L’obligation, par Dahir, des établissements publics de déposer leurs fonds au Trésor remonte aux années soixante.
La loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l’État reprend la même disposition au grand dam du secteur bancaire.
Abderrahmane Semmar, directeur de la DEPP, nous éclaire sur les enjeux de cette obligation qui suscite des interrogations.
La loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l’Etat sur les établissements publics et autres organismes dispose, dans son article 7, que sauf dérogation accordée par le ministre chargé des Finances, les fonds disponibles des établissements sont déposés au Trésor. De ce fait, une manne financière très importante échappe régulièrement au circuit bancaire qui pourtant joue un rôle crucial dans le fonctionnement global de l’économie. Aussi, faut-il rappeler que le système bancaire regorge de potentialités, et pas des moindres, telles que la couverture géographique, la modernisation des systèmes d’information, la multiplicité des produits offerts …, bref des atouts non négligeables qui permettent aux établissements bancaires d’irriguer le pays de ce flux vital qu’est l’argent. Pourquoi ne pas en profiter ?
Interrogé sur l’enjeu de cette disposition contenue dans la Loi 69-00, Abderrahmane Semmar, Directeur des Entreprises Publiques et de la Privatisation (DEPP) répond sans ambages : « Je tiens à préciser que contrairement aux entreprises publiques (sociétés d’Etat et filiales publiques), qui disposent d’une souplesse dans la gestion de leurs fonds et dans le choix des organismes bancaires pour leurs placements, les établissements publics ont l’obligation de déposer leurs fonds au Trésor ».
Et d’expliquer : « Cette obligation remonte aux années soixante avec la publication du Dahir n° 1-63-012 du 6 février 1963 concernant les conditions de dépôt des fonds disponibles des établissements publics et des sociétés concessionnaires et qui a été abrogé en 2003 par la loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l’Etat sur les entreprises publiques et autres organismes ». Cette obligation emporte notamment comme conséquence l’interdiction, pour les organismes concernés, de se faire ouvrir un compte bancaire.
En effet et selon les propos du directeur de la DEPP, l’objectif recherché à travers cette obligation est de contribuer à assurer plus de liquidité et de disponibilité au Trésor et ce, d’autant plus que les disponibilités de trésorerie de certains établissements publics sont à la base constituées du budget de l’Etat.
Mais cela n’empêche pas certains établissements publics d’ouvrir des comptes auprès de certains établissements bancaires. Faut-il rappeler que la Cour des comptes avait rappelé à l’ordre certains établissements publics qui ont ouvert des comptes bancaires sans l’autorisation du ministre des Finances.
Les établissements publics interdits de comptes bancaires sauf autorisation
S’agit-il d’une violation de la loi ? A priori non. « Ladite loi a prévu une dérogation du ministre chargé des Finances pour l’ouverture de comptes bancaires en dehors du réseau de la TGR, notamment lorsqu’il s’agit d’assurer des services bancaires personnalisés liés notamment aux opérations d’import ou d’export, de collecte de de fonds… », tient à préciser le Directeur de la DEPP.
Selon une source proche du dossier, effectivement l’argentier du Royaume peut autoriser les établissements publics à ouvrir des comptes, mais pas le dépôt de fonds dans ces comptes. A ce sujet, la loi n’est pas très claire parce qu’elle n’informe pas sur l’objectif d’ouverture des comptes s’ils ne sont pas alimentés.
Notre source reste pour autant convaincue de l’enjeu de déposer l’argent des établissements publics auprès du Trésor pour qu’en cas de besoin, l’Etat ne se retrouve pas à emprunter son propre argent moyennant des intérêts auprès du secteur privé, en l’occurrence le système bancaire. Mais elle nuance ses propos par un Trésor qui manque de moyens en matière de ramassage de fonds, de facilités de paiement à l’étranger, d’un système d’information performant… Ajoutons à cela que les dépôts auprès du Trésor ne sont pas tous rémunérés.
Dans un contexte d’ouverture et de libéralisation marqué par une rareté des ressources financières et par un endettement de plus en plus excessif de l’Etat, il s’avère plus judicieux de revoir cette obligation de dépôts des établissements publics qui date des années 60 en leur accordant, dans la mesure du possible, la latitude de déposer et de placer leurs fonds là où ils jugent opportun.
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