La rationalisation des dépenses fiscales se veut une des dix recommandations des dernières Assises de la Fiscalité. Plus d’un an après et ce bien avant la pandémie, aucune action n’est entreprise dans ce sens.
Dans un contexte empreint d’une crise sanitaire qui s’est abattue sur l’ensemble des secteurs économiques, la contribution des entreprises notamment en matière de recettes fiscales s’est réduite de manière drastique. Cette réduction a détérioré davantage le déficit budgétaire à un moment où l’Etat est appelé à jouer au sapeur-pompier pour secourir aussi bien les entreprises que les ménages fortement secoués par la crise.
Cette crise remet sur la table l’épineuse problématique de la rationalisation de la dépense publique. Dans cet ordre d’idée, les dépenses fiscales concédées par l’Etat méritent une attention particulière. Il serait judicieux de procéder à une évaluation desdites dépenses et leur impact sur le secteur qui en a bénéficié des années durant. Les pouvoirs publics doivent les garder sous les radars pour s’assurer des vertus de la dispense fiscale dont a profité le secteur et sa contribution en terme de valeur ajoutée à l’économie ( PIB, emplois, création de richesses…).
Aussi, des indicateurs de performances seraient souhaitables pour s’assurer de l’efficience de la dépense fiscale. A ce titre, les bénéficiaires doivent s’engager sur des réalisations. Faute de quoi, l’Etat peut faire marche arrière et retirer la dispense fiscale.
Toutefois, la réduction des dépenses fiscales ne doit se faire d’une manière fortuite, mais d’une manière raisonnée et raisonnable. Le leitmotiv est de ne pas pénaliser des secteurs à un tournant majeur de leur développement.
A l’occasion de chaque Loi de Finances, la sempiternelle question se pose : sur quels critères se base-t-on pour octroyer telle ou telle dépense fiscale à un secteur donné ? C’est pour dire que de l’amont jusqu’à l’aval, la dépense fiscale est entourée de zones d’ombre.
27,7 Mds de DH de dépenses fiscales au titre de 2019
Dans le rapport sur l’exécution du Budget 2019 publié par la Cour des Comptes, il ressort que les dépenses fiscales concédées par l’Etat, en 2019, se sont élevées à 27,7 Mds de DH, soit un ratio de 13,1% par rapport aux recettes fiscales. Ce coût provient de 236 mesures dérogatoires évaluées sur les 293 mesures dérogatoires recensées. Ledit rapport précise que 57 mesures dérogatoires n’ont toujours pas fait l’objet d’évaluation et ne sont, en conséquence, pas prises en considération dans les 27,7 Mds de DH de dépenses fiscales.
Cependant, la part des mesures évaluées par rapport à celles recensées progresse au fil des années.
Ces dépenses demeurent concentrées sur un nombre limité de secteurs. Ainsi, les trois secteurs de l’immobilier, de l’électricité et du gaz et de la sécurité et de la prévoyance sociale, concentrent, à parts pratiquement égales, plus que la moitié des dépenses fiscales enregistrées en 2019. Ces secteurs ont bénéficié d’un total de dépenses fiscales de l’ordre de 14,3 Mds de DH sur les 27,7 Mds de DH enregistrés. Si l’on ajoute à ces dépenses celles profitant aux exportations et au secteur de l’agriculture et de la pêche, le niveau de concentration sectorielle se hisse à 70,9% pour un total de dépenses fiscales de 19,6 Mds de DH.
La TVA représente plus de la moitié…
Il ressort également que le support privilégié par l’Etat pour la dépense fiscale est celui de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Cette taxe représente plus de la moitié des dépenses fiscales accordées en 2019 par le biais de 81 mesures totalisant 14,2 Mds de DH. L’impôt sur les sociétés a, quant à lui, été utilisé comme véhicule de transmission de la dépense fiscale à travers 57 mesures dérogatoires, dont 46 ont été évaluées pour un coût global de 5 MMDH, soit 18% du montant total des dépenses fiscales de l’année 2019.
A rappeler à juste titre que la rationalisation des dépenses fiscales se veut une des dix recommandations des dernières Assises de la Fiscalité. L’objet attendu étant de supprimer les incitations fiscales n’ayant pas donné l’effet escompté, de définir un cadre normatif fixant les conditions d’octroi des incitations fiscales et leur encadrement et de mettre en place un dispositif institutionnel d’évaluation des impacts socioéconomiques des incitations fiscales. Or, valeur aujourd’hui, aucune action n’ a été entreprise dans ce sens.