Au Maroc, le nouveau Projet sur le Modèle de Développement n’est nul autre qu’une feuille de route métastratégique de l’Etat à Moyen Long Terme (MLT). C’est en effet une vision du Pays à l’horizon 2035, qui consolide les besoins et les impératifs de développement et sur tous les plans (social, économique, culturel, environnemental…).
Néanmoins, la réussite dudit Modèle repose sur un certain nombre de conditions. Je cite, entre autres, la cohésion gouvernementale dans la mise en œuvre de l’action publique, l’allocation des moyens financiers nécessaires, la culture de gestion manquant à l’appel (management par objectif, pilotage des performances…), ainsi que l’implication réelle de toutes les parties prenantes (Etat, Collectivités, Secteur Privé, Société Civile, Coopératives, Groupements Professionnels, etc.).
Or, la consolidation desdites conditions de réussite reste tributaire de la volonté des différents acteurs, plus particulièrement celle du futur Pouvoir Exécutif. Cependant, les élections législatives de Septembre prochain constitueront l’essence du Nouveau Modèle de Développement (NMD). En effet, plusieurs analystes confondent entre le programme gouvernemental et le NMD, du moment où ils considèrent qu’il s’agit du même document ayant la même finalité.
Néanmoins, le programme gouvernemental ne retrace que les actions politiques à entreprendre pour un mandat électoral précis, alors que le NMD constitue la trajectoire cible et la feuille de route étatique globale du Pays pour le MLT. De ce fait, chaque programme gouvernemental devrait être en parfaite cohésion avec le NMD, afin d’assurer la convergence de l’ensemble des politiques publiques et pour garantir l’efficacité de l’action de l’Etat.
En revanche, chaque Gouvernement devrait disposer d’une marge de manœuvre qui prend en considération les différentes conditions conjoncturelles liées aux incertitudes sanitaires et financières universelles, mais sans déraper du cadre général qui sera défini par le futur Pacte National du NMD. De ce fait, la Monarchie, en l’occurrence l’Institution Royale, demeurera le garant et l’arbitre suprême entre institutions et acteurs nationaux, afin d’assurer la cohésion d’ensemble et à travers un pilotage métastratégique.
Par conséquent, il ne faudrait surtout pas confondre entre les rôles et les prérogatives des acteurs étatiques. Si le Gouvernement acquière la confiance du Parlement à travers la présentation et le vote de son programme gouvernemental, c’est qu’il est tenu de le réaliser et d’ajuster ledit programme dans le cadre de l’exercice des fonctions, et au fur et à mesure des événements qui se produisent à l’échelle nationale ainsi qu’internationale, mais bien évidemment dans le cadre de la souveraineté nationale, en l’occurrence le respect de la Constitution Marocaine et de la législation en vigueur. Encore mieux, l’action gouvernementale devrait être en parfaite harmonie avec le futur Pacte National du NMD.
Cependant, ledit Pacte devrait tout de même couvrir un certain nombre de programmes de développement sur les plans économique, social, environnemental et même culturel. Selon moi, il est essentiel de rentrer un peu dans le détail des choses pour sortir du cadre d’un document classique de théorie générale. De ce fait, il va falloir doter ledit Pacte d’une batterie d’indicateurs d’impact à MLT et d’une matrice d’affectation des rôles et des responsabilités des principaux « Stakeholders », tout en décrivant de manière claire les activités et les actions à envisager pour l’atteinte des objectifs de développement, et afin d’assurer le progrès de la Nation à l’horizon 2035.
La programmation des actions globales des acteurs majeurs à MLT, en l’occurrence l’Etat, le Pouvoir Exécutif, les Collectivités Territoriales, les Entreprises et Établissements Publics Bras de Fer de l’Etat, le Patronat porte-parole du Secteur Privé, les Groupements Professionnels, entre autres, reste un élément majeur pour l’opérationnalisation du Pacte National, ne serait-ce que de manière synthétique et diagonale pour ne pas se noyer dans le détail opérationnel et qui pourrait rendre plus complexe la mise en œuvre du NMD.
Par conséquent, l’impulsion d’une nouvelle dynamique dépendra de la qualité dudit document qui servira de feuille de route globale, essentielle pour éclairer davantage le futur Gouvernement qui naitra des prochaines électives de septembre 2021. Ainsi, le nouveau Pouvoir Exécutif agira dans un cadre global bien défini et son programme gouvernemental concordera bien évidemment avec le NMD.
En outre, le futur Pacte National constituera un engagement majeur de l’ensemble des parties prenantes et même une source de motivation pour les acteurs concernés, servant de catalyseur d’une nouvelle dynamique de développement. Cependant, il reste nécessaire de s’outiller d’indicateurs afin de mesurer l’impact de l’action sur le territoire, ainsi qu’un tableau de bord national qui indiquera sur l’état d’avancement de l’ensemble des chantiers.
Par ailleurs, il incombera au Comité de Pilotage du NMD de suivre de plus près l’ensemble des projets contractés dans le cadre dudit Pacte. Il sera nécessaire d’élargir sa représentativité afin d’inclure tous les représentants potentiels des parties prenantes. La mesure de l’action territoriale et le suivi des projets sectoriels de développement ou de restructuration peuvent s’opérer, le cas échéant, par ledit Comité Pilotage, mais à travers une vue transverse d’en haut, pour qu’il n’y est pas de chevauchement en terme de suivi opérationnel relevant des prérogatives du Pouvoir Exécutif. In fine, à chacun son rôle et à chacun ses responsabilités.
Par Youssef Guerraoui Filali
Président du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management