Les débits de boissons sont sujets à un régime fiscal très onéreux et plus contraignant. Ils sont également victimes de choix fiscaux, notamment en matière de TVA, opérés, dans la méconnaissance des dispositions légales, par une société qui truste le marché des boissons alcoolisées et vins.
Le début c’est toujours un rêve !
Dans la nuit du 24 au 25 du mois de décembre courant, alors qu’il dormait à poings fermés, un grand hôtelier de la ville ocre, a reçu, dans ses rêves, la visite du père Noël. Intervenant hors de son périmètre, l’Homme à la luge tendit un coffret au rêveur. En ouvrant la surprise, ce dernier y découvrit la dive bouteille, une loupe, la bible avec comme sous-titre CGI, et une facture. Revenant parmi les vivants, le cœur battant la chamade, les interprétations du rêve commencent à se bousculer dans son esprit encore brouillé par la scène du rêve voire du cauchemar.
Qui sait !
La loupe associée à la facture et au Code Général des Impôts mène droit vers l’hypothèse d’un éventuel contrôle fiscal. Se rappelant de la trêve amorcée par les dispositions de la loi de finances 2020, cette supposition est vite balayée. Pour l’aider à démêler ce mystère, notre sujet prend attache avec un onirologue. Apres avoir rappelé que le père Noël n’est jamais porteur de malheur, l’expert des rêves précise que le cadeau est dissimulé dans les factures du fournisseur des boissons alcoolisées. Pour le toucher, il est recommandé de scruter les factures émises par ce dernier à la loupe et à la lumière des dispositions du Code Général des Impôts.
Le monopole donne le pouvoir
Les contrôles menés sur les factures émises par la firme, qui truste les marchés des boissons alcoolisées et se présente comme le premier biérologue et zythologue du pays et constituant le sommelier du Maroc, débouchent sur un constat à dormir debout.
En effet, la société en question soumet la livraison de vin et des boissons alcoolisées à taux de la taxe sur la valeur ajoutée de 20%. Or, le Code Général des impôts en dispose autrement. L’article 100 dudit Code précise que : « …les livraisons et les ventes autrement qu’à consommer sur place, portant sur les vins et les boissons alcoolisées, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au tarif de cent (100) dirhams par hectolitre…. ». L’application de ces termes sur les factures de notre hôtelier relève une exagération de taille au titre de la taxe sur la valeur ajoutée facturée. Le cadeau étant dévoilé, mais sa récupération effective n’est pas une mince affaire. La victime de l’exagération doit mettre en avant les règles de l’enrichissement sans cause et de la prescription pour faire valoir ses droits.
Il est certain que cette surfacturation ne permettra, normalement, aucun avantage substantiel pour ladite société dans la mesure où elle reste redevable de la taxe sur la valeur ajoutée effectivement facturée bien que cette dernière ne soit assise sur aucun support juridique. En effet, l’article 119 du CGI dispose que : « ….toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures qu’elle établit en est personnellement redevable du seul fait de sa facturation ». Abandonner le taux de TVA spécifique et l’application du taux de TVA de droit commun, à savoir 20%, se traduira peut être par un flux financier mais in fine toute la TVA facturée et collectée sera remise entre les mains du percepteur. Pour les amateurs des chiffres, et au titre des neufs premiers mois de l’année 2019, la TVA effectivement facturée au titre des vins et des boissons alcoolisés est estimée à 280 millions de dirhams, alors que la TVA devant être facturée compte tenu du taux spécifique est estimée à 120 millions de dirhams, soit un surplus facturé devant alimenté les caisses de l’Etat de 160 million de dirhams.
Ce n’est pas fini !
Pourquoi alors cette société fait obstacle à l’application d’une disposition légale et quel avantage en tire-t-elle ?
Les investigations ont conduit au fait que la société en question procède à la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les achats affectés aux opérations de vente et de livraison des boissons alcoolisées et du vin. Or, cette déductibilité est prohibée par les dispositions du CGI. En effet, l’article 106 du Code précise que : « n’ouvre pas droit déduction, la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe ayant grevé : ….les opérations de vente et de livraison portant sur les produits, ouvrages et articles visés à l’article 100… ». Inutile de rappeler que parmi les articles énumérés dans l’article 100, on note la présence des vins et des produits alcoolisés.
Maintenant, la situation est on ne peut plus claire. la société a choisi le taux de droit commun pour sauvegarder le droit à la récupération. seulement, elle oublie que le droit fiscal n’est pas un mall où on fait ses emplettes.
Ce n’est pas de la petite bière !
Le comportement fiscal de cette société conduit certainement mais indûment à renflouer les Caisses de l’Etat mais également à optimiser ses coûts et à améliorer sa compétitivité. Les conséquences se font alors sentir sur ses résultats et, par ricochet, sur la rémunération des capitaux. Seulement, son attitude nuit aux intérêts des exploitants des débits de boissons alcooliques et aux autres distributeurs. En surimposant ses articles, la société en question donne naissance au butoir dans la mesure où les ventes à consommer sur place de ces mêmes articles, sont taxés seulement à 10%. En outre, cette surfacturation constitue une ponction sur la trésorerie de ces exploitants.
A l’occasion du nouvel an, la société est invitée à faire amende honorable auprès de ses relations commerciales et de procéder éventuellement à la réparation des préjudices, du moins financiers, qu’elle leur a causés.