« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit »[1]
Les droits de l’Homme et les libertés fondamentales représentent un patrimoine juridique commun de l’humanité, qui constitue quant à lui, l’un des fondements essentiels des sociétés démocratiques.
Une démocratie ne peut d’ailleurs exister que si elle pratique effectivement la reconnaissance, la mise en œuvre et le respect des droits de l’Homme ou des droits humains pour prendre la traduction littérale du vocabulaire des Nations Unies [2].
Le Maroc a enregistré pour sa part, d’importantes avancées dans le domaine des droits de l’Homme et des libertés fondamentales depuis les années 1990 en les dotant d’une valeur constitutionnelle, notamment dans le préambule de sa Constitution de 1992, et de celle révisée en 1996. Cette dernière « réaffirme l’attachement du Maroc aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus ». Et surtout avec l’avènement de la Constitution de 2011, où il a marqué une évolution notable dans le processus de la reconnaissance et la protection des libertés fondamentales.
En effet, la Constitution de 2011 accorde un Titre spécial aux « Libertés et droits fondamentaux », qui sont énoncés également dans le préambule et dans d’autres articles de ladite Constitution.
Quid de l’égalité des droits entre l’homme et la femme et la parité au Maroc au regard de la nouvelle Constitution ?
Avant d’entamer la problématique de l’égalité des droits entre l’homme et la femme et la parité au Maroc, il est nécessaire de rappeler que le régime juridique des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans tous les régimes démocratiques qui adhérent aux valeurs universelles des droits de l’homme et libertés fondamentales, se décline en deux volets principaux, à savoir :
D’une part, les libertés physiques qui concernent la personne humaine en tant qu’être charnel, et qui se subdivisent quant à elles en trois axes qui sont : 1- la liberté individuelle et la sureté personnelle (la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée…) ; 2- le droit à l’égalité et ses aménagements, et enfin, 3- le droit à la vie (la dignité de la personne humaine, le droit de disposer de son corps, le droit à l’intégrité physique…).
D’autre part, les libertés intellectuelles qui représentent quant à elles les libertés de l’esprit, et qui s’exercent soit d’une manière individuelle, soit d’une manière collective. Elles se déclinent en quatre axes, notamment, 1- les libertés d’opinion, d’expression et de conscience ; 2- la liberté de l’enseignement et le droit à l’éducation ; 3- les libertés de la presse, des communications dont celles électroniques et enfin 4- les libertés d’expression collective (la liberté d’association, de réunion et de manifestation, le droit de présenter une pétition…)
Dans le présent travail, nous allons nous intéresser à la problématique relative à l’égalité des droits entre l’homme et la femme et la parité au Maroc, qui se situe dans le premier volet relatif aux libertés physiques et principalement dans l’axe consacré au droit à l’égalité et ses aménagements.
Le droit à l’égalité trouve son fondement entre autres dans la formule magistrale de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui stipule que les « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Toutefois, l’égalité ne nous renvoie pas à une uniformité entre toutes les composantes de la société, notamment à cause des distinctions établies par celle-ci entre les sexes, la catégorie d’âge, la nationalité, l’état de santé…
Pour mieux comprendre le principe du droit à l’égalité et ses aménagements dans les normes internationales et son application selon les normes constitutionnelles et juridiques marocaines comparativement à d’autres pays, nous allons essayer de nous atteler à développer les volets suivants en quatre chapitres:
- 1- Le principe de l’égalité de droit et la non-discrimination
- 2- La reconnaissance des différences et le droit à l’égalité
- 3- Le recours paradoxal à la discrimination
- 4 – L’état d’égalité et de parité entre hommes et femmes ainsi que la « discrimination positive » au Maroc ?
1- Le principe de l’égalité de droit et la non-discrimination
Le principe de l’égalité de droit implique impérativement un droit à l’égalité entre toutes les catégories de la société. Ledit principe trône majestueusement dans la majorité des textes internationaux comme la Déclaration de 1789, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Convention européenne de sauvegarde de 1950 ou encore le Pacte des Nations unies de 1966, et se retrouve par ailleurs dans la Loi suprême du Maroc, en l’occurrence la Constitution de 2011.
