le rendement du réseau de la branche Electricité risque de bouleverser le regroupement entre deux géants du service public au Maroc, en l’occurrence l’ONE et l’ONEP. Les déperditions sont génératrices du manque à gagner financier et porteuses de risque fiscal latent. Quel rôle peut jouer l’ANRE pour faire durer l’union ?
L’ONE et L’ONEP : un mariage non encore consommé
L’ONEE, Office National d’Eau et d’Electricité, né du mariage contraint de l’ONE et de l’ONEP ressemble à un mariage de la carpe et du lapin : comment agglutiner l’eau à l’électricité ?
Avant le mariage, on a rien dit, après le mariage, on trouve qu’à dire. La branche Eau potable de l’Office n’a cessé de déclarer à cor e à cri que sa deuxième moitié handicape la performance de l’Etablissement. Le Top management, sur les colonnes de la presse nationale, annonce que la faute est à la fraude. A en croire les responsables de l’ONEE, le réseau d’électricité fait l’objet d’un abus manifeste de la part des resquilleurs. De gré ou de force, la fraude est une réalité sectorielle, reste à évaluer son ampleur.
L’audit du rendement du réseau : un impératif de gestion
Dans le projet d’argumenter ses allégations, l’établissement lance une consultation traitant de l’audit externe des rendements des réseaux de distribution. Pour y parvenir, l’Office n’a pas lésiné sur les moyens et a doté le projet d’une enveloppe budgétaire de l’ordre de 3.8 millions de dirhams.
Pour les curieux, le taux du rendement du réseau permet de mesurer, dans le cas de l’activité électricité, les déperditions ou pertes en ligne de l’énergie électrique. En effet, l’énergie objet du transport entre le point de production et le point de livraison est sujette à perte. Ce phénomène n’est pas propre à l’électricité. Il est également omniprésent dans la gestion des réseaux d’eau potable. Au Maroc, si les taux de rendement de l’électricité frôlent l’excellence, ceux de l’activité d’eau potable restent cloués dans le tolérable.
Rendement du réseau : des chiffres alarmants
Au titre de l’exercice 2016, année pour laquelle, nous disposons de l’information sur les taux de rendement pour les opérateurs les plus importants :
Opérateurs | Taux du rendement | Nombre de MWH distribués par ONEE | Perte en MWH |
LYDEC | 93,35% | 4 204 683 | 279 611 |
REDAL | 93,30% | 2 201 427 | 147 495 |
RADEEMA | 94,50% | 1 243 764 | 68 407 |
Le total des pertes constaté sur les trois opérateurs ci-dessus est estimé à 494.513 MWH dépasse le nombre de MWH distribué à la RADEEJ au titre de l’année 2016 et qui s’établit à 446 692 MWH.
La perte est donc conséquente.
Reste à préciser, que le taux de rendement réalisé par la branche électricité de l’ONEE reste cabalistique. L’adjudicataire du marché sera faire parler le réseau et dégagera les déperditions et en expliquera les causes. Il aura également la lourde tache de définir cette notion de rendement et d’en fixer les grandeurs. A l’échelle nationale, cette définition fait défaut et chacun opère comme bon lui semble. La normalisation de la définition du rendement du réseau donnera de la crédibilité à ce ratio et donnera un sens aux comparaisons sectorielles. Les écarts seraient alors justifiés par la performance et non par la différenciation sur les méthodes de calcul.
Rendement du réseau : une compétence juridique de l’ANREE
Néanmoins, force est de constater que la mission lancée par l’ONEE devrait faire l’objet des attributions de l’Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité (ANRE). En effet, le rendement est pris en ligne de compte dans la tarification de l’énergie électrique. Il fait partie des coûts échoués évoqués par l’article 15 de la loi N°48-15 relative à la régulation du secteur de l’électricité et à la création de l’autorité nationale de régulation de l’électricité.
Nul ne peut interdire à l’ONEE de réaliser une telle mission, seulement les résultats ne vont engager que le maître d’ouvrage. Pour les règles de bonne gouvernance privilégiant l’intégrité, l’impartialité et l’indépendance, la réalisation de cette mission devrait être diligentée par l’ANRE.
Rendement du réseau : un risque fiscal latent
Un autre souci à trait fiscal entoure la notion du rendement du réseau. En effet, les déperditions se traduisent fiscalement par des pertes de chiffres d’affaires. En l’absence de taux de rendement standardisés ou de modèle de validation des taux de rendements déclarés par les opérateurs, l’acceptation de ces minorations par l’Administration Fiscale ne sera pas une mince affaire.
Les déperditions sont qualifiées, fiscalement, de disparitions de marchandises entraînant la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite. En effet, l’Administration Fiscale rappelle que chaque fois que la taxe ayant grevé des achats a été déduite et que ceux-ci ont disparu, vendus en l’état sans taxe, ont été utilisés dans la fabrication de produits eux-mêmes disparus ou non soumis à la taxe, la déduction initiale est remise en cause.
HOUSSIFI EL HOUSSAINE