décider d’alléger davantage et autoriser de nouvelles activités ou au contraire de renforcer les restrictions voire réinstaurer le confinement.
Un déconfinement territorialisé, flexible et contrôlé
Suite au communiqué conjoint des ministères de l’Intérieur et de la Santé, aux premières heures de ce 10 juin, nous avons compris que l’évolution vers une levée progressive des restrictions se fera en fonction de la situation épidémiologique des régions et provinces. Et suite à une évaluation régulière des autorités, il sera décidé ou non d’ouvrir d’autres activités. Donc nous sommes face à un déconfinement progressif, territorialisé mais contrôlé. Du coup des préfectures et provinces de zone 1 peuvent passer en zone 2 et inversement selon la progression de la situation épidémiologique post 11 juin.
Il est tout aussi important d’insister que allègement des restrictions ne signifie par la levée des mesures sanitaires et autres obligations comme le port de marque, de protection ainsi que la distanciation sociale.
C’est ainsi que le processus de levée de confinement reposera sur cinq axes principaux.
D’abord, l’identification et l’isolement des cas et des contacts pour maintenir le contrôle de l’épidémie, acquis lors de la période de confinement. En deuxième lieu, le déconfinement sera assorti du maintien de la distanciation physique et du renforcement des gestes barrières.
Les sujets âgés de plus de 65 ans et les sujets avec comorbidités seront fortement conseillés d’observer un confinement volontaire ou une réduction de leurs déplacements et d’éviter les lieux à forte densité.
Le troisième point au centre des préoccupations est la maîtrise du risque lié aux déplacements. Les déplacements des individus sont des sources potentielles de circulation du virus. Le ministère de la Santé estime que les déplacements en intra-urbains doivent respecter les mesures barrières et de distanciation physique.
En ce qui concerne les déplacements entre les régions, il préconise de maintenir un degré de contrôle de ces déplacements pour éviter la réintroduction du virus dans les régions où l’épidémie est contrôlée. Concernant les transports internationaux, il s’agit de réduire le risque de réintroduction du virus sur le territoire national. L’ouverture de l’espace aérien, maritime et terrestre est très fortement déconseillée durant cette période de levée de confinement.
Le quatrième axe du processus de levée de confinement repose sur la réalisation à intervalle régulier d’enquêtes de séroprévalence. La connaissance du niveau d’immunité des individus et de la population est essentielle pour suivre la mise en œuvre du plan de levée de confinement, estime le ministère de la Santé.
Enfin, la réussite d’un tel processus tient de la mise en place d’un programme de communication et de sensibilisation pour une meilleure adhésion de la population à l’ensemble des mesures proposées.
Ainsi, le plan doit être accompagné d’une communication adaptée en fonction du contexte et de la population cible. Cette communication doit se fonder sur les connaissances disponibles. Des enquêtes sur les connaissances, attitudes et pratiques de la population doivent être conduites régulièrement pour mettre à jour les composantes de la stratégie de communication.
En parallèle, il est nécessaire de mettre en place un large programme de dépistage, tout en renforçant les capacités de prise en charge des cas et de suivi des contacts, notamment par le recours aux nouvelles technologies.
Il est à rappeler que la résurgence de l’épidémie imposera un renforcement des mesures de contrôle de l’épidémie voire un nouveau confinement territorial total ou partiel.
Dans ce sens, les provinces et villes à forte densité de population et/ou avec un niveau de circulation virale élevée nécessiteront une attention particulière.
Aussi, est-il recommandé que le confinement soit maintenu pour les sujets âgés de 65 ans et plus jusqu’à sa levée totale, en raison de la létalité liée au COVID-19 qui demeure élevée chez les sujets âgés, notamment en présence de comorbidités et au fait que les lits de réanimation risquent une saturation précoce.