Interviewée par Lamiae Boumahrou |
En visite de travail au Maroc du 24 au 29 mars, la vice-présidente du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) en charge de l’Agriculture et du Développement humain et social, Beth Dunford, s’est réunie avec plusieurs hauts responsables marocains avec qui elle a abordé les priorités du nouveau modèle de développement (NMD) dans un contexte de relance post-Covid et de sécheresse. En voici les principales conclusions de ses rencontres.
EcoActu.ma : votre rencontre avec le Ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjâa, a porté sur plusieurs sujets. Concrètement, comment se déclinera la nouvelle vision de la BAD pour relever les défis liés aussi bien au NMD qu’à la sécheresse ?
Beth Dunford : Je souhaite avant tout remercier monsieur le ministre du Budget et ses équipes pour le temps et l’accueil qui nous ont été réservés. Le Maroc est membre fondateur de la Banque africaine développement. Actionnaire de poids à la Banque, il est notre premier partenaire sur le continent. Plus de 12 milliards de dollars investis dans plus de 170 projets stratégiques.
Nous avons longuement échangé sur les priorités du nouveau modèle de développement du Royaume. Il incarne l’ambitieuse vision de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI pour un développement plus durable et plus inclusif. Une feuille de route qui traduit de fortes ambitions dans des secteurs stratégiques comme l’eau et l’agriculture. Notre objectif est de renforcer l’accès à l’eau potable et consolider la résilience climatique de l’agriculture dans un contexte de sécheresse sans précédent.
Cette nouvelle vision est donc le nouveau cap donné à notre partenariat. Nous l’appuierons très activement en mobilisant plus d’un milliard de dollars sur les deux prochaines années. Et dans un contexte de relance post-Covid et de sécheresse persistante, nous interviendrons sur des thématiques de première importance telles que l’eau, l’agriculture, l’inclusion sociale, le développement humain, l’énergie et les infrastructures. Nous le ferons en initiant des projets et programmes à fort potentiel d’impact sur les territoires et les populations.
Au nom de la Banque africaine de développement, j’affirme mon engagement total à accompagner l’élan de développement impulsé par Sa Majesté Le Roi du Maroc. Un élan porteur d’une croissance durable et inclusive pour le Maroc et les Marocains.
La sécheresse notamment dans le domaine de l’agriculture a été au cœur de votre visite et de votre rencontre avec le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, Mohamed Sadiki. Comment dès lors assurer une agriculture résiliente dans un contexte marqué par une récurrence des sécheresses ?
Avec monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, nous venons de passer en revue l’ensemble des volets de notre partenariat et je l’en remercie. Une coopération exemplaire qui, sur la dernière décennie, s’est véritablement renforcée.
Ensemble, grâce à une convergence de vues et d’approches, nous avons contribué à faire évoluer le secteur agricole d’une logique de production à celle de la transformation, porteuse d’une plus grande valeur ajoutée et d’inclusion. Matérialisée plus récemment avec notre soutien à la vision « Génération Green 2020-2030 » : 114 millions d’euros pour déployer un nouveau projet d’adaptation climatique de l’agriculture marocaine face aux effets du changement climatique.
Ce bilan appelle donc une ambition encore plus forte. Surtout pendant cette période de grande sécheresse. Pour ce faire, nous avons décidé de redoubler d’efforts pour rendre l’agriculture marocaine encore plus résiliente, notamment à travers l’optimisation de la gestion des ressources hydriques. Nous allons également favoriser une approche de développement plus inclusive pour soutenir l’émergence d’une classe moyenne rurale, par la création d’emplois et l’appui aux jeunes et femmes entrepreneurs agricoles. Cela tout au long des chaines de valeur.
Aussi, et à bien d’égards, le Maroc fait figure de modèle en Afrique. Le Royaume a enregistré des progrès notoires dans la modernisation de son agriculture. Son expérience réussie, particulièrement en matière d’agropoles, est évidemment à partager dans le cadre d’une coopération Sud-Sud avec les pays africains.
La gestion des ressources en eau se veut désormais d’une première importance. Comment la BAD compte-elle accompagner le Maroc pour relever ce défi ?
Lors de ma rencontre avec monsieur le Ministre de l’Eau et de l’Equipement, nous avons longuement évoqué les sujets d’intérêt commun et je l’en remercie. Nous sommes aussi revenus sur l’excellente coopération qui nous unit, notamment dans le domaine de l’eau : plus de 1,2 milliard de dollars de financements depuis le début de nos opérations. Ce niveau d’engagement place la Banque africaine de développement parmi les premiers bailleurs de fonds dans ce secteur au Maroc.
Et cet engagement, nous venons de le consolider avec un financement de 88 millions d’euros. Objectif : contribuer à renforcer et à sécuriser l’accès à l’eau potable de millions d’habitants des villes et des localités rurales. Et de soutenir, plus largement, la déclinaison du nouveau modèle de développement du Royaume.
En cette période particulièrement marquée par le défi climatique et une sécheresse de grande ampleur, la gestion des ressources en eau est de la première importance.
Avec monsieur le Ministre, nous intensifierons nos efforts pour soutenir une meilleure répartition de la ressource à travers le territoire. Nous allons travailler davantage à attirer les investissements privés dans les projets structurants à travers des PPP ; dynamique que nous soutiendrons par le conseil, notamment dans les projets de dessalement d’eau. La préservation de la ressource sera également un axe de partenariat majeur qui mobilisera tous nos efforts pour parer à la sécheresse.