Chaque jour qui passe, nous prenons conscience que le monde est en perpétuelle mutation. Des changements et des évolutions qui ne sont pas exemptes d’impact sur l’entrepreneuriat et sur les systèmes économiques de tous les pays. Dans cette configuration qui change de contours en continu, il est communément reconnu que les métiers de demain n’existent pas aujourd’hui. A ce titre, il est à noter que 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore. La libéralisation avance à pas de géant et incite à trouver un équilibre entre le développement économique, social et humain. Les questions qui se posent aujourd’hui avec insistance sont : Comment se projeter sur des politiques d’emploi dans un contexte en perpétuel changement ? Comment concilier entre croissance économique et croissance sociale ? Comment réunir une vision globale avec une action territoriale ?
L’Université d’été de la CGEM a été une occasion pour faire le focus sur le désordre mondial qui régit actuellement avec son effet papillon sur les contrées même les plus lointaines.
« Dans un contexte de mondialisation, nous avons des situations d’inégalité et de plus en plus de clivages de territoires, de genre, d’âge, de générations… », explique Lionel Zinsou, ancien premier ministre du Bénin. Des inégalités qui nous interpellent chaque jour et qui, faut-il reconnaître, sont une menace pour la sécurité de nos pays.
« S’agissant du Maroc voire même de l’Afrique, nous avons la chance d’être dans une phase de renaissance comme en atteste le taux de croissance économique de l’Afrique », ajoute Lionel Zinsou pour apaiser les tensions dans la salle tellement il a répété le mot « désordre mondial ».
Zinsou plante le décor en présentant un désordre conjoncturel assez exceptionnel avec des acteurs qui sont inattendus dans le déclenchement de la récession. Il évoque le cas de l’Allemagne, première économie européenne, une économie ayant pulvérisé tous les records, qui devient fragile avec une croissance économique négative à cause du recul du commerce mondial, de la baisse de la production, du Brexit, de la guerre sino-américaine. Elle complète la récession italienne et même espagnole ( un deuxième trimestre négatif avec une forte chute de la production industrielle ) faisant de l’Europe un continent fragile récessif par des pays auxquels on ne s’y attend même pas.
C’est pour dire que l’Union européenne présente des signes de faiblesse et, du coup, tout le monde anticipe une récession.
Le Maroc comme la plupart des pays africains, reste dépendant de la demande européenne. Si l’on prend l’exemple de l’automobile, un secteur en crise aujourd’hui, il y a de quoi s’inquiéter. Aujourd’hui, tous les constructeurs allemands sont dans un mode production en baisse, sous l’effet d’une demande chinoise au ralenti.
Autre variable importante, qui n’est pas sans impact sur l’Afrique, est le retour d’épargne de nos migrants, complément essentiel de l’épargne nationale, qui s’inscrit sur un trend baissier. « On a besoin que nos diasporas soient dans des économies suffisamment saines pour que le retour d’épargne soit significatif », rappelle l’ancien premier ministre béninois. Parce qu’il ne faut pas omettre que l’Afrique reste très dépendante du ces facteurs de demande.
Le Brexit est aussi un problème épineux à prendre en considération. A rappeler que le parlement britannique a demandé, à juste titre d’ailleurs au Premier ministre, le rapport sur les effets du Brexit dont il ressort un risque récessif inquiétant. Les documents montrent qu’il faut se préparer à une contraction de plus de 100% de la richesse, à une crise très forte de la livre sterling. En cause, la Grande Bretagne est une économie qui pèse 18% du PIB de l’UE. Autant de nœuds gordiens qui planent sur le continent.
Pour compléter ce tableau sombre, il y a une guerre des monnaies difficiles à gérer entre le Dollar, l’Euro et le Yuan qui est une redoutable arme dans la guerre commerciale avec un coup de semonce organisé, il y quelques semaines, par la Chine.
Mais pas seulement. D’autres phénomènes plus importants marquent la conjoncture internationale. D’où la nécessité que l’intégration régionale devienne une réalité de plus en plus importante.
Des raisons sérieuses qui valident tellement la vision de Sa majesté le Roi Mohamed VI qui a donné au Maroc une vocation africaine. C’est pour dire que la diversification et l’orientation vers l’Afrique peuvent être qualifiées d’une prouesse.
« En quelques mots, l’Afrique est l’assurance de l’Afrique. Même si elle a connu deux années difficiles, elle sera à trois ou quatre fois le niveau de croissance de l’Europe », rassure Zinsou.
Pour y parvenir, il est impératif que la Zone de Libre Echange Continentale apporte la preuve que l’Afrique est capable de devenir le plus grand marché au monde, en dix ans, avec ses 10 milliards de consommateurs. C’est dire que l’Afrique existe et est capable d’offrir un ordre africain dans le désordre mondial.