La publication du rapport annuel de McKinsey fait ressortir que le secteur bancaire approche de la fin du cycle économique actuel. Dans le continent africain, la situation est différente. Mais quid du Maroc ? les précisions de l’équipe du cabinet McKinsey.
EcoActu.ma : Le secteur bancaire connait une montée en flèche de la digitalisation. Quel serait son impact sur le rendement du secteur si on part du principe que le nombre d’opérations non rémunérées ne fait qu’augmenter ?
McKinsey : La gratuité des transactions les plus courantes (virements, consultations) est déjà une réalité. Le digital permet de compenser en réduisant les coûts grâce à l’automatisation et la réduction des interactions en agence ; elle permet aussi l’augmentation des revenus grâce à la personnalisation des offres grâce la data, ainsi qu’un meilleur contrôle des risques.
On estime 30-40% d’augmentation de bénéfices pour les banques qui réussissent leur transformation digitale.
Le risque vient de la menace de désintermédiation des banques par des acteurs offrant des services innovants grâce à la technologie : telcos, acteurs spécialisés et dans une moindre mesure fintechs.
Dans le même sillage, comment les banques sont-elles appelées à se réinventer pour titrer profit des nouvelles technologies de l’information ?
Les banques ont de réels atouts pour tirer partie des nouvelles technologies : bilans permettant de prêter, une base de clients importants, un réel savoir-faire sur la gestion des risques et la vente de produits financiers, une règlementation qui offre des barrières à l’entrée, une capacité d’investissement.
En revanche, les banques ont de réels freins à l’adoption des nouvelles technologies : organisation en silos, systèmes informatiques peu compatibles avec les nouvelles technologies, inertie due à la taille…
Les banques leaders dans le digital ont en commun plusieurs caractéristiques : 1) une forte ambition – c’est à dire elle se comparent aux meilleures entreprises digitales, pas uniquement aux meilleures banques, 2) une capacité à attirer les nouveaux talents digitaux (développeurs, designers, experts en digital marketing, data scientists etc), 3) l’adoption de nouveaux modes de travail plus collaboratifs, plus agiles et plus orienté clients, 4) une capacité à changer la culture interne de la banque pour encourager l’innovation et la prise de risques
Au Maroc, le dernier rapport de la supervision bancaire fait ressortir que le secteur a pu préserver sa rentabilité grâce à son modèle d’activités diversifié au plans sectoriel et géographique. Quelle est votre propre appréciation sachant que dans votre rapport, au Maroc les ROEs ont baissé de 120 points de base sur les 5 dernières années ?
Les banques Marocaines font face aux mêmes tendances : diminution des marges, augmentation du churn, concurrence accrue aussi par l’entrée de nouveaux acteurs, souvent encouragée par les régulateurs.
Contrairement à un nombre important de pays africains, le paiement mobile est encore à ses balbutiements pour des contraintes d’ordre réglementaire. Quelles sont les actions que les banques marocaines sont appelées à entreprendre pour se préparer à cette nouvelle configuration du microcosme financier qui prône l’inclusion financière ?
Le paiement mobile est en début de cycle. Il n’est pas dit que le niveau d’adoption sera le même qu’en Afrique du fait de l’importance des banques au Maroc. (Taux de bancarisation de 34-54 pour cent en fonction des sources vs. 15-25 pc en UEMOA).
A court-terme, le paiement mobile devrait permettre de diminuer les coûts de transferts nationaux puisque seul les retraits resteront payants comme nous pouvons le voir à travers les premières offres sur le marché.
La pénétration du paiement mobile sur ce marché (des transferts) ainsi que le développement de réseaux physiques associé pourraient à moyen terme permettre de développer plus de produits financiers et ainsi inclure une plus grande partie de la population marocaine.
Dans votre rapport, vous avez émis des recommandations en fonction du profil de chaque banque. Pouvez-vous nous dire, suite à votre diagnostic, dans quelle catégorie, le Maroc est-il classé ? Quelles sont vos recommandations ?
Au Maroc, la majorité des banques sont dans les catégories 1 et 2 (leaders et résilients), c’est-à-dire qu’elles génèrent des rendements supérieurs au coût du capital.
Etant donné la contraction des marges, et la spécialisation grandissante des acteurs, les banques marocaines doivent continuer de se transformer opérationnellement (Risque, ALM, externalisation, digitalisation des processus) pour libérer de la marge de manœuvre, allouer stratégiquement leur capital sur les activités à valeur ajoutée, et améliorer leurs modèles de couvertures pour augmenter l’équipement client grâce à une meilleure utilisation de la donnée et des organisations plus efficaces.
Pour les banques spécialisées sur certains segments de clients, il convient de grandir au-delà de la clientèle et des produits de base (autres segments clients, produits non bancaires).