L’Initiative nationale de développement humain fête une année du lancement de sa phase III. Un anniversaire qui sera marqué par la tenue des Premières Assises de l’INDH ce jeudi 19 septembre à Skhirate. Un événement qui deviendra un rendez-vous annuel pour rendre des comptes de manière continuelle sur le niveau des réalisations des objectifs assignés et les programmes fixés sur la période 2019–2023.
L’occasion de mettre sous les feux des projecteurs qu’est ce qui a changé dans la méthodologie de travail pour cette phase III marquée par la nomination par le Roi Mohammed VI il y a plus d’une année de Mohammed Dardouri, Wali et coordonnateur général national de l’INDH, par rapport au passé et comment les programmes et objectifs ont-ils évolué pour réduire le gap entre stratégie et exécution.
En effet, depuis son lancement en 2005, l’initiative, qui avait pour premier objectif de réduire les disparités sociales et spatiales (Plus de 43.000 projets ont été réalisés) et, par ricochet, améliorer les indices de développement humain, n’a pas, malgré toute la bonne volonté et tous ces milliards de DH injectés, amélioré la position du Maroc dans les classements mondiaux.
Pour la phase III, autant dire que l’architecture même de l’initiative a été revue. Un travail sérieux a été fait, à coup de réunions, d’implication sur le terrain, de choix de partenaires à même de mener à bon port cette troisième phase qui se voit allouer un budget de 18 milliards de DH sur les cinq ans. Le mode de gouvernance et le pilotage ont également été revus pour plus d’efficience.
Autrefois basée sur une approche ascendante, l’INDH opère ainsi un changement de méthodologie et en établissant une nouvelle architecture des programmes mais également de leur suivi.
A commencer d’abord par le mindset. Ainsi, l’INDH investira dans le soft plutôt que dans le hard privilégiant les actions sur les aspects immatériels du développement humain. Autrement dit, le développement humain étant un élément subtil, travailler sur la qualité est préconisé.
Le cas des axes prioritaires de cette phase III que sont la santé de la mère et de l’enfant, et la petite enfance (de 0 à six ans).
D’ailleurs, il est à noter à ce niveau, qu’il y a moins d’une année, la Banque mondiale avait dévoilé son indice du capital humain dans lequel elle identifie la santé et l’éducation comme pierres angulaires du capital humain et comme leviers clés de contribution aux niveaux de productivité de la prochaine génération de travailleurs. Il permet aux pays d’évaluer le manque à gagner résultant de leurs déficits de capital humain, et dans quelle mesure ils pourraient progresser plus vite et transformer ces pertes en autant de gains en agissant dans l’immédiat.
En effet, suite à l’analyse des données et des « points noirs » qui freinent le développement humain du pays, il est évident que sans travailler sur l’amont rien ne sert de réaliser des actions palliatives ou curatives sur l’aval. L’idée défendue est de faire redémarrer l’ascenseur social en commençant par le début.
A eux seuls les indices de la mortalité infantile (néonatale : 13,58 décès pour 1.000 naissances vivantes et infanto-juvénile : 22,16 décès pour 1.000 naissances vivantes) et la mortalité maternelle (72,6 décès pour 100.000 naissances vivantes), et celui de la déperdition scolaire plombent le score du Maroc sur le plan international, et rendent toutes les actions, que ce soient des activités génératrices de revenus (AGR) ou d’inclusion économique précaires et non-pérennes.
Sur la base d’un diagnostic territorial, le choix a été fait pour cibler ces freins en balisant le terrain pour les générations futures tout en poursuivant les projets en cours de l’INDH (Une batterie de mesures correctives serait prévue sur les autres programmes, notamment sur le choix des projets, la chaîne de valeur…).
Cela passe par la prise en charge des femmes enceintes et des bébés dans les coins les plus reclus et les plus défavorisés du royaume. Selon un haut responsable, il ne s’agit nullement d’empiéter sur le travail du ministère de la Santé mais donner un coup de pouce certain vers l’amélioration des prestations et de la prise en charge en fédérant tous les intervenants locaux, que ce soit le public ou le privé en s’appuyant sur des partenaires associatifs stratégiques.