Le principe d’égalité implique en premier lieu « l’égalité de tous devant la loi ». Ce fondement est consacré par la Constitution marocaine de 2011 dans son article 6, qui énonce quant à lui cette égalité d’abord entre toutes les personnes physiques et morales devant la loi : « La loi est l’expression suprême de la volonté de la Nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics, sont égaux devant elle et tenus de s’y soumettre(…) ». En second lieu, l’égalité doit être garantie dans tous les domaines de la vie, pour toutes les citoyennes et tous les citoyens, par les pouvoirs publics, qui doivent œuvrer à la création des conditions qui permettront selon le même article 6 de : « (…) généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale.»
Ce principe de l’égalité pour être effectif, trouve son pendant dans le principe de la non-discrimination, qui est en effet, stipulé d’une manière explicite dans la Constitution marocaine, qui appelle les pouvoirs publics à œuvrer pour bannir toutes les formes de discrimination. Par ailleurs, la réalisation de ce principe est évoquée d’une manière expresse dans le préambule de la Constitution de 2011: « (…) bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit;(…) »
2: La reconnaissance des différences et le droit à l’égalité
Pour atteindre le Graal du droit à l’égalité parfaite et réelle entre tous les êtres humains, l’humanité a fait un long chemin sans encore arriver à son objectif ultime. Un chemin encore parsemé d’embuches. Toutefois, les évolutions restent notables et ce grâce aux engagements des militants et des humanistes de par le monde depuis au moins deux siècles…
Il faut d’abord souligner l’opposition entre l’égalité réelle et l’égalité formelle. Le cas de la France est très significatif. En effet, la Déclaration de 1789 parle d’une égalité en droit et non pas une égalité de fait. D’ailleurs, l’exemple de l’exclusion des femmes du droit de vote jusqu’en 1944 en France le démontre amplement, alors que le suffrage universel fut instauré en en 1870.
L’institutionnalisation des droits des femmes s’est faite d’une manière progressive et reste toujours en cours… A côté des femmes, certaines catégories sensibles souffrent de la discrimination, la reconnaissance de la différence et l’acquisition du droit à l’égalité et s’inscrivent dans une lutte permanente pour se voir garantir lesdits droits: notamment 1- Les droits des femmes 2- Les droits de l’enfant 3- Les droits des malades 4- Les droits des étrangers…
3 : Le recours paradoxal à la discrimination
Il est parfois nécessaire pour lutter contre les discriminations de recourir à la discrimination dite «positive » en France ou encore : « affirmative action » pour les anglophones.
Dans ce chapitre nous allons aborder dans un premier temps, l’émergence de la discrimination positive, ensuite son application ainsi que la Parité politique en France avant d’analyser le contexte de la discrimination positive au Maroc et les tentatives de recours à la Parité politique et dans d’autres domaines entre hommes et femmes au Royaume.
L’émergence de la discrimination positive a eu lieu dans certains Etats pionniers et dont l’objectif principal recherché était la construction d’une égalité réelle et surtout dépasser l’égalité théorique qui existe dans les textes. En effet, plusieurs pays ont mis en œuvre certaines expériences qui utilisent comme instrument « la discrimination positive ». Notamment, en Inde avec la Constitution de 1949 qui a prévu des mesures spécifiques destinées à promouvoir le progrès économique et social de toutes les composantes de la population. Ou encore en Afrique du Sud, dont la Constitution de 1996 prévoit la « discrimination positive » pour les femmes et les non-blancs.
