Après la tenue de la deuxième réunion de l’Observatoire des Délais de Paiement le 24 juin, Amine Diouri Directeur Etudes & Communication chez Inforisk apprécie la prochaine publication de l’arrêté sur les pénalités de retard mais prône tout de même la mise en place d’un organisme indépendant pour contrôler et sanctionner les entreprises.
EcoActu : La deuxième réunion de l’Observatoire des Délais de Paiement s’est soldée par un certain nombre de dispositions dont quelques-unes sont à court terme pour ne citer que les intérêts de retard. Quelle lecture en faites-vous des dispositions retenues lors de cette réunion ?
Amine Diouri : La dernière réunion était surtout d’ordre technique, liés aux calculs des délais de paiement. En revanche, c’est une très bonne chose que l’arrêté sur les pénalités de retard soit prochainement publié. Il était temps. Le taux retenu, aux alentours de 5,5% au 1er janvier 2020, correspond aux intérêts bancaires, ce qui en soi est une bonne chose, car il ne doit pas y avoir pour un client d’arbitrage à faire entre les 2 modes de financement (bancaire et crédit interentreprises), un gratuit (crédit fournisseur) et un autre payant (banque). Maintenant, la publication des pénalités de retard ne change pas grand chose au problème : très peu d’entreprises facturent des pénalités de retard à leurs clients. Le rapport de force est défavorable aux fournisseurs TPME (versus le Client Grande Entreprises). Ce qui pourrait réellement changer la donne serait la mise en place d’un organisme indépendant (rattaché au Ministère des Finances par exemple), qui irait contrôler les entreprises et leur mettrait des amendes en cas de non respect de la réglementation. C’est le rôle joué en France par la DGCCRF.
Aujourd’hui, il est unanime que le bâton est la meilleure façon de faire respecter les délais de paiement. Toutefois, dans un contexte économique difficile, très aléatoire où les opérateurs souffrent d’un manque de visibilité, la dimension coercitive pourrait-elle atteindre les objectifs escomptés ?
Dans la question des délais de paiement, l’aspect culturel est très important. Tous les chefs d’entreprises que je rencontre me le disent. Une entreprise peut avoir la trésorerie nécessaire et ne pas payer ses fournisseurs. C’est pour cela que la coercition/sanction est à mon sens nécessaire. Repousser cette idée ne nous permettra pas d’avancer sur cette question des retards de paiement. Après, il existe un arsenal de sanctions à disposition des pouvoirs publics : Name and Shame (c’est à dire le fait de publier le nom des mauvais payeurs et d’atteindre en quelque sorte leur réputation), amendes décernées par une autorité indépendante, sanctions fiscales (non déduction des charges non payées), sanctions commerciales (impossibilité pour une entreprise mauvais payeur de concourir aux marchés publics), sanctions bancaires (mauvais score empêchant l’entreprises d’emprunter)…
Le crédit interentreprises est de 400 Mds de DH. Ce qui est énorme ! Le problème est que ce sont les petites et moyennes entreprises qui paient le lourd tribut. De quelle manière toutes ces mesures prises ou seront prises par les pouvoirs publics ou le Patronat pourraient remédier à cette situation ? Et comment vous Inforisk en tant que fournisseur de données, pouvez-vous apporter votre pierre à l’édifice ?
Comme vous le dites implicitement dans votre question, chacun a un rôle précis à jouer. Les pouvoirs publics doivent protéger les TPE dans le rapport de force qui leur est défavorable. Je lis parfois dans la presse que l’Etat doit laisser les entreprises privées régler leurs problèmes entre elles. Mais c’est tout le contraire qui doit se passer ! Les TPME n’ont pas la taille suffisante pour imposer leurs conditions contractuelles : au contraire, elles subissent celles de leurs gros clients. L’Etat doit justement s’assurer que les règles s’appliquent à tous. De l’autre coté, le Patronat a un pouvoir de mobilisation important des entreprises privées. Rien ne pourra se faire sans la CGEM sur la question. Enfin, Inforisk en tant que société spécialisée dans le renseignement commercial, aide les entreprises à parfaitement se renseigner sur leurs contreparties Clients et/ou Fournisseurs, grâce à des outils variés : bilans, scoring, ratios financiers sectoriels, actionnaires et dirigeants, éléments juridiques… Car, tant que cette question des délais de paiement ne sera pas réglée, la meilleure protection pour une entreprise se situe en amont !