Les pouvoirs publics n’imaginaient pas qu’un tel scénario pourrait se produire un jour. Du coup, ils n’ont pas beaucoup investi dans le système de santé. Et pourtant chaque année, il y a un virus qui apparaît avec toutes les conséquences désastreuses sur le plan économique et sanitaire.
Au cours des dernières années, le budget alloué à la santé a emprunté un rythme ascendant pour faire face aux besoins sans cesse croissants de la population. En guise de rappel, dans le souci d’assurer une croissance inclusive, le Souverain a exhorté les pouvoirs publics à accorder une attention particulière à la population vulnérable, en réduisant les disparités sociales et spatiales. Le Souverain a par ailleurs insisté sur la mise en place de mécanismes de protection sociale essentiellement dans le domaine de la santé.
L’offre disponible
Depuis, des mesures ont été introduites dans les dernières Lois de Finances et le budget alloué à la santé s’est amélioré. Pour quels résultats ? L’éclatement de la pandémie Covid-19 et sa propagation à l’échelle mondiale sollicitant, aujourd’hui plus que par le passé l’offre sanitaire disponible, a mis à nu notre système de santé. En effet, bien que les propos du ministre de la santé Khalid Ait Taleb se veulent rassurants quant à la capacité litière, les citoyens appréhendent le scénario catastrophe au cas où le nombre de cas testés positifs au coronavirus augmente.
Le ministre a estimé que la capacité actuelle des lits est suffisante pour prendre les cas testés positifs, en précisant que le pays dispose de 1.640 lits de réanimations : 684 dans le secteur public de la santé, 504 dans le privé, 70 dans le secteur militaire et 130 lits les centres de soin d’utilité publique. De quelle suffisance le ministre parle-t-il face à une population de l’ordre de 35,6 millions d’habitants selon les dernières estimations du HCP ? D’aucuns plus rationnels diront que même les pays développés se trouvent dépassés par les ravages de la pandémie Covid-19 et qu’à toute situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles.
Nous en convenons, mais disposer d’une telle capacité litière à l’aube du 21ème siècle révèle les dysfonctionnements et le laisser-aller de nos politiques qui ne cessent de se renvoyer la patate chaude. D’ailleurs sous l’ère de Benkirane, il était même question que les pouvoirs publics lèvent le pied sur l’investissement dans le domaine de la santé et même l’éducation.
Quid de l’investissement ?
L’analyse des budgets alloués au fonctionnement et à l’investissement sur la période 2012-2020, montre que ces derniers n’augmentent pas d’une manière proportionnelle aux besoins de la population qui évoluent d’une manière exponentielle.
Les dépenses relatives à l’investissement dans le secteur de la santé sont passées de 3,13 Mds de DH en 2012 à 7,35 Mds de DH en 2020 (Voir tableau).
Au cours des trois dernières années, lesdites dépenses se sont respectivement établies au cours des années 2018, 2019 et 2020 à 4,65 Mds de DH, 6,75 Mds de DH et 7,35 Mds de DH. Les budgets relatifs au fonctionnement ont été de l’ordre de 12,24 Mds de DH, 13 Mds de DH et 15 Mds de DH respectivement au cours des trois dernières années.
Du côté des ressources humaines, on note un recrutement de 2000 postes en 2012 et 4000 en 2020. Au cours des trois dernières années, le nombre des postes créés est resté quasiment stable, soit 4.000. Toutefois, il est à noter que l’effectif annoncé correspond dans plusieurs cas au remplacement des départs qu’a connus le secteur pour différentes raisons (départ à la retraite, migration vers le privé…).
Ces chiffres que ce soient les emplois ou les dépenses afférentes au fonctionnement ou à l’investissement restent insuffisants face non seulement à la hausse démographique constatée chaque année (voir tableau) mais également à la prolifération des épidémies qui s’est accentuée au cours des dernières années. Les alertes de l’Organisation mondiale de la santé sur l’apparition de nouvelles épidémies sont malheureusement tombées dans l’oreille d’un sourd. Les pouvoirs publics n’imaginaient pas qu’un tel désastre s’abattrait un jour sur le pays. Et pourtant chaque année, il y a un virus qui apparaît avec toutes les conséquences désastreuses sur le plan économique et sanitaire. Le Maroc ayant toujours échappé aux récentes pandémies, s’est tout simplement endormi sur ses lauriers. Preuve en est, en instaurant un fonds de solidarité contre les événements catastrophiques appelé communément FSEC liés à la nature ou à l’homme, les pouvoirs publics n’ont pas pensé y intégrer la couverture contre les pandémies.
Aujourd’hui, avec la pandémie de Covid-19, le Maroc est appelé, de la manière la plus cinglante qui puisse être, à revoir sa copie notamment en ce qui concerne son système de santé qui souffre de plusieurs maux. Il serait également judicieux de mettre en place un fonds spécial à l’instar du FSEC dédié à la pandémie. Comme l’a si bien dit l’économiste Ludovic Subran, dans les prochaines années, la pandémie occupera le premier rang dans le baromètre des risques.