Le déficit budgétaire continue de se creuser. Face à la rareté des ressources, les dépenses évoluent de manière exponentielle. Faute de pouvoir se rabattre chaque fois sur la fiscalité, le recours à l’endettement est la seule issue. C’est une solution hélas à consommer avec modération.
Pour rester dans la mémoire des créanciers
Juste avant le Black Friday, l’Homme qui tient les cordons de la bourse au Maroc, accompagné de vieux loups de mer, et après un road-show couvrant les nec plu ultras des places financières, a obtenu un emprunt international d’un montant de 1 MMDH, à des conditions bon marché. A croire le récent rapport de la dette publique qui fait corps avec le PLF 2020, la dette extérieure publique à fin juin 2019 se chiffre à 337,80 MMDH dont 154,70 MMDH est au passif du Trésor. Le montant global de la dette se chiffre à 739,90 MMDH, soit 65,30% du produit intérieur brut (PIB). Pour certains, le pays est criblé de dettes. Mais, on ne meurt pas de dettes, on meurt de ne plus pouvoir en faire. En effet, l’importance de la dette se mesure en rapport avec les actifs et avoirs auxquels elle donne vie.
L’afflux massif des opérateurs internationaux à la souscription de l’emprunt montre que notre pays est riche et à plus d’égards. Il faut reconnaitre que parmi les avantages de la richesse, c’est qu’elle permet de faire des dettes. Le Maroc est riche ce n’est pas moi qui le dis. Plusieurs grandes agences de notation l’ont dit et ça tout le monde le sait. Seulement, le Maroc ne peut continuer à avoir le diable dans sa bourse. Par-dessus le marché, le pays ne s’endette pas sans bourse délier. En effet, le service de la dette extérieure publique s’est établi à fin juin 2019 à 14 MMDH. Ainsi, on s’endette, on taxe et on rembourse et l’argent fait la navette.
Le trio gagnant
Seulement pour que ce trio fonctionne à merveille, il faut que la croissance soit au rendez-vous. En effet, à défaut de croissance génératrice de richesse, seul gage des créanciers, ceux-ci tourneront le dos au Maroc. On ne doit pas omettre que le banquier vous prête son parapluie lorsque le soleil brille et vous le retire aussitôt qu’il pleut. En outre faute de croissance, les recettes fiscales ne seront pas à même de faire face aux échéances et les pouvoirs publics, de crainte de récession économique, ne pourront accentuer la pression fiscale. Le pays serait alors face au mur.
Il est donc légitime de s’interroger sur les liens de causalité entre l’endettement et la croissance économique.
Les optimistes
Nul ne peut ignorer que la dette extérieure permet de transfuser un sang neuf dans les veines de l’économie et d’installer un pacemaker stimulateur du cœur d’un corps brisé de fatigue. L’injection des fonds permettra de donner un coup de fouet à la demande publique, ce qui se traduira positivement sur l’investissement et l’emploi. Les revenus occasionnés par l’augmentation de la demande publique favoriseront sans aucun doute la consommation qui emportera dans son élan l’offre privée.
Et les pessimistes ?
Cette vague optimiste n’embarque pas tout le monde. Plusieurs refusent de se bercer d’illusions. L’endettement extérieur envoie un signal confus sur l’avenir. Aux yeux des ménages très avertis, l’État ne s’acquittera de ses dus que moyennant l’augmentation des impôts. Pour anticiper cette aggravation de la fiscalité, ils revoient à la baisse leur train de vie et affligent la consommation d’un coup fatal. Ils préfèreront épargner pour maintenir à terme leur niveau de vie intact. L’impact serait alors négatif sur la croissance jusqu’à présent bâtie sur la consommation.
Pour les entrepreneurs, actuels et potentiels, le surendettement amenuise la capacité du Maroc à se renflouer sur les marchés internationaux. Pour se rattraper, les regards seraient alors braqués sur la fiscalité. Le poids fiscal serait alors intolérable. Cette anticipation pessimiste ne sera pas alors en faveur de l’investissement avide de profits.
C’est un vrai dilemme et pour en finir le nouveau modèle économique et social doit lui consacrer un chapitre. Le Maroc ne doit pas vivre la vie de château aux ricochets de la dette notamment extérieure. Il est temps de rompre avec l’approche classique, où la dépense prime, en matière de budgétisation. Le Maroc est invité à être bien luné en matière budgétaire en fixant les dépenses en fonction des recettes et non l’inverse. Il ne faut surtout pas oublier que « Emprunter ne vaut pas mieux que Mendier ».