La baisse des défaillances d’entreprises en 2018 (-0,9% sur l’ensemble de l’année) est un trompe-l’oeil aux yeux de Amine Diouri, responsable Etudes & Communication chez Inforisk.
Faute d’un effort particulier, un inversement de tendance en 2019 reste une illusion.
EcoActu : L’Afrique présente certes un énorme potentiel économique et financier, mais elle reste quand même un continent caractérisé par la prédominance de risques politiques, d’insolvabilité. Comment Inforisk accompagne-t-elle ses entreprises souhaitant se développer en Afrique ?
Amine Diouri : A travers son appartenance au premier réseau mondial de l’information légale, Dun & Bradstreet, avec une base de données mondiale de plus de 305 millions de sociétés dans 220 pays, Inforisk offre de l’information auprès des sociétés marocaines qui souhaitent travailler avec des entreprises africaines, notamment celles de l’Afrique de l’Ouest. A travers une gamme de produits élargie, Inforisk D&B apporte une réponse aux différentes problématiques de l’entreprise marocaine qui souhaite exporter : évaluation du Risque Pays grâce aux rapports Country Risk, qui mesurent les risques politiques, réglementaires, et de changes liés à un pays. Pour les sociétés souhaitant développer leurs réseaux de distribution ou trouver de nouveaux partenaires commerciaux, Inforisk D&B met à leur disposition un outil de requêtage performant permettant d’identifier une entreprise locale répondant à ses critères de recherche (CA, activité, ville…).
Enfin, afin d’évaluer les risques d’insolvabilité d’une entreprise, nous proposons aux sociétés marocaines des rapports complets, comprenant des bilans, des indicateurs de risques (défaillance, comportements de paiement), les actionnaires des structures… Bref, sur le plan local marocain tout comme sur le plan international, l’aspect préventif du risque de contreparties reste prépondérant.
Dans le même sillage, quelle est la part du continent africain dans le volume des entreprises défaillantes au Maroc ? Et surtout quels sont les risques ayant conduit à mettre en difficulté les entreprises en question ?
Les entreprises défaillantes marocaines sont quasi exclusivement des TPE, exerçant localement et qui n’ont pas survécu au climat des affaires de leur marché national (notamment sur la question des délais de paiement).
Dans votre étude, vous avez énuméré plusieurs risques qui vont de la technologie… à la réglementation. Si l’on souhaite se fier à des coefficients de pondération de risques, quel est celui qui conduit ipso facto à une défaillance de l’entreprise.
Effectivement, l’entreprise est généralement confrontée à une multitude de risques : risque politique (changement de régime, gouvernement), réglementaire (changement de législation qui peut impacter l’activité de l’entreprise), de changes, technologique (une nouvelle technologie apparaît et rend l’ancienne caduque)… Mais la plus importante à mes yeux reste le risque de contrepartie. Car il ne faut pas l’oublier, 40% des défaillances d’entreprises sont dues à des impayés. Ce qui en un sens est logique : c’est l’insolvabilité de l’entreprise qui la conduit vers le redressement ou la liquidation.
Dans chacune de vos études, vous passez un message. L’avant-dernière a mis en évidence que 72% du crédit interentreprises est dû par les grandes entreprises, soit quelques centaines d’entreprises. Quid de la présente étude ?
Le message principal de ma dernière étude est le suivant : attention aux effets trompe-l’œil concernant la baisse des défaillances d’entreprises en 2018 (-0,9% sur l’ensemble de l’année). Rappelons-nous le contexte du premier trimestre 2017. Celui-ci fut caractérisé par plus de 5 mois de blocage de l’exécutif (novembre 2016-mars 2017) et la non formation du gouvernement. Durant ces quelques mois, les paiement sur les marchés publics furent bloqués, du fait de l’absence de décisionnaires. Cela s’est traduit par une hausse exceptionnelle de 40% des défaillances durant le trimestre. La comparaison de la situation exceptionnelle du 1er trimestre 2017 avec la situation normalisée au 1er trimestre 2018, a entrainé une baisse « factice » de 16% sur cette période. De l’autre coté, sur les trimestres 2, 3 et 4 de 2018, les défaillances ont augmenté de 6% par rapport à l’année dernière, ce qui me semble être la vraie tendance de l’année.
Le nombre des faillites a baissé légèrement (0,9%) au terme de 2018. Pouvons-nous espérer une baisse importante en 2019 si l’on prend en considération que le sujet commence à prendre de l’importance sur la scène politique. Ou ne faut-il pas trop espérer avec les vents contraires qui soufflent de l’Europe, principal partenaire et surtout un taux de croissance de 2,9 % prévu pour 2019 ?
Je ne crois pas à une inversion de tendance et donc à une baisse durable des défaillances en 2019. Pour plusieurs raisons.
La première tient au fait que 2018 a été marquée par des événements positifs purement conjoncturels : remboursement des crédit de TVA aux entreprises avec l’injection de plus de 40 milliards de dirhams rendus aux sociétés, avec un impact positif sur leur trésorerie.
Maintenant, il reste un problème de fond. La très grande majorité des « victimes » de défaillances sont les TPE. Et celles-ci comme je l’ai dit précédemment, ne sont pas impactées par la conjoncture internationale. Elles sont au contraire sensibles au climat des affaires marocains et notamment à la question des délais de paiement. Certes, les délais de paiement sur les marchés publics se sont significativement améliorés selon les chiffres officiels: de 150 jours les années précédentes, ceux-ci sont passées à 60 jours en 2018. Il n’empêche que la question du crédit interentreprises est portée essentiellement par les relations privées-privées, avec un encours dépassant les 400 milliards de dirhams. Tant qu’un effort particulier ne sera pas mis en œuvre pour régler cette question, qui affecte je le rappelle encore les TPE, aucune inversion ne sera possible.
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