S’il y a quelques années, l’épargne dépassait l’investissement, la tendance s’inverse aujourd’hui à telle enseigne que l’on se pose la question s’il faut conclure une surchauffe de l’investissement.
Inclusion financière, diversification des produits financiers et sécurité du marché sont la clé de voûte pour mobiliser l’épargne.
D’année en année l’épargne s’effrite face aux besoins de la population de plus en plus pressants. En 2018, le taux de l’épargne est de 28% (vs un taux d’investissement de 32%). Manque d’incitations fiscales, défaillance structurelle de la demande, offre inadaptée et insuffisante … autant de facteurs qui freinent la mobilisation de l’épargne. De plus, l’épargne marocaine est liquide et majoritairement à court terme. C’est là où le bât blesse !
S’il y a quelques années, l’épargne dépassait l’investissement, la tendance s’inverse aujourd’hui. A partir de 2008, le taux d’épargne a commencé à baisser par rapport à l’investissement à tel enseigne que l’on se pose la question s’il faut conclure une surchauffe de l’investissement et donc l’impératif de sa réduction. D’autant plus que l’on remarque que l’investissement est faiblement rentable comme en atteste l’indice de coefficient marginal du capital (ICOR) de 7 points. D’aucuns attribuent cette faible rentabilité à l’investissement dans les infrastructures (ports, autoroutes…) peu créateurs de richesses à court et moyen terme, et ne partagent pas l’avis de lever le pied sur l’investissement.
Parallèlement, ils sont conscients de la nécessité de mobiliser l’épargne pour que le Maroc puisse faire face à ses besoins sans pour autant recourir intensément aux capitaux étrangers ou au financement monétaire. Ce qui pourrait se traduire par la vulnérabilité des équilibres macroéconomiques. Les années 80 sont fraîches dans nos mémoires pour nous rappeler que l’épargne constitue la variable déterminante dans la répartition intergénérationnelle de la richesse. Une période où le taux d’endettement oscillait autour de 130%, avec de lourdes conséquences sociales.
La désintermédiation pénalise l’épargne
Les derniers résultats de l’enquête de conjoncture du HCP relatifs au troisième trimestre 2018 indiquent que seuls 3,8% des ménages déclarent épargner une partie de leur revenu. De même, les données de l’enquête FINDEX 2017 de la Banque Mondiale montrent que la proportion de la population en âge d’activité qui épargne est deux fois moins élevée au Maroc que la moyenne des pays de sa classe de revenu, c’est-à-dire intermédiaire inférieur. C’est dire que le défi à relever est important non seulement pour mobiliser l’épargne, mais aussi pour la canaliser vers les circuits formels.
Dans son intervention, le gouverneur de BAM rappelle que le Maroc peut aujourd’hui se prévaloir d’un système financier des plus performants et solides en comparaison avec les pays émergents.
« En termes d’offre de produits et de services financiers, je pense qu’il y a eu une diversification importante, avec le développement des fonds de placement et la multiplication des instruments d’épargne dédiés (assurance-vie et non-vie, plans d’épargne éducation, logement, actions…), et plus récemment encore, l’entrée en activité de la finance participative », tient-il à rappeler. Toutefois, il est conscient que le secteur bancaire reste prépondérant dans notre système financier et que la désintermédiation est encore faible. Aussi, le marché boursier souffre-t-il d’un manque de profondeur et de liquidité structurelle.
Même avec leurs surliquidités, les investisseurs aussi bien institutionnels que particuliers ne trouvent pas assez de papiers frais, sur le marché financier. Cela décourage même les investisseurs étrangers à placer en masse sur le marché marocain. Par ailleurs, l’évolution de la courbe des taux dissuade les investisseurs à acheter des bons de Trésor à long terme.
Le paradoxe selon Abdellatif Jouahri
Le gouverneur de BAM parle même d’un paradoxe : un système financier développé et une demande limitée pour les services financiers. L’objectif ultime est de ramener les Marocains à utiliser les services financiers et à mettre leur épargne au service de l’économie.
En partageant leurs expériences avec l’auditoire, les intervenants étrangers insistent sur l’éducation financière et, partant l’inclusion financière comme préalable à la mobilisation de l’épargne. Ils insistent sur la révolution digitale qui offre aujourd’hui d’immenses opportunités pour avancer dans ce domaine et faire profiter les ruraux, les femmes et les jeunes qui sont exclus du système.
L’amélioration du cadre légal de la microfinance et le développement de la microassurance se veulent également des leviers à même de booster l’épargne.
Les opérateurs financiers sont appelés à innover et concevoir des produits adaptés aux besoins de la population. Tout laisse à dire que l’heure de repenser le paradigme de l’épargne a sonné.