Les dernières semaines ont été riches en actualité pour le secteur bancaire participatif : l’approbation par le Conseil de gouvernement du décret sur le Takaful, lancement du mécanisme de garantie Sanad Tamwil, annonce par BAM de dispositifs d’appui au refinancement et surtout de nouveaux contrats dans le pipe. D’autres leviers sont à actionner pour accélérer la mise sur pied de l’écosystème participatif, comme l’explique Hakim Bensaid, le Président de l’Association marocaine des professionnels de la finance participative (l’AMFP).
EcoActu.ma : Notre entretien intervient au moment du lancement de la garantie de l’Etat Sanad Tamwil. Peut-être un premier commentaire sur cet outil longtemps demandé et attendu par la profession.
Hakim Bensaid : L’accès au financement est une problématique majeure au Maroc qui pèse sur le tissu économique, particulièrement les PME et TPE qui représentent 95 % du tissu entrepreneurial et font face à l’endettement et aux difficultés de trésorerie. Cette situation est aggravée par le Covid-19 qui a creusé le déficit de ces entreprises et menace la pérennité de leur business.
Si l’on se réfère aux données de 2019 du HCP, 20 % des entreprises ont eu recours au financement externe dont un tiers n’a pas pu fournir de garantie, et au final 54,1% n’ont pas été financés pour insuffisance de garanties.
Je ne vais pas rappeler la mission du mécanisme de garantie mais dirais sommairement qu’il permet un remboursement du capital en cas de défaillance de paiement. C’est dire l’importance du nouveau mécanisme de garantie Sanad Tamwil en faveur du secteur bancaire participatif qui lui permettra de satisfaire et accompagner les besoins en financement des particuliers (à revenu modeste ou irrégulier ; les MRE) et des TPME, qui ont opté pour le système bancaire participatif.
Justement, en évoquant le Covid-19, le système bancaire conventionnel a démarré la production du dispositif de la CCG composé de Relance TPE et Damane relance. Quid du système participatif ?
Sanad Tamwil offre au secteur bancaire participatif des garanties de base comparativement au secteur conventionnel, mais c’est un acquis indéniable pour le secteur bancaire participatif, permettant d’étoffer l’offre produits et élargir la clientèle.
Ce mécanisme de garantie est d’autant primordial avec le lancement très prochainement du Contrat Salam qui financera la production et trésorerie des entreprises. Un contrat qui arrive à point nommé avec la reprise des activités, pour répondre à des besoins spécifiques en cette période de crise.
Voilà un souci en moins pour la profession.
Les banques et fenêtres participatives font aujourd’hui les frais à attendre la validation de différents contrats mais également la mise en place des autres piliers de l’écosystème surtout le Takaful. Dans quelle mesure l’approbation par le Conseil de gouvernement du décret sur le Takaful en avril dernier peut-elle donner un coup d’accélérateur à ce chantier dont l’aboutissement est sans cesse retardé ?
L’écosystème participatif est composé des banques et fenêtres participatives qui ont ouvert le bal et sont en ligne de front, alors que les autres piliers sont toujours en cours de construction notamment les OPCC, la titrisation, les sociétés de gestion, l’indice boursier… pour ce dernier, le CSO est en phase de validations des valeurs qui composeront cet indice.
Pour revenir à votre question, les filiales Takaful des compagnies d’assurance préparent les dossiers d’agrément à soumettre au régulateur, l’ACAPS. Les contrats types notamment décès/Invalidité et multirisques bâtiment ont été validés par le CSO et sont actuellement au niveau de l’ACAPS pour validation.
Aujourd’hui, la profession est en attente de la publication des textes d’application du décret 2.20.323et la circulaire y afférente.
Peut-on s’attendre à un démarrage de la production des contrats d’ici la fin de l’année ?
Je crois intimement que pour une accélération de la mise en place de l’écosystème participatif, il faudra créer une entité de coordination qui réunie les acteurs et les régulateurs, puisque ces derniers semblent travailler en silo, pour une action commune et cohérente.
Nous sommes en présence d’un cas typique du lancement du produit Salam qui doit être adossé à une assurance décès-invalidité. Or, le démarrage du Takaful, dont la loi a dû subir plusieurs modifications, reste tributaire d’un autre chantier relevant d’un autre régulateur qu’est le marché de capitaux pour le placement de l’épargne collectée.
Tout cela pour dire que l’écosystème est interdépendant, donc la création d’une entité de coordination composée des professionnels et régulateurs, qui permette une communication sur les chantiers en cours et la mise en cohérence du cadre réglementaire, est de nature à donner un coup d’accélérateur à la mise sur pied de cet écosystème.
Le secteur bancaire participatif a plus que jamais besoin des contrats Takaful avec la recrudescence des risques induits par la crise et qui peuvent menacer la pérennité du secteur.
Est-ce le volume du marché au stade actuel qui ne suscite pas suffisamment l’appétence des futurs opérateurs Takaful ?
Au contraire, la production du secteur bancaire depuis plus de deux ans est une opportunité puisqu’elle a constitué un stock d’activité qui assure aux opérateurs Takaful un démarrage confortable et un retour sur investissement assez rapide, à condition de ne pas trop attendre non plus.
J’attire l’attention sur un point nodal qui permettre de saisir le panorama actuel : le Maroc a fait le choix de bâtir son propre modèle de finance participative fidèle à notre référentiel. Le pays n’a pas fait le choix de la facilité en dupliquant ce qui se fait dans d’autres pays, mais en construisant à partir de rien tout un écosystème financier.
En matière de refinancement, quel commentaire faites-vous de l’annonce faite le 17 juin à l’issue du Conseil de Bank Al-Maghrib ?
La Banque Centrale-Bank Al Maghrib (BAM) a récemment mis en place des dispositions spécifiques pour fournir un appui au refinancement des Banques Participatives. En effet, ces mesures vont permettre à ces dernières d’avoir à leur disposition un moyen de refinancement à des conditions avantageuses. Cet atout majeur ne pourra qu’être bénéfique pour le système bancaire participatif avec une source de refinancement qui devrait être relativement moins chère, tout en espérant que cela se répercutera sur la clientèle et la marge bénéficiaire des Banques Participatives.
Outre le nouveau mécanisme de garantie Sanad Tamwil, la nouvelle source de refinancement par Bank Al-Maghrib devrait contribuer au développement du secteur bancaire participatif et in fine, à la relance de l’économie nationale.
En tant qu’Association marocaine des professionnels de la finance participative, comment votre rôle évolue-t-il dans cette industrie naissante que vous avez accompagnée depuis des années ?
Il convient de rappeler que l’Association marocaine des professionnels de la finance participative (l’AMFP) était parmi les premiers à mettre l’accent sur le principe de développement d’un écosystème financier participatif typiquement marocain. L’une des missions majeures de L’AMFP est de démystifier et vulgariser la finance participative pour le compte des professionnels mais aussi auprès du grand public, à travers les différents workshops, séminaires et événements que nous organisons.
Il ne faut pas perdre de vue que la finance participative repose sur un ensemble de fondements qu’il faut préserver et sur lesquels il faut veiller et capitaliser car ils constituent la pierre angulaire de la relation entre les différents professionnels de cet écosystème et dans la relation à leurs clients.
L’AMFP continuera, aujourd’hui plus que jamais, à être une plateforme d’échange et participer activement à l’évolution de l’écosystème de la finance participative tout en contribuant au développement d’un modèle purement Marocain basé essentiellement sur les constantes de la nation.