Ecrit par S. Es-Siari |
Avec la crise et face à l’analyse de la riposte marocaine, le mandat dual de la Banque centrale est plus que jamais au cœur de l’actualité. Notamment dans les recommandations de la CSMD. Les précisions du Wali de BAM.
Depuis quelques années, les missions de la Banque centrale suscitent des interrogations au sein de la sphère économique notamment en ce qui concerne sa mission qui devrait évoluer pour s’adapter à la réalité économique et ne plus se limiter au ciblage de l’inflation.
La question se pose d’autant plus que l’inflation a évolué au cours des dernières années dans des territoires très proches de zéro. Autrement dit l’inflation n’est plus le 1er « ennemi » de la Banque Centrale.
D’aucuns vont même jusqu’à considérer que l’esprit originel de la création de la banque centrale marocaine a été oublié au fil de l’eau et pas simplement à l’orée du phénomène de libéralisation, de décloisonnement des activités financières et bancaires.
Toutefois, depuis l’avènement de la crise sanitaire, la banque centrale a été appelée au front pour soutenir l’économie nationale et les citoyens marocains malmenés par la crise économique suite à la crise sanitaire et les trois mois de confinement strict qu’elle a imposés.
A l’aune de la crise sanitaire, la question lancinante revient avec force sur le mandat dual de BAM.
Aussi, la question figure-t-elle dans le rapport sur le NMD préconisant l’évolution de la Banque Centrale vers un mandat dual, permettant une articulation judicieuse entre l’objectif de stabilité des prix et celui de la stimulation de l’économie et de l’amélioration de l’accès au crédit bancaire pour les opérateurs économiques.
Interrogé sur la question à l’occasion du Conseil de BAM, le wali rassure que la question a été abordée assez longuement lors du Conseil tenu le 22 juin 2021 pour dessiner les principaux contours et lancer la réflexion sur comment aborder la question.
Tout en reconnaissant la qualité du travail fourni par cette équipe multidisciplinaire qu’est la CSMD, il explique que toute proposition mérite d’être étudiée, discutée, enrichie, affinée, voir si elle doit être priorisée ou pas… C’est pour cela que le Conseil attend à ce qu’il se réunisse avec la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) pour discuter lesdites propositions point par point. « L’intérêt du pays prime et nous œuvrons tous pour aller de l’avant », rappelle A. Jouahri.
Et d’enchaîner : « En analysant les propositions de la CSMD, il y a celles sur lesquelles nous sommes d’accord et celles dont la commission est appelée à nous expliquer les tenants et les aboutissants. Donc tout ce que je peux dire c’est que nous attendons de rencontrer la commission pour discuter, enrichir le débat et pouvoir aller de l’avant…».
Pour autant, sur le plan du mandat dual, le Wali a tenu à apporter deux précisions : l’article VI des statuts de la Banque Centrale qui attribue à la banque centrale une autonomie totale en lui conférant le pouvoir de définir l’objectif de stabilité de prix, qui devient son objectif principal et de conduire la politique monétaire en toute indépendance. C’est pour dire qu’il ne s’agit surtout pas de l’objectif unique.
Par ailleurs, le même article mentionne une concertation régulière entre le ministre chargé des finances et le Wali en vue d’assurer la cohérence de la politique macro-prudentielle ainsi que celle de la politique monétaire avec les autres instruments de la politique macro-économique.
Mais il faut dire qu’aujourd’hui et dans un contexte très évolutif tout plaide pour que la politique monétaire joue un rôle plus engageant en apportant davantage de soutien à l’investissement et en garantissant des conditions de financement plus accommodantes. Elle est appelée à répondre aux priorités de notre époque que ce soit le financement de l’économie, du développement ou de la transition écologique…
La débâcle affligée à cause de la crise sanitaire est un signal fort.
Mais cela n’empêche pas A. Jouahri d’admettre que tout ce qui précède mérite une réflexion approfondie et un débat fructueux pour échanger l’argumentaire de ce qui est prioritaire, efficient… voire d’un intérêt global.
Avec la crise et face à l’analyse de la riposte marocaine à la crise, l’indépendance de la banque centrale est également plus que jamais sous la loupe d’un point de vue plus structurel que conjoncturel. La période de l’indépendance de la banque centrale qui a dominé les années 1990-2000 est révolue.
L’heure du changement de paradigme a tout simplement sonné.