L’adoption de la circulaire 19 G relative au provisionnement bancaire se fera progressivement pour ne pas bousculer le marché. Cette réforme a de multiples enjeux aussi bien pour les banques que pour les emprunteurs. Les détails avec Hiba Zahoui, Responsable de la Direction de Supervision Bancaire au sein de Bank Al-Maghrib.
EcoActu : Où en est la Banque Centrale en matière d’élaboration de la circulaire 19 G censée améliorer davantage le provisionnement des banques ? Quel est le timing de son application ?
Hiba Zahoui : La réforme de classification des créances et leur couverture par des provisions introduit de nouveaux critères de défaut et harmonise les critères d’identification des créances sensibles entre les différentes banques. Un projet de texte a été élaboré et a fait l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des opérateurs notamment en ce qui concerne le timing de son application. A l’issue de cette concertation, il a été convenu que son entrée en vigueur sera progressive pour ne pas induire d’impact négatif sur le financement de l’économie. Les délais et les modalités de sa mise en œuvre sont en cours d’étude avec les acteurs bancaires. Des consultations sont également prévues auprès du Conseil National de la Comptabilité et des commissaires aux comptes, au sujet des modalités de traitement comptable du 1er impact de la réforme.
Le marché est-il bien préparé pour son adoption ? Ou bien BAM attend-elle la publication des résultats annuels des banques au titre de l’année 2018 pour en décider ?
Pour affiner l’analyse des effets de la réforme de la classification des créances et de leur provisionnement sur le portefeuille de prêts et prendre en compte les difficultés et contraintes exprimées par les acteurs bancaires, plusieurs études d’impact ont été effectuées par Bank Al-Maghrib et un processus rapproché de concertation a été mis en œuvre avec la profession bancaire et les commissaires aux comptes. Aussi, les banques ont-elles été invitées à adopter des plans d’actions pluriannuels pour préparer l’entrée en vigueur de cette réforme, en particulier la mise en place de plans d’assainissement des dépassements persistants par rapport aux lignes autorisées et la mise en place de dispositifs appropriés pour la détection des critères de défaut et de watch list dans les systèmes d’information.
Ces actions vont devoir comprendre des programmes de sensibilisation de la clientèle des banques au regard des dépassements persistants ainsi que des mesures d’optimisation et rationalisation pour diminuer au maximum l’enveloppe de ces dépassements et partant l’impact final de la réforme.
Jusqu’à quel degré la circulaire en question pourrait-elle stopper ou affaiblir l’hémorragie des créances en souffrance ?
Il y a lieu de souligner que le rythme d’évolution du volume des créances en souffrance a nettement baissé au cours des trois dernières années (+4%), comparativement aux niveaux enregistrés au cours de la période 2010-2015 (+14%). La réforme de la circulaire a pour principaux objectifs d’élargir la notion du défaut en intégrant de nouveaux critères et d’introduire une nouvelle classe de risque intermédiaire dite « créances sensibles » permettant ainsi une meilleure gestion de ce risque avant la survenance du défaut et un assainissement des portefeuilles des banques.
Dans le même sillage, le provisionnement des créances suscite des appréhensions chez les banquiers dans la mesure où il ne cadre pas avec la méthode utilisée par la DGI. Ce qui se traduit par un impact sur les résultats. BAM a-t-elle saisi la DGI à ce sujet ?
L’alignement des règles de déductibilité des provisions avec les exigences de provisionnement édictées par la circulaire 19 G est une recommandation partagée avec le ministère de l’Economie et des Finances et la DGI par Bank Al-Maghrib et le secteur bancaire. Cette réforme devrait faire avancer les débats et les discussions à ce sujet.
Les crédits bancaires se sont accrus de 3,2% au terme de l’exercice 2018. Une hausse qui reste malgré tout insuffisante par rapport aux besoins sans cesse croissants de l’économie. La circulaire 19 G ne risque-t-elle pas de peser davantage sur l’évolution des encours de crédits ?
La réforme 19G a pour objet de renforcer la solidité des banques marocaines et de promouvoir des règles saines en matière de gestion de risque de crédit, en convergence avec les normes internationales.
Consciente des enjeux et des impacts d’une telle réforme, Bank Al-Maghrib est en train de prendre les dispositions nécessaires et de mener les études qui s’imposent pour assurer une mise en œuvre appropriée tant sur le plan des délais que sur celui des modalités.
Ceci étant, Bank Al-Maghrib s’est engagée, par ailleurs, à assurer aux banques toute la liquidité nécessaire pour le financement de l’activité économique.