Par ailleurs, l’exemple de la France reste intéressant à étudier puisque le Maroc s’inspire du modèle français. L’Hexagone a appliqué la discrimination positive dans le traitement de la parité homme-femme en matière d’élections, après plusieurs tentatives et grâce aux efforts consentis par les militants des droits de l’Homme en général et de la défense des droits de la femme en particulier. Il est à noter qu’il y avait eu un antécédent à ce traitement avec l’instauration d’une certaine discrimination positive avec la « loi pour les invalides, les veuves ou les orphelins de guerre » en 1924, la loi de 1975 pour les handicapés, la loi du 31 mars 2006 sur l’égalité des chances…
Pour ce qui est de l’histoire de la Parité politique ainsi que dans d’autres domaines de la vie sociale en France, la recherche de ladite Parité entre les sexes a fait appel à des actions qui rompent avec la vision du principe d’égalité.
C’est Françoise Giroud, Secrétaire d’État à la condition féminine, qui avait proposé en 1975 de plafonner la part des “candidats du même sexe” à 80 % sur les listes de candidats aux élections municipales tout en instaurant un quota des femmes. Cette proposition sera vite abandonnée. En novembre 1982, suite à la proposition de la ministre en charge du droit des femmes, le Parlement issu de l’alternance de 1981 adopta une disposition prévoyant que “les listes de candidats aux élections municipales, ne peuvent comporter plus de 75 % de personnes du même sexe”. Seulement, cette loi largement adoptée, a été considérée comme non conforme à la Constitution. C’est d’ailleurs le Conseil constitutionnel qui avait émis une décision refusant l’idée même de quotas considérés comme contraires à l’indivisibilité de la souveraineté, donc à la différentiation des citoyens, notamment entre les sexes[3] : “Considérant que du rapprochement de ces textes, il résulte que la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ; qu’il en est ainsi pour tout suffrage politique ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la règle, pour l’établissement des listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur sexe, est contraire aux principes constitutionnels ci-dessus rappelés (…) »[4].
L’examen des motifs de refus du quota féminin nous montre que le juge constitutionnel n’a pas pris en considération le principe qui stipule que “la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme” (al. 3 du Préambule de 1946); Mais, il a examiné le quota dans une perspective qui fait appel exclusivement aux principes fondateurs de la citoyenneté républicaine. Et ce sont, l’article 3 de la Constitution et l’article 6 de la Déclaration de 1789 qui ont été pris en considération. Ce dernier consacre le principe d’égale admissibilité des citoyens “à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents »
Pour dépasser cette contrainte juridico-constitutionnelle et abolir ce déséquilibre flagrant entre les hommes et les femmes dans la vie politique, la France a procédé à une révision de sa Constitution, suite aux démarches militantes menées par le « réseau des femmes pour la parité » et par le manifeste de 577 pour une démocratie paritaire de 1993, ainsi que le manifeste des dix pour la parité regroupant dix anciennes ministres de droite comme de gauche, en 1996.
Ainsi, si les femmes sont devenues électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes grâce à l’ordonnance du 21 avril 1944, presque deux siècles après la Déclaration de 1789, et un siècle après l’instauration du suffrage universel par le décret Ledru-Rollin en 1848, il a fallu attendre l’année 1999 pour que la Révision constitutionnelle du 8 juillet, modifie les articles 3 et 4 de la Constitution française en ajoutant à l’article 3 l’affirmation que la loi « favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » et de mentionner dans l’article 4 que « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe ». Ensuite, la Loi du 6 juin 2000, a mis en place l’obligation de présenter un nombre égal de femmes et d’hommes lors des scrutins de liste avec l’instauration d’un système de retenue financière pour les partis politiques qui ne respectent pas la parité (2% d’écart maximum entre les deux sexes) des investitures lors des élections législatives. Par la suite, la Révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a élargi le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes en sus du domaine politique, notamment aux domaines professionnel et social. D’ailleurs la modification de l’article 1er de la Constitution dispose expressément que : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
Avec la Loi du 17 mai 2013, la parité politique « presque » parfaite est instaurée par le scrutin binominal – une femme et un homme – pour les élections départementales ; ainsi que pour les élections municipales et intercommunales, avec la modification du scrutin, dont l’objectif est de favoriser la parité par le recours à l’alternance stricte femme-homme, appliquée aux communes de 1.000 habitants et plus, et dans la liste des candidats au conseil communautaire.
