Pour le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Benchaâboun, l’apport des institutions internationales est un levier de développement qu’il faut accompagner par des partenariats public-privé pour la réalisation amplifiée des ODD.
Pour tous les pays membres de la BID, l’opportunité est la création de la valeur à partir du dividende humain.
EcoActu : Nous sommes à une dizaine d’années de l’horizon 2030, date de réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) tels que fixés par les Nations Unies. Pourquoi la Banque Islamique de Développement a attendu l’année 2019 pour élaborer une stratégie quinquennale orientée vers les ODD sachant que depuis quelques années, on remarque que les objectifs fixés sont loin d’être atteints dans nombre de pays membres ?
Mohamed Benchaâboun : Aujourd’hui, à un peu plus de dix années de l’échéance 2030, la préparation par le président de la BID de la stratégie de développement pour les cinq prochaines années s’inscrit dans le cadre de la stratégie globale du groupe Banque Islamique de Développement pour les dix années à venir qui coïncide avec l’échéance 2030. Ladite stratégie se base sur les leviers qui permettront à tous les pays membres de la BID d’aller ensemble vers la réalisation des Objectifs de Développement Durable tels qu’ils sont fixés par les Nations Unies. Ce qui a été retenu comme thème principal pour cette 44ème réunion annuelle de la BID, c’est d’abord de présenter cette stratégie qui s’articule autour de la réalisation des ODD, de voir tous ces changements qui s’opèrent dans le monde notamment en ce qui concerne la numérisation de l’économie, les évènements géostratégiques, la guerre commerciale, la volatilité des matières premières… essentiellement pour les pays membres. Les disparités énormes qui existent entre ces pays membres qui ont des niveaux de développement différents et qui n’évoluent pas tous dans les mêmes conditions d’environnement, font que les thématiques principales ont été déclinées en prenant en considération ce constat tout en essayant de voir comment ces pays peuvent-ils y parvenir ensemble pour le plus grand nombre d’entre eux.
A cette occasion, nous avons réuni les opérateurs économiques du domaine de privé afin de voir comment le partenariat public-privé, dans le cadre des relations avec la Banque Islamique de Développement, pourrait apporter une contribution nettement plus significative que par le passé. Si l’on s’appuie uniquement sur les financements des institutions internationales, c’est une goutte d’eau dans un océan de besoins. Il faut donc que l’apport des institutions internationales serve de levier moyennant des partenariats public-privé pour la réalisation amplifiée de ces objectifs. C’est l’une des thématiques, mais il y a d’autres side events organisés en parallèle pour examiner le comment de l’opérationnalisation de cette stratégie telle qu’elle a été présentée.
Dans votre présentation, vous avez évoqué les menaces et les changements qui guettent le Maroc mais vous obtempérez avec les opportunités qu’offrent le numérique, la robotisation… et qu’il faut absolument saisir. Comment la BID peut-elle coopérer avec le Maroc pour tirer pleinement profit de cette numérisation à multiples enjeux mais qui exige tout de même des budgets colossaux ?
Pour nous tous pays membres, l’opportunité c’est la création de la valeur à partir du dividende humain. Nous avons une population jeune… cette jeunesse si elle est bien éduquée, bien préparée, elle peut demain contribuer de façon forte à la création de valeur et d’emplois.
Cet axe de dividende démographique, si nous pouvons l’appeler ainsi, qui concerne beaucoup les pays membres de la BID est un vrai enjeu qui peut être considéré comme une chance extraordinaire parce que nous avons une jeunesse avide d’apprendre et de s’adapter à ces technologies. Et si on ne s’y prend pas correctement, cela risque de devenir pour nous un énorme boulet.
Le deuxième axe concerne les chances et opportunités créés par le domaine numérique. A ce titre, il faut savoir encourager l’innovation, les sciences et les technologies. C’est l’un des piliers de la stratégie de la BID.
Dans la stratégie quinquennale 2019-2022 de la BID, il est également question d’identifier les secteurs à valeur ajoutée où le Maroc jouit d’avantages comparatifs et ce pour une meilleure intégration aux chaînes de valeur mondiales comme ce qui a été fait dans l’expérience pilote du Gabon. Pouvons-nous avoir une idée sur les secteurs pouvant être identifiés dans un premier temps au Maroc ?
Il s’agit effectivement d’un des axes majeurs à savoir celui de voir comment s’articule la chaîne de valeur à l’échelle d’un pays, mais également à l’échelle régionale. Au niveau de la BID, la réflexion est de faire en sorte que la chaîne de valeur à l’échelle régionale puisse être envisagée dans le cadre d’une intégration globale pour créer le maximum de valeur ajoutée, d’emplois dans nos régions. L’ambition est d’ailleurs de créer 10 millions d’emplois.
Pour un pays comme le nôtre, à vocation agricole, nous avons les fertilisants autrement dit nous disposons de l’amont, nous avons les populations et nous avons le savoir-faire et bien entendu toutes les mesures déployées par le secteur public pour aider ce secteur. Il faut maintenant pousser encore plus loin dans l’intégration en aval pour que la chaîne de valeur aille jusqu’à la valorisation des produits de la terre.
Concernant le secteur industriel, un certain nombre de plans se sont succédé jusqu’au plan de l’accélération industrielle, avec à la clé la création d’écosystèmes … une façon d’identifier toute la chaîne de valeur avec une certaine complémentarité entre les différents intervenants et opérateurs économiques pour voir comment les grappes s’articulent dans les différents secteurs.
En somme, il faut identifier les secteurs où l’on peut déceler les gisements d’emplois, de richesses et construire des programmes sur lesquels ces institutions internationales telles que la BID aujourd’hui peuvent nous accompagner par des financements appropriés.
Une dernière question qui peut-être devra être également posée au président de la BID. Est-ce que le groupe Banque Islamique de développement dispose des indicateurs de performances pour faire le suivi et s’assurer de la finalisation comme il se doit des projets financés?
Effectivement, il faut poser la question au président de la BID. Toutefois, tout ce que je peux dire, c’est que le contrat-cadre signé par le Maroc avec la Banque mondiale englobe une partie liée aux résultats. Tous les programmes que nous menons seront assortis d’évaluations quantifiées qui feront l’objet d’un suivi pour s’assurer des projets pour lesquels les financements ont été déployés, si les raisons pour lesquelles les dossiers sont défendus sont toujours là et que les objectifs sont atteints.
Lire également : Banque Islamique de Développement : La nouvelle vision stratégique dévoilée à Marrakech