Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Depuis l’annonce de la révision de la loi 104.12 relative aux prix et aux libertés de la concurrence ainsi que la loi 20.13 relative au Conseil de la Concurrence en avril dernier, on n’en sait pas plus sur l’état d’avancement de ce chantier qui lie les mains du Conseil de la concurrence aussi bien sur le dossier de l’entente des prix des hydrocarbures que sur les autres. Aziz Akhannouch fera-t-il de ce dossier, dans lequel il est devenu juge, une priorité ?
Dans l’affaire de l’entente des prix des hydrocarbures, Aziz Akhannouch change de camp en passant du statut d’acteur impliqué dans ce dossier à celui de juge. Un paradoxe ? C’est le moins que l’on puisse dire.
En effet, A. Akhannouch hérite de son prédécesseur un dossier chaud qui non seulement a fait couler beaucoup d’encre mais a suscité, et continue de susciter, une grande polémique. Une boîte de pandore que le nouveau chef du gouvernement devra tôt ou tard ouvrir. Et pour cause, ce dossier dépend de 2 réformes fondamentales à savoir la révision de la loi 104.12 relative aux prix et aux libertés de la concurrence ainsi que la loi 20.13 relative au Conseil de la Concurrence.
Un Conseil qui, précisons-le, s’est retrouvé, une fois de plus, pris en otage, après une courte reprise d’activité, d’une réforme dont l’aboutissement est encore flou. Faut-il rappeler que suite à la remise du rapport de la commission ad-hoc chargée par SM le Roi de mener les investigations nécessaires à la clarification de la situation de l’entente sur les prix des hydrocarbures, le Chef du gouvernement sortant, Saad Dine El Otmani, avait confié, le 1er avril 2021 lors du conseil de gouvernement, la révision des 2 lois au secrétaire général du gouvernement ainsi qu’au ministre de l’économie, des finances et de la réforme administrative.
Malheureusement, 7 mois plus tard, nous ignorons toujours l’état d’avancement de ce chantier aussi stratégique. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le respect des règles de concurrence et le bon fonctionnement des marchés. Le risque est énorme. Et comme dit l’adage « quand le chat n’est pas là les souris dansent ».
Sauf que là le Conseil est bel et bien là mais avec des mains liées. Un blocage qui empêche cette institution d’exercer les pouvoirs qui lui sont définis par la Constitution à savoir veiller à l’organisation d’une concurrence libre et loyale, assurer la transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, des pratiques commerciales déloyales et des opérations de concentration économique et de monopole.
Or en annonçant la révision de la loi 20.13 relative au Conseil de la Concurrence, ce dernier n’a plus les prérogatives d’intervenir ni dans le dossier des hydrocarbures ni dans les autres dossiers. Le président du Conseil de la Concurrence a, lui-même, affirmé récemment dans une déclaration à un confrère que le Conseil ne touchera à ce dossier qu’après la révision de la loi. Et ce qui s’applique pour un secteur s’applique pour les autres.
Cette situation ne risque-t-elle pas de plonger encore cette institution vitale pour l’équilibre du marché dans une inertie ? C’est ce qu’appréhendent certains observateurs.
Certes il y a eu entre-temps le changement de l’Exécutif après les élections législatives du 8 septembre 2021. Mais cela ne devrait pas retarder plus que ça l’aboutissement de ces réformes stratégiques.
La balle est désormais dans le camp de Aziz Akhannouch qui devra activer les réformes mais aussi de la nouvelle ministre de l’Economie et des Finances Nadia Fettah Alaoui qui devra s’y mettre au travail afin de libérer le Conseil de la concurrence et doter le pays d’une loi sur les prix et les libertés de la concurrence à la hauteur de ses inspirations.
Toute la question est de savoir si Aziz Akhannouch en fera-t-il de ce dossier une priorité tout en restant neutre ? Car bien que le nouveau Chef du gouvernement ait annoncé son entier désengagement de la gestion de la holding familial Akwa Group, il en reste le propriétaire. L’exercice n’est pas facile certes. Mais Aziz Akhannouch devra faire preuve d’impartialité et être à la hauteur de la responsabilité et la confiance du Souverain mais aussi des électeurs.
Jusqu’à présent rien n’est clair sur la position du Chef de l’Exécutif par rapport à ce sujet. D’ailleurs aucune allusion n’est faite aux 2 réformes dans le programme gouvernemental. La seule référence est par rapport à la protection du produit marocain de la concurrence déloyale nationale et internationale.
Aujourd’hui Aziz Akhannouch n’est plus responsable que d’un secteur mais d’une nation qui a opté pour le changement et pour un Maroc meilleur. Sera-t-il à la hauteur des attentes ? Wait and see !