En 2011, dans le cadre de la Parité dans le monde professionnel, la Loi du 27 janvier 2011 a instauré un objectif minimal à atteindre en 2017, notamment celui de 40% d’un des deux sexes au sein des conseils d’administration et de surveillance des entreprises cotées et de celles de plus de 500 salariés et présentant un chiffre d’affaires d’au moins 50 millions d’euros. Pour la fonction publique, c’est la Loi du 12 mars 2012 qui va instituer le taux de 40% de nominations d’un des deux sexes aux emplois d’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique; Le même seuil de 40% a été mis en place pour la représentation dans tous les conseils d’administration, les conseils de surveillance ou les organes équivalents des établissements publics administratifs, les jurys de recrutement, les comités de sélection et les instances de dialogue social. En 2013, c’est la Loi du 22 juillet qui permettra l’extension de la parité dans les listes de candidatures ainsi que pour les nominations aux instances décisionnaires de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Enfin, c’est avec la Loi du 4 août 2014 que la généralisation de la parité prend effet, puisque le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités s’applique depuis cette date à tous les secteurs de la vie sociale.
Toutefois, la Parité politique instituée constitutionnellement, et qui favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives et aux mandats électoraux, demeure encore « imparfaite » en France, puisque les femmes sont peu nombreuses en tête de listes. Si dans le parlement européen, la représentation reste relativement équilibrée entre les femmes et les hommes (43,2 %, 32 femmes et 42 hommes sur 74 député(e)s), il n’y a pas en parallèle une parité parfaite dans les assemblées parlementaires nationales, les lois sur la parité étant moins contraignantes à ce niveau. Toutefois, le progrès reste notable. Selon l’Union interparlementaire qui classe par ordre décroissant 193 pays en fonction du pourcentage de femmes occupant un siège dans la chambre unique ou la chambre basse, la France occupait le rang 63 en 2017 (26% des députés et 27% des sénateurs sont des femmes en mars 2017), alors qu’en 2019, la France grimpe au 17ème rang (39,7% des députés et 32,2% des sénateurs sont des femmes en février 2019) selon le même organisme.
4- Quid de l’état d’égalité et de parité entre hommes et femmes ainsi que la « discrimination positive » au Maroc ?
En premier lieu, le classement du Maroc concernant la Parité politique selon l’Union interparlementaire en février 2019 nous interpelle à plus d’un titre. En effet, le Maroc est classé au rang 98 sur 193 pays avec seulement le un cinquième (20,5%) des députés sont des femmes, soit 81 sur 395 député(e)s dans la Chambre des représentants à l’issue des législatives de 2016. A la Chambre des Conseillers, les femmes ne représentent que le un dixième, soit seulement 14 femmes sur 120 Conseillers. A titre comparatif, le Rwanda occupe le premier rang pas uniquement en Afrique mais au monde avec 61,3 % de femmes dans la chambre basse et 38,5 % dans la deuxième chambre. Le premier pays arabe dans ce classement est la Tunisie, qui est au rang 30, avec 35,9% des femmes dans le parlement suite aux dernières législatives tenues dans le pays en 2014 après le printemps arabe et la révolution du Jasmin ; Mais surtout après l’institutionnalisation de la Parité politique dans la nouvelle Constitution tunisienne, notamment dans l’article 46 : « (…) L’État s’emploie à consacrer la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues (…)».
En sus du retard accusé dans l’instauration effective de la parité dans le domaine politique, le Maroc reste à la traîne en matière de lutte contre les inégalités entre les sexes dans le monde du travail, de l’éducation, de la santé et de la politique. Selon le rapport du Forum économique mondial (WEF), le Maroc est classé la 137e sur 149 pays en 2018 et 136e en 2017 sur 144 pays.