Il s’agit dans ce palier de réduire le déficit des services sociaux de base : naître dans de bonnes conditions, profiter d’un suivi médical et être prémuni contre les carences (15% des enfants de moins de cinq ans sont atteints d’un retard de croissance). Sur 680.000 naissances par an, le constat est effarant !
Sur le volet de la petite enfance, sur la population des enfants en âge de fréquenter les établissements préscolaires, seulement 48% sont effectivement scolarisés. Durant l’année scolaire 2016-2018, ce sont près de 700.000 enfants qui n’ont pas eu accès à l’enseignement préscolaire.
Comment dès lors y parvenir ?
L’INDH, par conséquent le ministère de l’Intérieur, ne vient nullement se substituer au ministère de la Santé, encore moins faire les doublons, mais accompagner le Plan Santé 2025. Sur ce volet santé de l’enfant, l’INDH, le Ministère de la Santé et l’UNICEF ont conclu un accord tripartite, principalement focalisé sur la lutte contre la malnutrition.
Dans le cadre de la Phase III de l’INDH, plusieurs établissements de santé médicalisés en continu bénéficieront d’un appui pour l’acquisition des ambulances et du matériel médical et biomédical nécessaire pour traiter les pathologies qui pourraient être évitées et qui influent sur les indicateurs de la santé et de la nutrition maternelle et infantile. Les différents travaux d’analyse menés avec le Ministère de la Santé ont permis d’identifier trois régions devant bénéficier prioritairement des mesures visant l’amélioration de la santé et la nutrition maternelle et infantile : Béni Mellal-Khénifra, Marrakech-Safi et Drâa-Tafilalet.
Faut-il aussi rappeler que l’accouchement en milieu surveillé est l’une des causes menées par l’INDH à travers les « Dar Al Oumouma ». Dans le cadre de l’INDH III une nouvelle génération de ces maisons de la maman est en phase de voir le jour sur la base du diagnostic de l’existant. L’une des nouveautés de cette phase III sera la mise en place de relais communautaires sur la base de la directive de l’Organisation mondiale de Santé de 2018.
Le Ministère de la Santé a défini cinq kits de matériel médical à acquérir par l’INDH pour équiper des établissements de santé et traiter les pathologies susceptibles d’être évitées et influant sur les indicateurs de la santé et de la nutrition maternelle et infantile. Globalement, dans les 14 provinces ciblées, un total de 596 des établissements de santé, répartis sur 51 cercles, sera équipé par l’INDH.
Pour le préscolaire, l’INDH ne vient pas marcher sur les plates-bandes du ministère de l’Education nationale, mais soutient l’objectif de la généralisation de la scolarisation des enfants âgés de 4 à 15 ans, à horizon 2030, à travers la signature d’une convention par les ministères de l’Intérieur et de l’Education nationale le 19 septembre 2018. Cette convention prévoit l’appui au préscolaire en milieu rural avec pour objectif la création de 10.000 nouvelles unités préscolaires et la mise à niveau de 5.000 unités déjà existantes. L’objectif est de généraliser, sur cinq années, le préscolaire, en créant chaque année 2.000 nouvelles écoles.
A la mi-septembre, un millier de nouvelles unités ont été créées dans les zones rurales les plus reculées (1.200 d’ici la fin 2019 sur la base d’une cartographie avec des relais écoles, collèges, lycées), pour accueillir 30.000 enfants âgés de 4 à 5 ans. Les contenus pédagogiques ont été élaborés conformément au cadre de référence et concernant les équipes pédagogiques, des conventions ont été signées aussi bien avec la Fondation Zakoura que la Fondation marocaine pour la promotion de l’enseignement préscolaire.
