L’adoption, le 09 juillet 2019, par la 2ème chambre des conseillers, du projet de loi Takaful 87-18 modifiant et complétant la loi N°17.99 relative au code des assurances et introduisant l’assurance Takaful constitue un pas de plus dans la construction de l’écosystème financier participatif au Maroc. L’arrivée du tant attendu Takaful marque la naissance d’une nouvelle activité d’assurance et de réassurance aux côtés de l’assurance conventionnelle qui sera portée par des entreprises d’assurance et de réassurance Takaful (EART) constituées sous forme de sociétés anonymes, après obtention d’agrément de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS).
Justement concernant l’agrément et les conditions d’exercice, la loi sur le Takaful qui sera bientôt publiée au BO, a supprimé le principe de spécialisation, les EART peuvent être agréées pour pratiquer toutes les opérations d’assurance et de réassurance Takaful (vie, crédit, assistance autres opérations non-vie…), les compagnies conventionnelles n’étant pas habilitées à opérer à travers des fenêtres. Les réassureurs exerçant à titre exclusif la réassurance peuvent par contre être agréés pour pratiquer les opérations de réassurance Takaful à travers des fenêtres.
Dans ce sens, il est utile de rappeler que la loi 87-18 autorise les intermédiaires de l’assurance conventionnelle de présenter des opérations d’assurances et de réassurance Takaful pourvu qu’ils aient une personne qualifiée et dédiée pour le faire. De même que la loi prévoit l’exclusivité pour les banques participatives et les associations de micro-crédit agréées pour pratiquer la finance participative de présenter les opérations d’assurances Takaful. Avec l’espoir de contribuer à l’effort général pour une meilleure pénétration des produits d’assurance dans la société marocaine, pourvu que l’activité nouvelle puisse profiter d’une fiscalité adéquate. Mais c’est la DGI qui statuera sur ce point.
Actuellement l’ACAPS met les bouchées doubles pour préparer tous les textes d’application afférents à cette nouvelle activité, notamment le projet d’une circulaire sur la gestion des fonds d’assurance et de réassurance Takaful.
Cette circulaire prévoit, suite à la recommandation du CSO, que les EART qui veulent pratiquer à la fois les opérations d’assurances directes et de la réassurance doivent créer deux fonds séparés : Takaful et Rétakaful.
Le fonds Takaful regroupe cinq comptes distincts : un compte d’investissement Takaful, un compte d’investissement Takaful UC, un comte Takaful famille (Ass de personnes hors 1 et 2), un compte Takaful général (Toutes les opérations non vie hors Cat-Nat) et un compte Takaful Cat-Nat.
Le fonds rétakaful est réparti en trois comptes : un compte des acceptations marocaines hors Cat Nat, un compte d’acceptation étrangères et un compte d’acceptations Cat-Nat.
Le projet de circulaire prévoit la possibilité pour l’EART de créer d’autres catégories de comptes à sa demande conformément aux conditions et modalités fixées par l’Autorité.
Concernant les dispositions relatives au contrat d’assurance Takaful, elles prévoient l’obligation pour l’EART d’informer les participants de l’existence des excédents techniques et financiers dans des délais appropriés (maximum six mois après l’arrêté des comptes).
Le contrat d’assurance prévoit la répartition des excédents techniques et financiers selon les modalités prévues par le règlement de gestion (interdiction pour l’EART de recevoir une part des excédents). Contrairement à l’assurance conventionnelle, il n’y a pas de prescription des droits des participants.
Contrairement à l’assurance conventionnelle, le Takaful est soumis au respect des obligations sharaïques en matière de succession de don ou de testament lors de la désignation du bénéficiaire du contrats d’assurance Takaful famille.
Aussi, parmi les dispositions du contrat d’assurance Takaful figure la distinction entre la signature du participant du règlement de gestion du fonds d’assurance Takaful et la signature du contrat d’assurance Takaful à la souscription. Il est également stipulé dans le contrat d’assurance Takaful que le paiement du participant de la contribution est effectué sur la base de l’engagement de donation, sauf en ce qui concerne l’investissement Takaful.
Faut-il rappeler que le Takaful est un système d’assurance comme le conventionnel mais qui est basé sur un système d’entraide entre les participants que sont les assurés. Aussi, prévoit-il une séparation entre le fonds Takaful et la compagnie qui en est gestionnaire en contrepartie d’une commission.
Une chose est sûre: L’arrivée de cette activité permettra enfin aux banques participatives de souffler puisqu’elle couvrira les 6,5 milliards de DH de financement accordé, notamment le décès et l’invalidité dans le cadre de la Mourabaha immobilière qui représente 85 % de l’encours des crédits.
Encore faut-il pour les contrats d’investissement compléter la construction de l’écosystème. En effet, pour la gestion des actifs, il est nécessaire que le marché participatif de capitaux voie le jour puisque les nouveaux opérateurs qui auront leur agrément auront besoin pour les futurs placements d’instruments financiers participatifs (OPCVM participatifs, OPCI participatifs et d’un indice boursier participatif). Autrement dit, ils doivent être attentifs à ce que l’activité et le résultat financier soient Sharia compliant.