La fiscalité locale contribue à la couverture des dépenses engagées par les collectivités locales. Dans l’objectif de sécuriser et pérenniser la recette, l’essentiel de cette fiscalité est assis sur le patrimoine. L’excès de sécurité nuit au consentement des redevables à l’impôt. La réparation s’impose et doit épouser la sécurité à la réalité économique.
Fiscalité locale : trop de taxes
Au fil des années, les collectivités locales se sont vues assignées des missions de plus en plus importantes. Pour la couverture des dépenses occasionnées par ces attributions, on recense cinq modes de financement. Il s’agit des recettes fiscales, du concours de l’Etat à travers notamment la fiscalité transférée, des redevances perçues en contrepartie de prestations, des recettes des domaines et des emprunts.
Le poids des impôts locaux dans l’ensemble des recettes des collectivités locales reste pratiquement stable et franchit peu ou prou le seuil de 25%. Sans vouloir dresser une comparaison, en France ce taux s’est établi à 36% en 2016.
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Apres la fusion des taxes locales énumérées dans la loi 30-89 et celles prévues par la loi 47-06, on en dénombre pas moins de 36 taxes et redevances. Un vrai mille-feuille fiscal. La catégorisation de ces taxes permet d’identifier trois blocs : les taxes assises sur le patrimoine, les taxes appliquées aux flux économiques et en fin les taxes grevant les dépenses.
Fiscalité locale : le patrimoine assise chérie
Force est de constater que la fiscalité des collectivités locales au Maroc est une fiscalité essentiellement patrimoniale. Ainsi, les recettes générées par, la taxe professionnelle, la taxe des services communaux, la taxe d’habitation et de la taxe sur les terrains non bâtis représentent en 2018, 76,88 % des recettes fiscales des collectivités locales hors fiscalité transférée.
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Nous partageons cette tendance avec la France qui adopte peu une fiscalité locale assise sur le revenu. Les voisins européens de la France, comme l’Espagne et l’Allemagne, privilégient une fiscalité centrée autour des revenus.
L’application de la loi de Pareto conduira donc à une restructuration du panier fiscal des collectivités locales. Il serait question d’euthanasier certaines taxes sans rendement significatif, pis encore elles génèrent des frais de recouvrement considérables.
Le patrimoine : pourquoi autant d’amour ?
Ce n’est pas sans raison que le législateur au Maroc s’est fixé sur le patrimoine comme essentiel générateur de la fiscalité locale. En effet, outre la facilité de le localiser à l’intérieur du territoire, le patrimoine constitue une base sûre de fiscalisation qui procure plus de visibilité et de stabilité au financement des collectivités locales. Du moment que la valeur du patrimoine ne cesse d’évoluer à la hausse, les collectivités locales sont certaines de voir leurs recettes fiscales évoluer dans le même sens. La fiscalité locale bâtie sur le patrimoine épargne aux collectivités locales de subir les effets négatifs des bouleversements de l’activité économiques. Elle leur permet donc d’être à l’abri des mouvances économiques qui mettront en péril leurs finances. En d’autres termes, la fiscalité par le patrimoine confère la sécurité. Cet acharnement sur le patrimoine, sous prétexte de la sécurisation des ressources, n’est pas vu d’un bon œil par les redevables : ménages et entreprises. A leurs yeux, les collectivités locales n’ont cure de la situation économique des redevables. Leur non consentement à la fiscalité locale s’accentue d’avantage en présence de distorsions énormes entre les contributions et les prestations. Les revendications des opérateurs économiques dans l’objectif de réparer cette injustice n’ont jamais cessé. Mais quand on a affaire à la justice, il faut s’armer de patience.
Le changement… difficile le changement !
Les entreprises, les ménages doivent encore attendre, ont pu décrocher, lors des dernières assises de la fiscalité, un engagement du ministère de l’économie et des finances pour revisiter de fond en comble la taxe professionnelle. Les recommandations définitives desdites assises traitent du remplacement de la Taxe Professionnelle frappant actuellement l’investissement, par une taxe qui repose sur le critère de l’activité économique. Comme on peut pas réinventer la roue, le législateur adoptera une copie, on l’espère non amochée, de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises qui à son tour remplacé la défunte taxe professionnelle en France. L’abandon de la taxe professionnelle n’est pas une mince affaire. Il s’agit d’une recette de l’ordre de 2,673 MMDH en 2018, à laquelle les collectivités locales ne sont pas prêtes à y renoncer. En effet, avec un changement sans impact sur le substantiel, la pression fiscale sera une tromperie qui se démystifiera au fil des jours.
C’est un vrai dilemme. Mais, comme l’a si bien dit Nicolas Machiavel : « En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal.». il y a lieu de faire un compromis entre la sécurité du financement des collectivités locale et la réalité économique. Une fiscalité juste ne doit pas s’attaquer à la richesse mais aux flux qui sont générés par cette richesse. S’attaquer de façon continue au patrimoine constitue une exécution sans pitié de l’initiative et de l’investissement.