Le choix porté sur ces deux partenaires reposerait sur leur expertise et leur capacité à encadrer et mener ce genre d’activité à grande échelle avec une normalisation des procédures. D’ailleurs ce volet de préscolaire de l’INDH générera quelques 15.000 emplois. Les conventions signées avec les deux fondations prévoient d’ailleurs le recrutement et la formation des éducateurs est à la charge des fondations, à travers des contrats de travail conformément à la législation marocaine du travail, avec une préférence tout de même du recrutement local, l’éducateur ou éducatrice étant appelés à faire de la sensibilisation auprès des parents. Aussi, selon des sources proches, l’idée d’encourager l’auto-entreprenariat dans ce domaine fait son chemin, avec un prix de prestation de 50.000 DH.
Le ministère s’engage pour sa part à débloquer les financements nécessaires pour pérenniser ces projets et assurer la durabilité de ce dispositif. L’objectif étant non seulement de généraliser l’accès au préscolaire, c’est-à-dire des réalisations chiffrées, mais développer les compétences des enfants à l’issue du préscolaire pour garantir une scolarité améliorée (réduire la déperdition scolaire liée au niveau des élèves qui représente 32%) et par conséquent un meilleur développement humain. Chaque enfant inscrit dispose désormais d’un numéro Massar pour permettre de faire un suivi de sa scolarité et en tirer les leçons qui s’imposent.
Pour compléter ce cercle vertueux de développement socio-éducatif, l’INDH entend lutter contre la déperdition scolaire liée au niveau des élèves (90.000 élèves), puisque des cours de soutien seront accordés aux enfants grâce l’expérience pilote avec la Fondation Sanady, qui prévoit 2.000 élèves bénéficiaires du soutien scolaire chaque année en plus des 4.000 que la fondation accompagne. L’objectif est de trouver d’autres partenaires pour assurer une montée en nombre des bénéficiaires du soutien scolaire.
A noter qu’à partir de 2020, démarrera la construction des unités de préscolaires à raison de 2.000 unités par an. La réflexion est en cours sur les solutions de construction selon les spécificités de chaque village. L’INDH mènera ce chantier en s’appuyant sur l’Agence nationale des équipements publics.
Alors parmi les points épineux que l’on ne saurait négliger dans cette dynamique enclenchée par la phase III de l’INDH, la gouvernance et le pilotage occupent une place de choix.
En effet, assurer l’efficience et la pérennité des activités menées ne peut en aucun cas se limiter au bon choix des partenaires stratégiques. La prise de conscience de ce fait là s’est déclinée par un renouvellement de la gouvernance, avec des instances nouvelles réparties (206 chefs de cercle, l’équivalent de sous-préfets) sur tout le territoire national (14.000 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur). Elles assureront un suivi et une remontée d’informations au niveau du Board, comité de pilotage au niveau national composé de la trentaine de personnes qui travaille sur l’INDH mais qui sera élargi aux experts, aux membres de la société civile, le secteur privé, les bailleurs de fonds… L’idée est de mettre toutes les compétences et affinités au service de l’Initiative. Et au-dessus de cette chaîne de valeur un comité stratégique qui veille à la cohérence des programmes, qui formule des recommandations stratégiques et qui contrôle le bon déroulement du programme pluriannuel de développement humain, toile de fond, sur lequel tout intervenant s’engage avec des objectifs précis et des délais bien précis.
L’idée de cette organisation est d’intervenir rapidement lors de la survenue de problèmes divers qui entraveraient la bonne marche de l’initiative.
Aussi, un Institut de Développement Humain sera-t-il créé avec pour missions de former les acteurs de cet écosystème, soutenir la recherche en matière de développement humain et apporter du soutien méthodologique et d’innovation aux porteurs de projets. En plus des assises qui se tiendront annuellement pour informer le grand public de l’état d’avancement de cette initiative. Pour synthétiser, l’INDH dans sa phase III préconise une convergence de l’action publique avec une mutualisation des ressources et un tableau de bord intégré qui permettra de mesurer la performance opérationnelle à tous les niveaux.
Avec comme trame de fond la priorisation de la convergence des actions vers le nouveau modèle de développement du pays.
Résolument, à la lumière de tous les éléments dont on dispose, le chemin de l’INDH III commence là où s’arrête celui des autres départements publics pour bâtir sur des bases solides l’avenir des générations futures pourvu que le dynamisme actuel, la bonne volonté, la rigueur et la cadence soient maintenus.