La réforme du modèle du développement est une décision souveraine du Maroc. Pour autant, il est légitime de se poser la question de la marge de manœuvre dont jouit le pays pour opérer des changements fondamentaux de son modèle de développement. Et surtout dans quelle mesure les contraintes externes et internes peuvent influencer le rythme de la réforme voire sa teneur.
Ces sont là des questions que le Professeur universitaire et Directeur de la Revue marocaine des sciences politiques et sociales, Abdelmoughit Benmessaoud Tredano, a abordé lors de la rencontre organisée par la Revue Marocaine des Sciences Politiques et Sociales, en partenariat avec la Fondation Hanns Seidel, sur le thème : Le modèle de développement, Quel modèle ?
Pour l’universitaire, « On ne peut pas imaginer aujourd’hui, un développement dans un pays donné en ignorant la donne nationale et les contraintes résultant du rôle des puissances et des institutions financières internationales ». Il estime en effet, que le lien entre l’interne et l’international s’affirme de plus de plus notamment depuis 1989 (La chute du mur, de l’empire soviétique et de l’URSS).
« L’ingérence des puissances occidentales devient plus envahissante et contraignante (devoir d’ingérence pour non-respect de la démocratie et des droits de l’Homme depuis la conférence franco-africaine de La Baule de juin 1990 et la consécration de « la responsabilité de protéger » par l’ONU en 2001 », argumente-t-il.
Pour Abdelmoughit Tredano, « les recommandations des institutions financières internationales limitent la liberté de choix et la souveraineté au niveau de la stratégie de développement (exemple Mémorandum économique : le Maroc à l’horizon 2040 de la Banque mondiale 2017) ».
Pour comprendre dans quelle mesure cette forme d’ingérence entrave tout développement, l’universitaire rappelle le cas européen qui s’est développé, du 14ème au 19ème siècle dans un système de protection douanière et surtout son développement s’est fait dans le cadre de rapport de forces intra-européen ; « il n’y avait pas de puissance étrangère qui pouvait entraver son développement (l’Empire ottoman était dans une phase déclinante depuis le double échec du siège de Vienne en 1529 et 1683) ».
Le cas de l’Iran est également cité en exemple puisque depuis 1953, date de nationalisation du pétrole iranien et le coup d’Etat contre Mossadegh, même avec la présence d’une élite politique engagée en faveur de son peuple, l’ingérence des puissances occidentales empêche et rend difficile la réussite de toute politique de développement autonome, soutient Tredano.
La donne écologique à ne pas perdre de vue
La donne écologique est devenue déterminante dans toute politique de développement. Déjà en 1931 : Paul Valery avait attiré l’attention sur les limites de la planète dans « Le temps du monde fini commence », rappelle le directeur général de la Revue marocaine des sciences politiques et sociales. En 1972, les membres du club de Rome dans le rapport « Halte à la croissance » avertissaient déjà des dangers d’une croissance économique effrénée pour la planète, ajoute-il.
« Aujourd’hui la question de développement, dans sa version productiviste, se pose en termes d’extinction ou de survie de l’humain. D’où la nécessité de penser le développement autrement », insiste Abdelmoughit Tredano.
L’on est tout de même rassuré de voir que le Maroc s’engage fortement sur cette voie dont la plus belle illustration sont les engagements prix lors de la COP21 à Paris ou encore l’organisation de la COP22 à Marrakech.
Les limites internes
La réforme par les politiques publiques sectorielles ne suffit pas pour produire un développement durable, soutient l’universitaire. Pour illustrer son propos, il donne l’exemple de la fiscalité : un système fiscal plus performant ne conduit pas forcément à la croissance et au développement si elle ne s’inscrit pas dans une stratégie globale.
« L’option ne peut être que globale ; elle est d’abord politico-culturelle et religieuse (la théorie des instances) ; aujourd’hui c’est elle qui détermine tout le reste pour le cas du Maroc », soutient A. Tredano.
Et les piliers fondamentaux de cette politique globale sont un projet de société et une volonté politique préalable : « Il ne s’agit pas là de dire « il n’y a qu’à… » et « il faut que… », mais d’une véritable stratégie conçue et décidée par le politique et prête à la mise en œuvre ». Et cela ne peut se faire sans le rétablissement de la confiance et la crédibilisation du politique avec des mesures choc !
« Donc, une réforme profonde du politique, du judiciaire et de l’administration s’impose », selon Tredano. Un système éducatif performant est une autre condition incontournable d’une politique globale de réforme.
« La politique industrielle doit être globale et autonome, répondant aux besoins de la population, et non dictée par la nouvelle division internationale du travail et le nouveau déploiement du capital international nés d’un système ultralibéral destructeur qui induit des injustices flagrantes depuis les années 80 et aggravés par la mondialisation rampante (il faut créer un rapport de force pour sortir de l’enfermement). Elle doit éviter les erreurs commises par le monde industrialisé depuis fin 19ème », telle est la vision que défend Tredano. Il cite dans ce sens l’économiste sénégalais Felwine Sarr qui, (dans « Afrotopia », 2016) estime que l’Afrique n’a rien à rattraper : son développement doit être endogène en prenant en considération son histoire, sa culture et les besoins de ses peuples.
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1 comment
bonjour
etes vous dupe pour croire qu’on peut inventer un modele economique propre a nous et différent de celui tous les autres pays de la planète !!!