Comme nous l’avons précisé précédemment, la Constitution marocaine de 2011 a mis en place le principe de « l’égalité de tous devant la loi » et le « bannissement de la discrimination » à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit. Elle a par ailleurs instauré le fondement de l’égalité entre l’homme et la femme dans tous les domaines dans son article 19, qui repose sur le fait que l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, et ce selon les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Maroc tout en respectant les dispositions de la Constitution, des constantes du Royaume et de ses lois.
La parité, quant à elle, a été instituée dans la loi fondamentale du Royaume, au niveau de l’article 19, qui dit que : « L’Etat œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes (…)»., et aussi dans l’article 164 qui met en place l’autorité chargée de la parité et de la lutte contre toutes les formes de discrimination : « (…) créée en vertu de l’article 19 de la présente Constitution, veille notamment au respect des droits et libertés prévues audit article, sous réserve des attributions dévolues au Conseil national des droits de l’Homme. »
Par ailleurs, la Loi 79-14 relative à la création de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination, n’a été promulgué que le 21 septembre 2017 après son approbation par le parlement, trois ans après le dépôt du projet de loi et 6 ans après l’avènement de la Constitution. Il est à préciser que les mouvements qui militent en faveur des droits de l’Homme et particulièrement les droits des femmes, trouvent que cette loi ne répond pas au sens et à l’esprit de la Constitution pour l’instauration d’une véritable parité, puisque d’une part, cette Autorité va seulement formuler des avis et d’autre part, ne possède pas de réel pouvoir quasi-juridictionnel qui lui permette d’émettre des décisions. Aussi, les recommandations du CNDH sur le projet de loi n’ont-elles pas été prises en compte par le ministère de la famille et du développement social.
Nonobstant cet arsenal juridique constitutionnel et réglementaire, l’égalité en droit dans la vie sociale, professionnelle, ainsi que la parité entre hommes et femmes, restent très approximatives au Maroc ! Alors, faut-il réviser la Constitution comme a fait la France, d’une part pour ne pas tomber dans la contrainte juridico-constitutionnelle du « quota » et le recours à la « discrimination positive » considérée dans ce cas comme anticonstitutionnelle et contraire à l’égalité. Et d’autre part, mettre expressément dans la Constitution le principe de la parité politique qui garantit « l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». Ensuite, pour ce qui est de la Parité dans le monde professionnel et social, l’exemple de la France et d’autres pays pionniers est à suivre aussi par l’élaboration de Lois qui vont dans le sens de l’institutionnalisation de ce fondement des droits de l’Homme et des droits de la femme pour bannir réellement toutes les discriminations et les inégalités.
Aujourd’hui, huit années après l’avènement de la Constitution de 2011, nous pouvons nous poser la question sur une réelle mise en œuvre des fondements stipulés par l’article premier de la Constitution notamment « la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes » par les gouvernements issus des législatives de 2011 et 2016 avec un taux de participation avoisinant les 40 % et une abstention qui dépasse les 50 % ? Des gouvernements dirigés par une majorité hétéroclite, avec une prédominance de la tendance « islamiste » qui n’arrivent pas à s’inscrire réellement dans l’esprit et la lettre de la Constitution quant à elle plébiscitée par 98,5 % des votants avec un taux de participation de plus de 75 % ?
En attendant, le Maroc reste toujours très en retard dans les domaines de l’égalité réelle entre les hommes et les femmes et la Parité entre les deux sexes, et campe malheureusement dans les derniers rangs du classement mondial dans plusieurs autres domaines comme la Santé, l’éducation…
Par Ali Lahrichi, Docteur en Droit public
[1] La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
[2] Henri Oberddorff, DROITS DE L’HOMME ET LIBETES FONDAMENTALES, Paris, LGDJ, 2008, 474 p., p.1.
[3] Op cit., Henri Oberddorff, DROITS DE L’HOMME ET LIBETES FONDAMENTALES, , p 342.
[4] Décision n°82-146 DC du 18 novembre 1982 relative à la Loi modifiant le Code électoral et le Code des communes et relative à l’élection des conseillers municipaux et aux conditions d’inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales.