Ecrit par L. Boumahrou |
Après plusieurs années d’attente, la réforme fiscale vient enfin d’être approuvée. Une adoption à l’unanimité au Parlement qui marque le début d’une nouvelle ère fiscale au Maroc. Une ère pour mettre fin à l’injustice fiscale et sociale. A deux mois de fin de mandat, Benchaâboun parvient à faire adopter, in extremis, ladite réforme.
La réforme du système fiscale a été l’une des principales recommandations des 3ème Assises de la Fiscalité tenues en mai 2019. Il a fallu attendre 2 ans après la tenue de ces Assises pour faire aboutir cette réforme tant attendue. Rappelons que les Assises avaient été marquées par l’annonce faite par le ministre de l’Economie et des Finances concernant l’élaboration d’une loi-cadre sur la fiscalité qui portera les grands principes de la réforme fiscale à venir et la programmation, sur 5 ans à partir de 2020, des principaux engagements du Maroc en la matière.
A deux mois du fin de mandat, Benchaâboun est parvenu à faire adopter, in extremis, cette loi qui se veut un impératif notamment à la veille de la mise en place d’un nouveau modèle de développement.
Et pour cause, la fiscalité est un levier transverse au service du développement visant non seulement à mobiliser des recettes pour le financement des politiques et des investissements publics, mais aussi d’orienter la fiscalité en faveur de la solidarité, de l’innovation, de la compétitivité et de la durabilité environnementale.
« Le système fiscal joue un rôle important dans la répartition équitable des richesses et la prise en charge de la charge fiscale. Dans ce contexte, la réalisation de la justice sociale et spatiale fait l’objet d’une grande attention de Sa Majesté le Roi afin de réduire les disparités et améliorer les services sociaux », a souligné Mohamed Benchaâboun, ministre des Finances devant le Parlement. Cette injustice fiscale est d’ailleurs l’une des raisons derrière l’appel du Souverain à revoir le modèle de développement du Maroc.
La commission en charge de l’élaboration du nouveau modèle de développement a d’ailleurs relevé plusieurs dysfonctionnements du système fiscal pour ne citer que les iniquités qui conduisent à une forte concentration de l’assiette et ne permettent pas de mobiliser le plein potentiel ; la faible adhésion à l’impôt ; la capacité limitée de prévention et de lutte contre la fraude fiscale ; le manque de lisibilité, de cohérence, et de visibilité à long terme ; la faible mobilisation au service de la solidarité et de la redistribution ; le faible mise en cohérence avec les objectifs de développement…
« Optimiser le plein potentiel fiscal de l’économie nationale en vue de corriger les inégalités de répartition primaire des richesses et des revenus, de soutenir le pouvoir d’achat des Marocains, de favoriser la compétitivité des entreprises et de réorienter massivement l’épargne nationale privée et institutionnelle vers l’économie productive et les filières d’avenir, tout en assurant une gouvernance efficace et transparente qui consolide la confiance dans le système fiscal », lit-on dans le rapport de la commission.
Un constat également relevé par le ministre des Finances qui n’a pas manqué de rappeler les dysfonctionnements et les insuffisances en termes d’efficacité et de justice qui empêchent d’atteindre les objectifs incitatifs, de redistribuer les revenus, de réanimer le modèle de développement économique, d’améliorer sa capacité d’inclusion sociale et de suivre le rythme des exigences de la durabilité environnementale.
Parmi les dysfonctionnements soulevés par Benchaâboun, le grand nombre d’incitations fiscales et l’absence des mécanismes d’évaluation pour évaluer lesdites incitations. Résultat des courses : un impact négatif sur le Budget et une atteinte aux règles de la libre concurrence. C’est même en contradiction totale avec le principe de l’équité fiscale.
La faible compétitivité de l’entreprise, notamment du secteur industriel et des nouvelles technologies figure également parmi les insuffisances de ce système, ce qui nécessite, selon le ministre, une baisse des taux d’imposition des sociétés conformément à la tendance enregistrée au niveau mondial.
Un régime fiscal des petits artisans très complexe et inadapté aux capacités limitées de cette frange du tissu économique. Et bien d’autres insuffisances. Benchaâboun n’a pas manqué de préciser que la convergence entre les conclusions des Assises et les recommandations du nouveau modèle de développement ont permis de cristalliser un projet de réforme fiscal intégré, à travers l’identification de ses composantes, de ses principes, de ses objectifs et des modalités de son application de façon progressive.
« Cette loi-cadre affirme la volonté de l’administration publique à réformer. C’est aussi et un engagement collectif envers les choix et les mesures qui ont été faits. A ce titre, le projet de réforme du système fiscal, objet de cette loi-cadre, vise à poser les fondements et à définir la référence qui encadre la politique de l’Etat en matière de réforme fiscale », a précisé M. Benchaâboun.
Cette loi-cadre permettra ainsi d’apporter 5 réponses :
- Atteindre la justice fiscale et assurer l’égalité de tous devant l’impôt ;
- Renforcer les droits et la confiance mutuelle entre les débiteurs et l’administration ;
- Mobiliser tout le potentiel fiscal pour financer les politiques publiques ;
- Réformer le système des redevances collectives et parafiscales ;
- Et enfin promouvoir un système de gouvernance efficace et efficient.