Vendredi 9 février 2018, un tournant important pour les secteurs de la santé et de la Recherche Biomédicale au Maroc. Le Colloque National, organisé par l’association LEMM (Les Entreprises du Médicament au Maroc), a rassemblé l’ensemble des autorités marocaines et d’éminents chercheurs internationaux et nationaux.
Cet évènement fut l’occasion d’identifier les leviers d’activation d’une industrie de la Recherche Biomédicale au Maroc avec comme finalités : l’accès et l’amélioration de la qualité des soins, le transfert des connaissances et des technologies, la création d’emplois, l’attractivité des investissements, l’innovation et le rayonnement de la communauté scientifique nationale. 70 recommandations ont ainsi été identifiées à l’issue du Colloque. Depuis, trois commissions ont été constituées sous l’égide du ministère de la Santé et de nombreux ateliers de travail ont été organisés pour leur mise en œuvre.
Pour rappel, la Loi n° 28-13 relative à la protection des personnes participant aux Recherches Biomédicales, a été promulguée en 2015. Le Pr Farid Hakkou, rapporteur des Commissions de travail et Président du comité d’éthique pour la Recherche Biomédicale à la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca, nous affirme, dans une interview, que les commissions en charge du chantier réglementaire ont finalisé les textes d’application de cette Loi : « Les commissions ont remis officiellement ces textes au ministère de la Santé le 11 juillet 2019 ».
Entre temps, la COVID-19 est venu mettre un coup d’arrêt à cette dynamique, laissant la priorité à l’urgence sanitaire et la gestion d’une crise nationale inédite. Cette dernière a d’ailleurs fait jaillir de nouveaux besoins prioritaires.
« Le Maroc a fourni beaucoup d’efforts sur plusieurs plans pour le développement de la recherche biomédicale. L’opérationnalisation du cadre réglementaire et législatif donnera le top départ au développement du secteur de la R&D surtout quand on examine les différents atouts de notre pays », insiste Pr Amine Mohamed, Professeur d’Epidémiologie et de Santé Publique à la Faculté de Médecine et de Pharmacie – Université Cadi Ayyad – et Chef de service de Recherche clinique – CHU Mohammed VI Marrakech.
Et d’ajouter « la publication des textes d’application de la loi relative à la Recherche Biomédicale, dans son versant éthique, et l’accélération de la consolidation de la mise en place des comités d’éthique restent des préalables incontournables qui vont impacter positivement le développement de la Recherche Biomédicale dans notre contexte ».
Au niveau mondial, 11.000 nouvelles études cliniques sont initiées chaque année, avec une croissance provenant essentiellement des pays émergents. Grâce à des échanges entre le monde industriel et celui de la recherche, le développement d’un réseau d’investigateurs, la promulgation de lois claires et non contraignantes et un programme de sensibilisation de la population pour la participation aux études cliniques, ces pays ont vite obtenu des résultats qualitatifs.
Le Pr Chakib Nejjari, Président de l’Université Mohammed VI des Sciences de la Santé, souligne à cet effet que « dans le domaine biomédical, le Maroc doit s’inspirer des traditions d’innovation et d’excellence mises en œuvre sous d’autres cieux (Turquie, Corée du sud, Ukraine, Malaisie, etc…) en s’appuyant sur son capital humain aux compétences internationalement reconnues. La finalité est d’accélérer le bénéfice des recherches au service du patient et de la population et favoriser une logique de résultats par la valorisation de la recherche conduite (brevets, start-up innovantes)».
Et d’ajouter « à titre d’exemple, la recherche clinique permet de fournir des preuves pour établir l’efficacité et la qualité d’une méthode de diagnostic, de traitement, ou à la prévention d’une maladie. C’est une recherche à forte valeur ajoutée et qui est à notre portée. A titre d’exemple, l’Ukraine a pu attirer, ces dernières années, une grande activité de recherche et développement internationale. Près de 400 études cliniques sont ouvertes par an, générant des investissements de l’ordre de 150 millions de dollars, prenant en charge près de 50.000 patients, sans compter les milliers d’emplois créés. La pandémie dans laquelle on se trouve aujourd’hui montre à quel point le développement de la recherche biomédicale est stratégique sur le plan de la prévention, du dépistage, du diagnostic et de la prise en charge des patients, outre l’enjeu économique ».
Les autorités marocaines sont historiquement, et aujourd’hui politiquement, convaincues de l’importance de la recherche biomédicale dans la réforme du système de santé. Plus que jamais, le Maroc gagnerait à accélérer la machine d’adoption des décrets d’application de la loi n° 28-13. C’est ainsi que le Pr Chakib Nejjari conclut : « L’état doit continuer à jouer son rôle de facilitateur. Seule l’amélioration de l’assise réglementaire et juridique pourrait impacter positivement l’écosystème ‘innovation, recherche biomédicale et industrie de la santé’ ».