Tout récent à l’international, l’achat éco-responsable est nouveau au Maroc. De par leur importance, les achats responsables sont considérés comme un outil de prévention de risque. En marge du Forum organisé mardi 25 juin par RSO sur les achats éco-responsables, Meriem Bennis, Directeur Associé de Efficience Conseil éclaire sur les enjeux des achats éco-responsables dans un contexte en mutation.
EcoActu.ma : Aujourd’hui, on parle de plus en plus d’achats verts, solidaires, éco-responsables. Toutefois, le distinguo entre ces qualificatifs reste difficile à discerner. Pouvez-vous nous dire qu’entend-on exactement par les achats éco-responsables ?
Meriem Bennis : L’Achat éco-responsable consiste à intégrer l’environnement dans les décisions liées au processus d’achat, depuis la pré-qualification des fournisseurs, la définition du besoin jusqu’au choix des offres. La dimension environnement de l’Achat éco-responsable constitue l’un des aspects de la décision, avec les coûts, les délais, la qualité et la sécurité. Cette démarche vise à recourir à des approvisionnements (produits et prestations) plus respectueux de l’environnement. Elle va dans le sens d’une gestion responsable et citoyenne des achats.
Les achats solidaires vont plus favoriser la collaboration avec des coopératives en apportant le soutien technique nécessaire ainsi que le « le prix juste ».
La réussite de la RSO passe par un travail étroit entre les acheteurs et les responsables RSO. Dans un tissu économique composé majoritairement de PME qui ont des difficultés à décrocher des bons de commande, jusqu’à quel degré cette collaboration est-elle réalisable et réaliste ?
La collaboration entre l’acheteur et le responsable RSO est un facteur de succès de mise en place d’achats responsables. Bien que le projet reste piloté par l’acheteur, le responsable RSO peut lui fournir l’assistance technique dans la mise en place de la feuille de route ainsi que la cartographie des risques RSO achats.
Les deux peuvent travailler ensemble dans la priorisation des enjeux RSO sur la base des catégories des produits et prestations achetés. Le RSO joue le rôle de guide.
Ce travail d’équipe permet d’élaborer un process de référencement fournisseurs qui donne un meilleur accès aux PME / TPE. D’ailleurs, l’encouragement des petites structures locales constitue en soit un des piliers des achats responsables. Cette ouverture aux TPE/PME se fait à travers des programmes de progrès qui accompagnent les fournisseurs concernés dans une démarche d’amélioration de la qualité de la prestation fournie selon les exigences du client, donneur d’ordre.
La mise en place d’écosystèmes locaux permet l’amélioration de l’économie nationale et apporte par la même occasion une compétitivité économique pour l’entreprise.
Lorsque ces TPE s’assimilent à des startup, cela constitue un avantage additionnel pour l’entreprise. En effet, l’open innovation intègre la collaboration avec des fournisseurs innovants.
A ce titre, le process de collaboration est adapté, incluant des phases pilotes et des ‘POC’. De même, le risque est évalué sous forme d’un indice et des actions d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves.
Quant à la mise en place des achats responsables au sein des PME même, il existe des guides dédiés aux petites structures qui permettent d’appliquer les principes des achats responsables de manière simplifiée et adaptée.
A juste titre, vous avez laissé entendre qu’au Maroc parler des achats responsables est encore prématuré et qu’il est plus souhaitable de commencer par la conformité. Cela veut-il dire que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir au Maroc ?
En effet, le sujet est nouveau au Maroc et relativement récent à l’international. La communauté des dirigeants achats marocains s’est réunie avec les responsables RSO le lendemain de la sortie internationale de la norme ISO 20 400 lors du Smart and Green Purchasing Lab organisé par Effiscience Conseil en Mai 2017. Lors de la dernière édition organisée par le Purchasing Leaders Club en partenariat avec SAP Ariba en Juin 2019, des bonnes pratiques liées aux achats responsables ont été évoquées. Ainsi, la mise en place de charte achat responsables intégrant les engagements mutuels entreprises et ses fournisseurs, dans le cadre d’une feuille de route dédiée démontre de la prise de conscience des entreprises du concept au Maroc.
Par ailleurs, la conformité constitue une priorité à travers notamment la digitalisation du process achat pour apporter plus de transparence et d’égalité des chances aux fournisseurs.
En 2018, une étude qualitative a été menée par Effiscience Conseil, en partenariat avec Buy Your Way, cabinet spécialisé dans les achats responsables, à la demande de l’ORSEM et sous l’égide de l’OBSAR (Observatoire des achats responsables en France ). Les résultats préliminaires montrent que les pratiques des achats responsables portent essentiellement sur les principes de HQE et droits sociaux à assurer par les fournisseurs notamment sous-traitants auprès de leurs collaborateurs, des optimisations de consommation en l’occurrence des produits de reprographie et des programmes d’efficacité énergétiques.
Néanmoins, des pratiques pionnières relatent des formations de fournisseurs telles que des séminaires anti-corruption ou des « mouvements » pilotés par les acheteurs auprès des communautés locales cas du programme act4community de l’OCP, et enfin la gratification des fournisseurs modèles.
Le partage des expériences à travers les communautés de managers achats et responsables RSO est un levier de montée en maturité des pratiques à l’échelle nationale de même que la mise en place d’une démarche structurée et réfléchie.
Aujourd’hui le débat sur la problématique des délais de paiement est intense. Cette problématique peut-elle être considérée comme un maillon de la chaîne d’un achat éco-responsable ?
Cette problématique constitue pour le Maroc un axe de travail important et prioritaire pour l’entreprise. En effet, certaines entreprises ont choisi de lancer le chantier d’amélioration du délai de paiement en le mesurant et communiquant officiellement dessus. Ce type d’indicateur auquel le tissu économique est sensible figure sur le rapport de développement durable des entreprises qui consacrent un chapitre aux fournisseurs en tant que partie prenante à part entière. D’ailleurs ce type de rapport est devenu une exigence par certaines bourses internationales. En effet, les achats responsables sont considérés au-delà de la dimension citoyenne un outil de prévention de risque.