Ecrit par S.E. |
En 2020, l’aggravation du déficit budgétaire (82,4 Mds de DH à fin décembre) interpelle sur l’existence ou pas du lien de causalité avec le déficit du compte courant. En effet, la succession des déficits du compte courant durant les dernières années, et l’incapacité des IDE à absorber ce déficit, a fait que l’Etat a recouru à l’endettement sur le marché international et auprès des bailleurs de fonds étrangers.
Souvent scrutés et suivis par les économistes, les analystes et les décideurs de la politique économique, les déficits jumeaux revêtent une grande importance en ce qui concerne le financement du budget de l’Etat. Ils permettent d’établir des relations macroéconomiques entre les échanges extérieurs et les finances publiques. En 2020, l’aggravation du déficit budgétaire interpelle sur l’existence ou pas du lien de causalité avec le déficit du compte courant.
A rappeler que la crise financière 2011 s’est traduite par un retour assez rapide des déficits budgétaires et courants. Depuis, la question qui taraude souvent les esprits est la nature des relations régissant ces déficits.
Pour ce faire, la littérature empirique a étudié les déficits jumeaux aussi bien au niveau des pays développés qu’au niveau des pays en voie de développement. Des résultats des différentes études, il découle des différences selon les pays étudiés, la période analysée et les méthodes retenues.
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Au Maroc, l’évolution du solde du compte courant depuis 2005 permet de distinguer deux phases distinctes. Au cours de la période 2005-2012, le compte des transactions courantes a connu une tendance baissière, partant d’un excédent de l’ordre de 1,8% du PIB en 2005 et de 2,2% du PIB en 2006 à un déficit de -9,7% du PIB en 2012.
Cette évolution est due principalement à l’aggravation du déficit des échanges de biens et dans une moindre mesure au déficit des revenus primaires. Cette aggravation a été atténuée, toutefois, par l’amélioration des résultats des autres rubriques : accroissement des excédents des échanges de services et des revenus secondaires.
A partir de 2013, le déficit du compte courant a commencé à s’alléger, partant de 7,7% du PIB à 5,3% en 2018 et 4,1% en 2019. Cette situation s’explique essentiellement d’une part, par la bonne tenue des échanges de services avec un solde excédentaire qui a doublé passant de 44,7Mds DH en 2013 à 88,3Mds DH en 2019 et d’autre part, par la forte expansion des exportations (185,4Mds DH en 2013 à 282,1Mds DH en 2019) avec un taux de croissance annuel moyen de 7,2% accompagnée par l’allégement de la facture énergétique (102,3Mds DH en 2013 à 76,3Mds DH en 2019) suite, essentiellement, à la baisse des cours de pétrole.
La dynamique des exportations traduit l’émergence de nouveaux métiers (automobile, aéronautique, électronique et pharmaceutique). L’émergence de ces nouveaux secteurs a contribué à la conquête du Maroc de nouveaux marchés, notamment les pays du Sud (l’Amérique Latine et l’Afrique) et à la réalisation d’une nette progression en termes de contribution à la balance commerciale. De leur part, les importations marocaines ont également progressé mais à un rythme moins important (TCAM de 4,2% durant la même période) passant de 383,7Mds DH en 2013 à 491,2Mds DH en 2019.
Nous savons que tout déficit du compte courant doit être compensé par des entrées au niveau du compte financier, qui englobe des sources de financement telles que les investissements directs étrangers, les investissements de portefeuille et la dette extérieure. Ainsi, si un pays ne parvient pas à attirer suffisamment de capitaux étrangers, il lui faut puiser dans ses réserves de change pour financer son déficit ou recourir à l’endettement.
En effet, les investissements directs étrangers constituent la principale source de financement du déficit courant du Maroc sur l’ensemble de la période 2004-2008. Mais la succession de déficits courants depuis 2009 a poussé le Maroc à s’endetter sur le marché international et auprès des bailleurs de fonds étrangers pour assurer le financement du compte courant, ce qui a conduit à une augmentation de la dette extérieure publique. Rapportée au PIB, celle-ci se situe à 29,7% du PIB à fin 2019, en hausse de 7,5 points sur les dix dernières années.
L’encours de la dette publique grimpe à 81% du PIB
En ce qui concerne le solde budgétaire, le diagnostic durant les dix dernières années, permet de faire ressortir un déficit budgétaire de 38,4 Mds DH ou 3,4% du PIB en 2019 au lieu de 43,9Mds DH ou 4,3% du PIB en 2016 et 57,6Mds DH ou 7% en 2012.
A partir de 2005 et jusqu’en 2008, le solde budgétaire enregistre une augmentation quasicontinue. Cette évolution est due principalement à la hausse des recettes ordinaires plus importante que celle des dépenses ordinaires. Ce changement résulte principalement de la croissance économique réalisée au cours de cette période ainsi que du dynamisme marqué des bénéfices des grandes sociétés.
A partir de 2011, l’augmentation des ressources ordinaires du Trésor reflète essentiellement la hausse notable des recettes fiscales. Ces dernières, après une reprise modérée entre 2011 et 2014, se sont inscrites dans une tendance haussière à partir de 2015, affichant une progression annuelle moyenne de 4,8% passant de 182,3 Mds DH en 2015 à 220 Mds DH en 2019. En revanche, les recettes non fiscales enregistrent un taux d’accroissement annuel moyen en baisse de 1,8% durant la même période passant de 25,5Mds DH en 2015 à 23,7Mds DH en 2019.
L’analyse de l’évolution de la dette publique directe en 2019 fait ressortir une augmentation au niveau de la dette intérieure du Trésor de 2,2% pour s’établir à 586,5Mds DH, représentant ainsi 51,3% du PIB. Pour sa part, la dette extérieure du Trésor a enregistré une hausse de 8,8% de son encours se situant à 161,5 Mds DH (14,1% du PIB).
Au total, l’encours de la dette publique s’est accru de 2,9% à 926,3 Mds DH, représentant 81% du PIB au lieu de 81,4% en 2018.
La succession des déficits du compte courant durant les dernières années, et l’incapacité des investissements directs étrangers à absorber ce déficit, a fait que l’Etat a recouru à l’endettement sur le marché international et auprès des bailleurs de fonds étrangers, ce qui a conduit à une augmentation de la dette extérieure publique. Rapportée au PIB, celle-ci se situe à 29,7% du PIB à fin 2019 contre 18,6% du PIB à fin 2008, soit une hausse de 11,1 points.
L’aggravation de l’encours de la dette extérieure publique peut avoir un effet direct sur les dépenses de l’Etat et en conséquence sur son solde budgétaire.
Les analyses empiriques montrent que pour l’économie marocaine qui est en voie développement, les déficits courants et budgétaires, dans le long terme, sont étroitement liés dans le sens ou une augmentation du déficit au niveau des opérations courantes entrainera une augmentation du solde budgétaire avec un impact retardé.
A court terme Les déficits courants et budgétaires sont étroitement liés dans le sens ou une augmentation du déficit au niveau des opérations courantes entrainera une légère augmentation du solde budgétaire.
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