Deux années après l’annonce de la réforme du secteur des établissements et entreprises publics (EEP) et une année après la publication des textes de lois fondateurs, la Cour des Comptes dans son rapport 2021 publié récemment fait le point sur l’état d’avancement de ce chantier stratégique et structurant dont les enjeux, l’urgence et les contours ont été tracés par les Hautes Orientations Royales.
La réforme des EEP, dont le législateur a fixé un délai de cinq années pour sa mise en œuvre, s’articule autour de trois composantes principales à savoir : la concrétisation des opérations de restructuration et la mise en place des textes législatifs et réglementaires prévus par la loi-cadre n°50.21, l’opérationnalisation de l’agence nationale de gestion stratégique des participations de l’Etat (APE) et le déploiement du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.
Concernant la restructuration du portefeuille des EEP, en dépit des efforts déployés depuis 2018 pour la restructuration du portefeuille public, la configuration projetée de ce portefeuille, en termes de taille et de composition n’a toujours pas été définie. De même, la feuille de route des opérations de restructuration, avec un échéancier précis, n’a pas été arrêtée.
Certes certains scenarri de restructuration ont été identifiés mais nécessitent encore des concertations avec les ministères de tutelle pour arrêter des choix. Ainsi. le ministère de l’économie et des finances a adopté, en 2022, une démarche de priorisation par secteur pour mener ces concertations qui coincement, en premier lieu les deux secteurs « énergie et mines » et transport et logistique »
De plus, les mesures de restructuration initiées par certains EEP à fort enjeux pour l’Etat n’ont pas encore produit les résultats escomptés sur leurs situations financières et leurs performances. Certains de ces EEP comme l’ONEE, l’ONCF et la RAM ont été, de surcroit, lourdement pénalisés, en 2020 et 2022, par l’impact de la crise sanitaire et la flambée des cours des matières premières, notamment énergétiques, du fait du conflit en Ukraine qui ont détérioré leurs capacités d’autofinancement et affaibli par conséquent, leur capacité à porter la dynamique de relance économique.
Les difficultés financières ont, d’ailleurs, fortement impacté les finances publiques dans la mesure où le Gouvemement a été contraint de procéder. en octobre 2022 à l’ouverture de crédits supplémentaires de 7 Mds de DH en leur faveur.
Pour ce qui est de la préparation et l’approbation des textes juridiques nécessaires au déploiement de la réforme, le ministère de l’économie et des finances a défini, dans son plan législatif, un calendrier qui s’étale sur les années 2022 et 2023, pour la préparation et la mise en circuit d’approbation de cinq textes législatifs et cinq textes réglementaires. Néanmoins, il est constaté que certains projets de lois sont toujours en instance bien que finalisés depuis plusieurs années. C’est le cas, à titre d’illustration, du projet de la réforme du dispositif de gouvernance et de contrôle financier de l’Etat qui a été déjà présenté au Conseil du Gouvernement lors de sa réunion du 19 octobre 2017.
Jusqu’à novembre 2022, seul un projet de loi fixant le nombre des administrateurs indépendants, les conditions et la procédure de leur nomination dans les organes consultatifs des entreprises publiques et deux projets de décrets ont été adressés au Secrétariat général du gouvernement.
S’agissant de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’Etat (APE), dont le périmètre a été fixé par l’annexe de la loi n°82-20 relative à sa création, elle est considérée comme étant la pierre angulaire de la réforme du secteur des établissements et entreprises publiques. En effet, elle couvre les Etablissements marchands qui détiennent 88 filiales et participations. Néanmoins, son opérationnalisation reste conditionnée par le parachèvement de la mise en place de ses organes de gouvernance et de gestion. En effet, son Directeur général a été nommé lors du Conseil des ministres du 13 juillet 2022, mais les membres du conseil d’administration ne sont pas encore désignés.
Par ailleurs, les orientations stratégiques de la politique actionnariale de l’Etat qui devraient être adoptées en Conseil des ministres, conformément à l’article 3 de la loi n°82-20, ne sont pas encore établies. Ces orientations stratégiques constituent, d’ailleurs, un préalable à la mise en place de la politique précitée.
En ce ou concerne le fonds Mohammed VI pour investissement, sa création a été concrétisée par la loi n°76-20 du 31 décembre 2020 pour contribuer à la mise en œuvre du plan de relance économique, lancé par le Souverain dans son discours prononcé à l’occasion de la fête du trône en date du 29 juillet 2020. avec une enveloppe globale de 120 Mds de DH. En outre, les premiers administrateurs ont été désignés par les statuts annexes au décret d’application n°2.21.67 du 19 février 2021 et le directeur général a été nommé lors du Conseil des ministres du 18 octobre 2022.
Pour son opérationnalisation, le ministère de l’économie et des finances a entrepris la préparation d’une vision et d’une étude concernant la création et restructuration des fonds sectoriels et thématiques prévus par l’article 4 de loi n°76-20, ainsi que les partenariats et les grands projets qui seront financés. Néanmoins, ils n’ont pas encore été soumis aux instances de gouvernance pour démarrer leur mise en œuvre.
Eu égard à ce qui précède, la Cour a recommandé de déterminer la configuration projetée du portefeuille des EEP et de définir la planification pluriannuelle des programmes de restructuration avec leurs différentes formes : regroupements, fusions, transferts au secteur privé, ouvertures du capital, liquidations, PPP. etc…).
Elle a recommandé également d’accélérer la mise en œuvre des mesures de restructuration, à court et moyen termes. initiées par les EEP à fort enjeux économiques et sociaux. dans le cadre de contrats-programmes avec l’Etat.
En outre, la Cour a recommandé de redéfinir les attributions et l’organisation de la DEPP pour prendre en considération les attributions prises en charge par l’APE et de parachever la mise en place des organes de gouvernance de cette dernière, adopter les instruments de gestion et activer les travaux de programmation stratégique et opérationnelle.
Enfin, elle a recommandé d’opérationnaliser rapidement les organes de gouvernance et de gestion du fonds Mohammed VI pour l’investissement et accélérer la mise en place des fonds sectoriels.