Plusieurs Régies autonomes ont tenu leurs Conseils d’Administration traitant de l’arrêté des budgets. La présidence de ces Conseils par les walis et gouverneurs présente une irrégularité qui risque d’entacher les décisions desdits Conseils de nullité.
Conseil d’Administration : Team disqualifié
Plusieurs établissements publics ont organisé en cette fin d’années leurs Conseils d’Administration. L’ordre du jour de ces réunions est accaparé par l’arrêté des budgets avant de les soumettre pour approbation au ministère de l’économie et des finances. Dans la masse de ces établissements, on note les Régies communales dotées de la personnalité civile et de l’autonomie financière.
Le Conseil d’administration de ces Régies se compose de six à douze membres dont des représentants du ministère de l’intérieur, du ministère de l’économie et des finances et du Conseil Communal. Seulement, aucun de ces membres ne prend son courage à deux mains et s’adresse au wali ou au gouverneur pour lui dire qu’il n’a pas le droit de présider ce Conseil d’Administration. Et pour cause, le président du Conseil d’Administration doit être élu par les membres dudit Conseil et ce conformément aux dispositions de l’article 5 du Décret N° 2-64-394 du 29/09/1964.
Ces élections n’ont jamais été organisées. D’ailleurs, on n’a jamais vu de la fumée blanche surgir des cheminées des Hôtels de ville en guise d’annonce de l’élection d’un président. On n’a rien contre les walis et gouverneurs mais la loi doit avoir autorité sur les hommes et non pas les hommes sur la loi. On doit alors s’aligner sur les anglais qui respectent la loi et méprise l’autorité et rompre avec les français qui, au contraire, respectent l’autorité et méprisent la loi.
Le code de bonnes pratiques de gouvernance est claire
La présidence des Conseil d’Administration des Régies par les walis et gouverneurs ne relève pas de la pratique d’une autorité despotique mais d’une méconnaissance curieuse des textes qui encadrent le fonctionnement de ces établissements. Cette méconnaissance ne rime pas avec les orientations du Code Marocain de bonnes pratiques de gouvernance des entreprises et établissements publics. En effet, celui-ci précise que les membres des organes de gouvernance doivent recevoir une formation adéquate en vue de faciliter leur intégration et leur participation aux travaux. Ce même code précise que la formation doit porter sur les caractéristiques de l’entreprise, ses marchés, ses métiers, sa stratégie, ses politiques, ses enjeux et les risques auxquels elle est confrontée. Mais, apparemment, s’il fallait étudier les lois, on n’aurait pas le temps de les transgresser.
Certains diront que la présidence des Conseils d’Administration des Régies relève de la pratique de consensus. A ceux-ci, nous répondons que ledit code prohibe le recours systématique au consensus. En effet, le Code précise que les organes de gouvernance doivent être composés de membres intègres, compétents, impliqués, informés et apportant une diversité de manière à susciter de riches débats et éviter la recherche systématique du consensus.
D’autres avanceront que la présidence des Conseils d’administration des Régies par les walis et gouverneurs date de plusieurs années et devenue une pratique usuelle et répandue dans toutes les Régies. Les coutumes et usages deviennent alors source de droit. Le « qui ne dit mot consent », des différents membres dudit Conseil, renforce la position des présidents. A ceux-ci nous répondons qu’en présence de texte, on ne peut faire appel à la jurisprudence et que ce n’est pas par ce que fausseté devient générale qu’elle devient une vérité.
Irrégularité de taille
Maintenant, quelle est la valeur juridique des résolutions issues de délibérations d’un conseil d’Administration constitué en ignorance des dispositions légales ? La réponse à cette question n’est pas simple. et partagent les érudits du Droit Administratif.
En effet, pour certains les vices juridiques d’un acte entraînent l’illégalité de cet acte. Ce courant prône une logique simple : quel serait le sens d’une règle qui ne pourrait pas être respectée ? La sanction par l’annulation s’impose alors pour garantir le respect de la règle. Si la méconnaissance d’une disposition légale échappe à la sanction, ne faudrait-il pas en conclure que la disposition n’est pas nécessaire et qu’elle pourrait faire l’objet d’abrogation. En outre, à défaut de sanction, les Administrations ne seraient-elles tentées ne pas respecter les règles, dont le respect ne serait pas sanctionné. L’absence de sanctions conduirait les Administrations à pratiquer le shopping des règles juridiques. Elles se feront juges de l’opportunité de la règle dans chaque cas particulier.
D’autres spécialistes non favorables à l’annulation des actes découlant d’irrégularité, mettent en jeu les effets de l’annulation au regard de l’intérêt général. A leurs yeux, l’acte doit été annulé pour irrégularité, mais les effets de l’irrégularité ne doivent jouer que pour l’avenir. Ce courant fait obstacle à la notion de « tout ou rien ». il met en avant la règle de la proportion entre l’irrégularité et la gravité des conséquences de l’annulation.
A bon entendeur
Nul ne peut démentir que les walis et gouverneurs sont des francs du collier. Seulement les pouvoirs publics ne doivent pas les fortifier dans cette résolution irrégulière. Quant aux autres membres du Conseil d’Administration des Régies, ils doivent allumer leurs quinquets pour cerner l’environnement dans lequel ils entreprennent.