Après plusieurs mois de mutisme, les opérateurs pétroliers rompent enfin le silence.
Adil Ziady, Président du Groupement des pétroliers du Maroc (GPM), nie toutefois tout accord avec le gouvernement sur la négociation de plafonnement des marges.
EcoActu.ma : Après plusieurs mois d’attente empreints d’une polémique sur la hausse des prix des carburants, vous vous êtes enfin réunis avec le ministre des Affaires générales et de la gouvernance. Quelles conclusions tirez-vous de cette rencontre ?
Adil Ziady : Parmi les points évoqués lors de la réunion tenue avec Lahcen Daoudi, nous pouvons citer l’évolution des prix à l’international ainsi que le mode de calcul des prix à la pompe.
La discussion a également porté sur la baisse des prix à l’international enregistrée depuis un mois et qui s’est traduite par deux baisses et une 3ème entre 50 et 60 cts/L (selon les structures) qui est en cours de mise en œuvre par les opérateurs. Elle sera opérationnelle à partir du 1er décembre 2018. 3 baisses en 1 mois dont le cumul totalisera près de 1 DH.
Nous avons constaté que généralement les sociétés pétrolières changent leurs prix chaque 10 ou 15 jours. Je tiens à préciser que les prix à la pompe sont fixés par les gérants et non pas les sociétés. Certains, qui disposent de stocks importants, préfèrent soit différer la décision de la baisse soit ne pas l’appliquer en intégralité. Tout en sachant qu’ils ne peuvent pas rester trop chers, au risque de perdre des parts de marché.
Êtes-vous prêts pour entamer les négociations relatives au plafonnement des marges des prix comme annoncé par le ministre ?
Mais de quel plafonnement parle-t-on ? Il faut être cohérent dans la mesure où nous sommes dans un secteur libéralisé.
De deux choses l’une : soit on va réglementer les marges et revenir à l’ancien système (compensation), soit on doit rester sur la libéralisation et à ce moment on ne peut pas parler de plafonnement de marges.
La négociation du plafonnement des marges n’est même pas envisageable. Par contre le ministre veut instaurer un dialogue pour suivre l’évolution du secteur (prix, investissement…).
Malgré la forte polémique relative au prix des hydrocarbures qui a défrayé la chronique, les opérateurs pétroliers sont restés très discrets pour ne pas dire muets. Pourquoi le groupement des pétroliers décide de parler aujourd’hui ?
Nous avons décidé de rompre le silence parce que les opérateurs estiment qu’il y a un acharnement sur le secteur pétrolier qui, rappelons-le, est libéralisé comme le sont des centaines de produits commercialisés. D’autant, les prix au Maroc sont estimés d’après les Benchmarks internationaux comme les plus bas du pourtour Méditerranéen comparés aux pays non producteurs de pétrole.
Dans ce sillage, nous avons demandé au ministre de trouver d’autres sujets sur le plan politique (communication, parlement…) autre que celui des hydrocarbures.
Dans tous les cas, nous lui avons demandé de nous laisser travailler pour honorer nos engagements notamment ceux relatifs au développement des stocks stratégiques, à l’amélioration des conditions d’approvisionnement, au soutien des gérants en situation difficile compte tenu de la faiblesse des marges. Nous sommes aussi confrontés à la grogne des consommateurs lorsque les prix sont élevés étant donné qu’après la décompensation l’Etat n’est plus responsable de la fixation des prix.
Pas vraiment puisqu’on tire plus sur le gouvernement dans la mesure où il lui est reproché de ne pas intervenir pour rationaliser les profits…
Tout d’abord, concernant les baisses, elles ont été appliquées intégralement d’une façon systématique en fonction des formules de tout un chacun. Beaucoup de sociétés sont restées sur la formule fixée par l’Etat depuis une dizaine d’années à savoir la révision chaque 15 jours.
Par contre là où c’est problématique c’est lorsqu’il y a des hausses de prix à l’international que nous sommes contraints de répercuter.
Des hausses que les opérateurs n’ont pas pu répercuter ces derniers mois en raison de la grogne des consommateurs alors que le baril était passé de 40 à 86 dollars le brut.
Cette non-répercussion peut être considérée comme une compensation des profits colossaux générés par les opérateurs estimés à 17 Mds de DH dans le rapport de la Commission parlementaire relatif au secteur des hydrocarbures ?
C’est une honte de parler de 17 Mds de DH sachant que le secteur du carburant dans sa totalité dégage 4 Mds de DH.
Je tiens à préciser qu’aujourd’hui, après analyse des chiffres et du marché, les sociétés appliquent des structures de prix qui datent de 1997. Des structures totalement obsolètes et dépassées ne prenant compte ni de l’inflation ni de l’augmentation des charges. Il s’agit d’un retour en arrière à cause de la forte pression en période de forte hausse des prix à l’international. Autrement dit, nous sommes revenus à un niveau qui ne correspond pas à la réalité du secteur et encore moins aux investissements imposés par le ministère de tutelle dans le cadre du contrat-programme en l’occurrence faire face aux stocks stratégiques, rénover les réseaux, développer les capacités prévues…
Pour conclure, quelle appréciation faites-vous de l’ouverture du marché avec l’arrivée de 9 nouveaux opérateurs ?
Ces accords de principe accordés par le ministre de l’Energie sont une catastrophe pour le secteur. D’ailleurs nous comptons saisir le ministre pour plusieurs raisons. De prime à bord, il est à signaler que ces opérateurs ne sont pas des professionnels du secteur et du coup ne vont apporter aucune valeur ajoutée. Deuxièmement parmi les 9 pratiquement 6 ou 7 ont des problèmes avec la justice. Par conséquent, l’arrivée des opérateurs qui ont des pratiques douteuses va se rejaillir sur les autres opérateurs. Et c’est la moralité de tout le secteur qui sera remise en cause.