Ecrit par S. Es-Siari |
Au moment où l’on s’attendait à ce que la demande interne puisse repartir à coup de ballons après une crise sanitaire (une contribution négative de -7,3% en 2020) qui a mis à mal les ménages suite aux mesures de restrictions ayant pesé peu ou prou lourdement sur les revenus, on assiste à un raffermissement mitigé en 2021. Il faut dire que face à la persistance de la crise aiguë, le comportement diffère d’un agent à l’autre. Si certains sont contraints de baisser la voilure à cause de l’effritement de revenus, d’autres plus prudents préfèrent épargner à cause du manque de visibilité.
Comportement peu vigoureux de la demande
La propension à consommer se trouvant par ailleurs réduite à cause de la demande des ménages érodée sous l’effet des importantes pertes d’emplois et de la mise en chômage partiel de bon nombre de salariés du secteur privé.
A rappeler qu’en 2020, l’économie nationale a perdu 432.000 emplois. Cette perte colossale a concerné les deux milieux (urbain et rural). L’immunisation du marché de travail passe, sans nul doute, par un regain de santé de l’économie dans son ensemble, lui même tributaire d’importantes réformes structurelles.
Les statistiques disponibles à fin novembre montrent que la consommation des ménages aurait poursuivi son amélioration dans un contexte où les mesures restrictives ont été assouplies, suite à l’amélioration de la situation sanitaire. Mais pas au rythme souhaité pour rattraper les pertes engrangées durant deux années de crise sévère. Et pourtant, les progrès significatifs de la campagne de vaccination contre le Covid19 conjugués à une bonne campagne agricole et une bonne tenue des transferts des MRE auraient pu booster la demande interne.
La flambée des cours des matières premières apporte son grain de sel
Au-delà de la crise sanitaire au sens stricto-sensu, la flambée des cours des matières premières dont la relation de cause à effet est bien établie avec la crise actuelle a chamboulé toutes les projections et tous les pronostics. Certes contrairement à d’autres économies, le taux d’inflation au Maroc demeure maitrisable oscillant autour de 1,2%, il reste tout de même insoutenable pour une large frange de la population au pouvoir d’achat limité. La classe moyenne étant ballottée entre la cherté du coût de la vie et la résurgence de nouveaux besoins.
Au Maroc les fédérations de défense des droits des consommateurs (FNAC et FMDC) soutiennent que l’évolution des cours mondiaux n’a pas été sans se répercuter sur le Royaume, sous l’effet de la logique d’ouverture du marché national largement libéralisé. Les hausses ont d’abord été ressenties au niveau des matériaux de construction, pour s’étendre à l’industrie agroalimentaire (IAA)… Un secteur solidement soumis au diktat des fournisseurs internationaux qui le ravitaillent en intrants et partant impactent les coûts de fabrication des produits locaux. Cela étant, la Fédération nationale de l’agroalimentaire (FENAGRI) déplore l’incapacité des opérateurs locaux à prédire la tendance des marchés mondiaux.
Concernant l’investissement autre composante de la demande interne, il aurait maintenu son redressement, comme en atteste la poursuite de la hausse des importations des biens d’équipement (+13% à fin septembre 2021). La baisse des crédits à l’équipement s’est atténuée (-2,7% à fin septembre 2021 après -4,3% à fin août 2021). Un rythme insuffisant pour assurer la reprise escomptée en 2021. Ajoutons à cela, que c’est toujours l’investissement public qui sauve la mise en matière de demande et ce bien que l’investissement demeure peu productif. Une autre paire de manche.
L’épargne sur un trend baissier
Ajoutons à cette évolution très modérée de la demande interne, l’épargne qui ne cesse de s’effriter d’année en année. Comme l’a si bien dit le Trésorier Général du Royaume, un ménage ne peut épargner comme il se doit à cause de la qualité des services publics qui laisse tant à désirer. Une partie très importante du revenu étant dédiée à l’éducation, à la santé et au logement. D’où l’urgence de remédier à la défaillance des services publics à partir d’une politique budgétaire bien repensée où l’humain occupe une place centrale. Les espoirs sont d’ailleurs fondés sur le chantier titanesque de l’élargissement de la couverture sociale lancé par le Souverain. Il va permettre l’accès de la population aux soins à un coût moindre.
Dans cette situation encore dépressive où la plupart des secteurs de l’économie essayent de colmater les brèches et de panser les entailles profondes infligées par le Covid, la seule voie de sortie pour booster la demande n’est autre que l’engagement dans un plan de relance ambitieux. Les pouvoirs publics devraient entreprendre des politiques foncièrement agressives et créer des contrechocs puissants non seulement pour remédier aux dommages causés par la pandémie mais aussi pour porter l’économie sur un véritable chemin de relance et éviter une rechute éventuelle.