Le ministère de l’Economie et des Finances, l’ordonnateur du Fonds, n’a pas jusqu’à présent communiqué sur le montant collecté par le Fonds de lutte contre le Covid-19.
La pandémie du Coronavirus a mis sens dessus dessous le monde entier, a mis à genoux les économies (même les puissances mondiales), semé la panique dans les marchés financiers et surtout fait des milliers de victimes. Nonobstant, elle a fait ressortir une fibre de solidarité entre les peuples et parfois même entre les nations.
Au Maroc, dès l’apparition des premiers cas, SM le Roi a donné ses hautes instructions pour la création du fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie du coronavirus pour prendre en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical et d’autre part au soutien de l’économie.
Aussitôt dit aussitôt fait. En quelques jours, institutions publiques, entreprises privées, fonctionnaires, employés ou simples citoyens se sont mobilisés pour répondre à l’appel Royal.
Du 15 mars, date de lancement de l’initiative au 4 avril, la somme collectée est estimée à plus de 33,7 Mds de DH. Ce chiffre ne comporte ni les donations des représentants de la nation et des fonctionnaires ni les donations en nature. Le ministère de l’Economie et des Finances, ordonnateur du Fonds, n’a jamais communiqué sur le montant collecté jusqu’à présent.
Un manque de transparence qui lui a été reproché lors de la réunion de la commission des finances et du développement économique au sein de la Chambre des Représentants tenue ce mardi 7 avril 2020 pour examiner le projet de décret-loi n°2.20.320 relatif au dépassement des seuils de financement extérieur.
« Il est important, dans une optique de transparence, d’informer l’opinion publique sur les recettes mais également les dépenses du Fonds de lutte contre la pandémie. Cela permettrait de mettre fin aux Fakes news relatives aux questions financières », a martelé Lahcen Haddad, député de l’Istiqlal.
En effet, mis à part les montants rendus publics par les différents donateurs qui ont permis à certains organismes de faire une estimation des montants collectés, Mohamed Benchaâboun ne s’est jamais prononcé sur ce sujet ni via communiqué ni dans ses différentes sorties médiatiques.
Et pourtant, il s’agit d’une information cruciale qui permet d’une part de donner une idée sur la mobilisation des Marocains dans cette guerre et d’autre part de donner de la visibilité sur la capacité financière du Fonds pour faire face à cette pandémie.
A ce titre, les parlementaires n’ont pas manqué l’occasion pour rappeler au ministre le rôle du Parlement et du gouvernement dans les prises de décision, bien que la situation soit exceptionnelle et nécessite l’adoption de mesures urgentes.
Flou autour de la gestion du Fonds
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles certes. Mais cela devrait se faire dans les règles de l’art. A commencer par la gestion du Fonds de lutte contre la pandémie. Plusieurs députés ont réclamé de la transparence notamment dans la communication économique et financière du Fonds. Ce qui nous amène à la question : la gestion du Fonds est-elle soumise à un contrôle en continu ?
Non d’après le député Omar Balafrej. « Le contrôle dudit Fonds, comme c’est le cas pour tous les comptes spéciaux, est plus complexe que le budget général. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas contrôlés. Mais il va y avoir un contrôle a posteriori et pas un contrôle continu », précise Omar Balafrej. C’est aussi l’avis d’autres députés que nous avons contactés et qui déplorent une implication plus importante de l’instance parlementaire dans les prises de décision.
Et d’ajouter « la décision de créer ce Fonds est pertinente toutefois autant nous avons une bonne communication sur le plan sanitaire autant sur les dépenses et les décisions économiques il y a une opacité dérangeante ».
En effet, le ministre des Finances, ordonnateur du Fonds, a carte blanche sur la gestion du Fonds en fonction des priorités et en fonction des axes fixés dans le décret n°2.20.269 portant création du Fonds spécial pour la gestion de la pandémie.
Toutefois, hormis quelques informations sur les affectations du Fonds notamment les 2 Mds de DH pour le secteur de la Santé et une idée partielle sur le budget alloué aux mesures sociales et économiques (indemnité pour les employés en arrêt), il y a un flou total sur toutes les autres affectations. Sur ce point le ministre des Finances est appelé à revoir ses cartes en jouant plus sur la transparence dont a besoin le peuple.
Quid de la gestion du Fonds ?
La cible du Fonds est clairement définie depuis sa création. Dans un souci de transparence, la question qui se pose également est celle du contrôle des dépenses au niveau des établissements bénéficiaires.
A ce niveau, il semble que le circuit est assez verrouillé. Nous apprenons que les affectations du Fonds de lutte contre la pandémie ne seront pas affectées directement aux institutions mais plutôt gérées par la TGR. Concrètement, les départements qui obtiendront l’autorisation de dépenses du ministre des Finances, dans le cadre du Fonds, devront présenter un dossier d’engagement en signalant dans l’objet de la dépense la mention « dans le cadre du Covid-19 ».
Le dossier est ensuite passé au crible fin (autorisation, plafond, nature de la dépense…) avant l’octroi du visa. Le contrôle se fait donc tout au long du processus du traitement des dossiers d’engagement.
Rappelons que le compte unique du trésor ouvert auprès de Bank Al-Maghrib (BAM) permet à la Trésorerie Générale du Royaume de prendre en charge, dans le cadre de la plateforme GID ‘Gestion intégrée de la dépense » l’ensemble des opérations d’encaissement et de décaissement et ce, dans le cadre de l’exercice de ses missions liées au contrôle et à l’exécution des dépenses de l’Etat et des collectivités territoriales. Une spécificité de nos finances publiques qui permet un contrôle plus efficient tout au long du processus.