Il est difficile de faire converger tous les investissements au niveau des régions vers l’objectif d’éradiquer les disparités spéciales en l’absence d’une décentralisation administrative effective et en attente d’une stratégie émanant de la régionalisation avancée. Du coup, l’impact demeure bien limité.
L’investissement public global prévu pour l’année budgétaire 2019 s’élève à 195 Mds de DH soit au même niveau de l’année 2018 (de 139 Mds de DH en 2009 à 195 MDH de DH en 2018, l’investissement public a cru de 44,4%).
99 Mds de DH de cet investissement sera porté par les établissements et entreprises publics, 77,5 Mds de DH par le budget de l’Etat et les 18,5 Mds de DH restants par les collectivités locales.
Dans quelle mesure cet investissement compte-t-il contribuer à supporter des projets à même de réduire les disparités sociales et territoriales ?
Le gouvernement se targue de la mise en œuvre du « Programme de réduction des disparités territoriales et sociales (PRDTS) » qui se voit attribuer 50 Mds de DH sur la période de 2016-2022, soit moins de 10 Mds de DH l’année.
Pour 2017, les crédits mobilisés n’ont guère excédé les 3,5 Mds de DH et ils ne dépasseront pas les 3,121 Mds de DH.
On évoque également comme autre programme phare l’initiative nationale pour le développement humain qui pour sa troisième phase qui s’étale de 2019 à 2023, mobilisera 18 Mds de DH. Pour autant, aucune précision sur comment cette initiative peut servir l’objectif de lutter contre les disparités territoriales. L’initiative dans ses deux premières phases n’a pas été évaluéz pour mesurer réellement son impact.
Dans cette approche régionale, l’un des programmes qui semble avoir un impact certain sur la réduction des inégalités entre régions est le renforcement de l’infrastructure des établissements scolaires, l’école étant un réel levier pour instaurer une égalité des chances, quelle que soit la région dans laquelle on vit.
Ainsi, que l’évolution de l’offre de soins et d’infrastructure sanitaire.
Venons-en au Plan Maroc Vert qui a dix ans à son actif mais dont le pilier II accuse un sérieux retard, à telle enseigne que le Roi dans son discours à l’ouverture de la session parlementaire d’automne a appelé à ce qu’une «réflexion soit engagée sur les meilleurs moyens à mettre en œuvre pour rendre justice aux petits agriculteurs, particulièrement en ce qui concerne la commercialisation de leurs produits, et la lutte vigoureuse contre les spéculations et la multiplication des intermédiaires ». Il a d’ailleurs ordonné la mobilisation des terres agricoles appartenant aux collectivités ethniques pour la réalisation de projets d’investissement agricole, constitue un levier fort pour améliorer globalement le niveau de vie socio-économique, et plus particulièrement celui des ayants droits.
Développement des provinces du Sud, un modèle à dupliquer ?
L’un des chantiers qui fait émerger la région comme acteur majeur de développement territorial est le Programme de développement des provinces du Sud qui a fait l’objet de conventions cadres signées devant le Roi en novembre 2015 à Laâyoune et à Dakhla en février 2016. L’enveloppe budgétaire dédiée à ce programme est passée de 71 Mds de DH à 80 Mds de DH.
A fin juin 2018, 52 projets essentiellement d’infrastructures ont été achevés pour 4,8 Mds de DH et 227 sont en cours pour un coût global de 35,148 Mds de DH.
Il est prévu pour le reste de 2018 et l’année 2019, le lancement de 185 projets d’un coût global de 32,6 Mds de DH. Sur le volet des investissements privés, si l’on se réfère aux derniers projets approuvés par la Commission d’investissement réunie deux fois en 2018, la région Laâyoune-Sakia Al Hamra arrive en pole position avec 17,18 milliards de DH soit 29% des projets approuvés. C’est dire que le programme de développement des provinces du Sud intéresse également le secteur privé.
Quand on compare ces performances avec le reste des régions il n’y a pas photo. En effet, ce n’est qu’à fin août 2018 que les programmes de développement régionaux (PDR) de dix régions ont été élaborés. Une région comme celle de Casablanca-Settat dans le cadre de son PDR devra voir se réaliser 389 projets sur son territoire pour un total de 33,6 Mds de DH, essentiellement tournés vers l’infrastructures. Les autres régions reçoivent des investissements de moindre importance alors que les besoins sont très pressants comme en témoignent les mouvements sociaux enregistrés dans certaines régions, le cas d’Al Hoceima où le programme Al Hoceima Manarat Al Moutawassit a accusé beaucoup de retard. Ce programme qui qui se décline en 903 projets pour 6,5 Mds de DH sur la période 2015-2019. A peine 300 projets ont été achevés après le tollé qu’avait suscitée la gestion de ce projet dont plusieurs ministres ont fait les frais.
La réforme de la gestion de l’investissement public suit son cours
Pour revenir à l’efficience de l’investissement de l’investissement public dans la lutte contre les disparités notamment territoriales, il est clair que le volume en doublant entre 2009 et 2018 a constitué un atout majeur pour soutenir les politiques publiques déclinées au niveau des régions. Néanmoins, l’impact de ces investissements reste en dessous des attentes comme le révèle l’étude de 2016 du HCP sur le rendement du capital physique.
Peut-il en être autrement, lorsqu’on est face à l’absence d’une décentralisation administrative effective et en attente d’une stratégie de gouvernance et de pilotage émanant de la régionalisation avancée.
Aujourd’hui, une réforme en cours vise la mise en place d’un cadre unifié de la gestion des investissements publics, et cherche à améliorer le traitement actuel du cycle des projets d’investissement public via une procédure de sélection mieux structurée. Sur le plan institutionnel, il a été créé en 2017, une structure au niveau du Ministère de l’Economie et des finances chargée de la gestion de l’investissement public et le renforcement de son équipe. Elle assurera le pilotage de la réforme de la gestion des investissements publics et veillera à l’application du cadre normatif lié au choix des projets d’investissement, à leur suivi et à leur évaluation. Elle peut proposer de prioriser des projets sur d’autres et établir leur programmation pluriannuelle.
Prochainement, il sera également procédé à la mise en place d’unités de gestion au sein des institutions porteuses de projets tout en assurant leur articulation avec le ministère de l’Economie et des Finances. Ces unités auront pour mission d’alimenter la banque des données des projets, coordonner la préparation de la documentation normalisée de l’évaluation socio-économique et sa présentation au ministère, particulièrement la Direction du Budget, répondre aux demandes du ministère relatives aux projets et veiller à la bonne exécution et au suivi des contrats d’investissement. Le cadre réglementaire est en cours de rédaction et sera finalisé en 2019 ainsi qu’un guide général sur l’évaluation socioéconomique des projets d’investissement public est en cours de conception.
Pour conclure, faut-il rappeler que le taux d’exécution du budget d’investissement au titre du budget général est passé de 62,43% en 2013 à 78,99% en 2017 en amélioration de 17 points, tandis que le taux de reports des crédits ouverts est tombé de 84% en 2013 à 36 % en 2017. Sans oublier que la Loi organique des Finances a introduit le plafonnement des reports à 30% des crédits ouverts par la Loi de Finances, le montant de crédits reportés est passé à 12 Mds de DH. Les EEP peuvent améliorer leur score de 60% de taux de réalisation, face aux collectivités territoriales qui affichent un taux de réalisation des budgets d’investissements qui frôle les 100% en 2017.